Tribune

« La santé touche au coeur de la condition humaine, elle est un droit théoriquement sans condition préalable »

Nicolas Souveton
Président d’Oxance

Après un détour en langue anglaise au XVIIe et au XVIIIe siècle, le mot « performance » nous est revenu au début du XIXe siècle, d’abord dans le domaine hippique. Nous voilà un peu loin du système de santé. Mais, en ancien français, la performance, c’est l’accomplissement, dérivé du latin performare, « former entièrement ». Saisissons-nous de cette idée de plénitude, d’exhaustivité, pour souligner aujourd’hui qu’en matière de santé, la performance doit être au service d’un accès de toutes et tous à la santé.

Rendre la santé accessible à tous, partout !

La santé touche au coeur de la condition humaine, elle est un droit théoriquement sans condition préalable. Mais c’est bien sûr là que tout se complique. Car les conditions préalables s’invitent sans crier gare : sexe et genre, lieu d’habitation, culture générale, revenus, couleur de peau sont autant de facteurs qui, dans la pratique, perturbent l’effectivité d’un droit dont chaque humain devrait bénéficier en fonction de ses besoins.

En France, si l’état de santé de la population est bon en moyenne, il reste marqué par des inégalités fortes. Santé Publique France note qu’elles « résultent d’une inégalité de distribution d’une multitude de déterminants sociaux tels que le genre, le pays de naissance, la composition familiale, le revenu, la scolarité, le métier, le soutien social1. » C’est ainsi que l’on constate que les personnes vivant dans les zones les plus défavorisées ont de moins bonnes chances de survie après un cancer ou que l’hospitalisation et la mortalité pour certaines maladies cardio-neuro-vasculaires augmentent à mesure que le niveau socio-économique des patients diminue. Enfin, l’approche encore trop genrée des pathologies entraîne des erreurs de diagnostics. Les exemples de l’ostéoporose nettement sous-évaluée chez les hommes ou de l’infarctus confondu avec une crise d’angoisse chez les femmes sont connus.

Répondre le mieux possible à l’enjeu de l’accès aux soins

Le défi social des acteurs de santé, c’est de répondre aux besoins spécifiques des patients en contrecarrant ces déterminants sociaux.

Le premier levier pour estomper les déterminants sociaux et les freins psychosociaux, c’est l’accessibilité des équipements sans exclusion géographique. C’est essentiel dans un contexte de difficultés croissantes de démographie médicale. C’est dans cette logique que nous faisons vivre et que nous développons des centres de santé polyvalents mutualistes dans les zones sous-dotées en professionnels de santé, qu’elles soient urbaines, périurbaines, avec une attention particulière pour les quartiers populaires.

Le second levier tient à la pratique professionnelle. C’est là que se dessine le second défi des acteurs de santé : l’organisation.

Faire de la médecine d’équipe la norme

Historiquement, la mutualité ouvrière, dont Oxance est le fruit, a très vite identifié le bénéfice de la médecine d’équipe pratiquée dans des centres pluridisciplinaires. Si l’élan a été pris tôt, encore faut-il adapter nos réponses aux situations contemporaines. Les centres de santé polyvalents permettent aujourd’hui de prendre en charge plus globalement les patients en leur rendant accessibles au même endroit des compétences médicales et paramédicales complémentaires. Cette performance organisationnelle est donc mise au service de la patientèle, favorisant une prise en charge globale, et diminuant les risques de rupture dans le parcours de soins. En ces temps de pénurie de professionnels de santé, les centres médicaux polyvalents favorisent la bonne utilisation du temps médical. En déchargeant les professionnels de santé des tâches administratives, mais aussi par le développement de pratiques collaboratives entre les personnels soignants. Elles permettent aussi d’accélérer le développement du « partage des tâches » dont nous savons qu’il figure au rang des priorités pour maintenir la qualité de la réponse médicale malgré la baisse de la démographie médicale. En outre, ces pratiques correspondent aux attentes des jeunes générations qui ne veulent plus de l’exercice isolé de la médecine. Cette performance organisationnelle est donc aussi au service de l’optimisation du temps médical disponible, améliorant les conditions d’exercice des praticiens, au service de patients.

L’équilibre économique, condition de la performance durable

Dans un monde fini, tout ce travail ne peut s’entendre que dans le cadre d’un équilibre économique, troisième défi de la performance en santé. Cet équilibre économique est la condition nécessaire de la pérennité des services que nous apportons à la population. En cohérence avec l’impératif de l’accessibilité universelle aux soins, nos activités ne s’entendent que dans le respect des tarifs conventionnels de la Sécurité sociale, auquel s’ajoute la pratique généralisée du tiers payant permettant la dispense d’avance de frais. La construction de l’équilibre malgré l’ensemble de ces contraintes passe par plusieurs actions. D’abord, la construction de partenariats solides. Avant tout avec le secteur mutualiste, les mutuelles de Livre 2 poursuivant leur soutien indispensable à nos structures de soins.

Ensuite, avec les collectivités locales, en première ligne face à la désertification médicale et aujourd’hui essentielles dans le soutien à l’investissement, notamment immobilier. Ensuite, par une répartition des activités au sein de nos établissements, alliant la réponse aux besoins des populations et la recherche de résultat économique. Enfin, par une gestion optimisée pilotée au quotidien, en utilisant tous les leviers. Nos structures appartiennent à l’Économie sociale et solidaire. Elles ne rémunèrent pas d’actionnaires. Elles mobilisent leurs résultats pour investir et innover. La performance économique est dirigée vers la réponse aux besoins des patients.

Les atouts mutualistes

Le droit à la santé est une évidence humaine. Mais notre système de santé, dont la raison d’être est de permettre ce droit, est en crise. La pandémie de Covid-19 a agi comme un révélateur des failles d’un système dont certains avaient peut-être une vision idyllique. Mutualistes, nous sommes au travail pour contribuer à reconstruire un système de santé à la hauteur des besoins de la population en n’ignorant aucun des défis sociaux, organisationnels, économiques. Faire de la santé un droit effectif et universel, c’est l’objectif auquel nous destinons notre performance.

1Santé Publique France, Les inégalités sociales et territoriales de santé, mai 2021.

Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé