Gwenaël Prouteau
Bureau International du Travail (BIT)
L’emploi des jeunes, pilier de la cohésion sociale
L’emploi est l’un des principaux piliers de la cohésion sociale. Avoir un travail est le meilleur moyen d’éviter l’exclusion, mais il n’en est pas toujours une garantie. En effet, aujourd’hui en 2020, environ 8 % des citoyens de l’Union européenne (UE) courent un risque de pauvreté alors même qu’ils ont un emploi. En considérant la population de l’UE dans son ensemble, 16 % des Européens (plus de 70 millions de personnes) pourraient encourir un risque de pauvreté mesurée en termes de revenu.
Sans emplois productifs, il est illusoire de prétendre à des niveaux de vie décents, au développement économique, social et à l’épanouissement de l’individu. Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail.
Depuis 2008, l’activité mondiale s’est repliée en raison de la crise des « subprimes ». Née aux États-Unis, elle s’est propagée à l’économie mondiale avec une célérité sans précédent tout en revêtant une spécificité particulière. En effet, elle a affecté, à la fois les pays industrialisés et les pays émergents. Même si une légère amélioration de la croissance mondiale fut amorcée en 2017, les décisions en matière d’investissement et d’embauche à l’échelle mondiale demeurent modestes en raison de l’incertitude liée à un environnement en constante évolution.
Plus que jamais, l’emploi des jeunes reste un défi mondial et une préoccupation politique cruciale. S’agissant des pays développés, pour lesquels on dispose d’informations, les jeunes risquent davantage de souffrir de pauvreté relative (définie ici comme vivant avec moins de 60 % du revenu médian) alors qu’ils ont un emploi. Outre les faibles salaires, les jeunes occupent souvent, faute de mieux, des emplois informels, temporaires ou à temps partiel. Ainsi, de nos jours, environ 30 % des jeunes travaillant à temps partiel et un peu moins de 40 % des jeunes dans le cadre d’emplois temporaires, le faisaient malgré eux.
Plus grave, la transition entre l’école et la vie active devenant de plus en plus difficile, un nombre croissant de jeunes ne sont ni étudiants, ni pourvus d’un emploi, ni en formation (catégorie NEET). Cette situation recèle des risques de détérioration des compétences, de
sous-emploi et de découragement.
Pourtant, plus de 450 millions de nouveaux emplois, au total, doivent être créés d’ici à 2030, ne serait-ce que pour rester en phase avec la croissance de la population en âge de travailler. Cela représente environ 40 millions d’emplois par an. De surcroît, il convient d’améliorer la situation de quelques 780 millions d’hommes et de femmes qui travaillent mais ne gagnent pas suffisamment de revenus pour se hisser eux et leurs familles au-dessus du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour.
Confrontés à un péril commun, les pays européens doivent synchroniser leurs actions. Plus que jamais, des politiques réactives et coordonnées s’imposent, notamment les politiques de stabilisation macroéconomiques. Le postulat suivant est unanimement admis : davantage de personnes occupant un emploi décent, c’est une croissance économique plus forte et plus inclusive. Plus de croissance, c’est plus de ressources pour créer des emplois décents. à l’échelle européenne, quelles sont les politiques à élaborer ainsi que la gouvernance adéquate pour transformer ce postulat en réalité ? Dans un contexte mondialisé et d’interdépendance, l’Europe peut et doit jouer sa partition dans le concert des Nations.
L’Europe, indispensable facteur clé pour relever le défi du plein emploi
Dans un monde en mutation, l’Union Européenne doit devenir une économie intelligente, durable et inclusive. Ces trois piliers qui se renforcent mutuellement doivent aider ses états membres à assurer des niveaux élevés d’emploi, de productivité et de cohésion sociale.
Pour ce faire, aujourd’hui plus que jamais, l’Europe a besoin de l’industrie et l’industrie a besoin de l’Europe. En effet, le marché unique, avec 500 millions de consommateurs, 220 millions de travailleurs et 20 millions de chefs d’entreprise, est un instrument clé pour réaliser une Europe industrielle compétitive. En plus, 80 % des efforts de recherche et développement du secteur privé relèvent de l’industrie. À ce titre, l’industrie est un moteur d’innovation et un pourvoyeur de solutions pour relever le défi de l’emploi. Plus particulièrement, il convient d’encourager la création, le développement et l’internationalisation des PME.
Dans le même temps, il est impératif de moderniser la base industrielle de l’Europe ainsi que les infrastructures sur lesquelles elle repose. Cela nécessitera de nouveaux investissements importants impliquant l’augmentation des capitaux privés pour les investissements productifs. Aussi, une nouvelle politique de l’innovation industrielle est nécessaire pour relever, avec succès les défis de la concurrence sur le marché mondial. Ceci est particulièrement vrai pour les industries axées sur les technologies.
À cet effet, il convient d’encourager une utilisation plus innovante des NTIC tout au long des chaînes de valeur industrielles en vue de rationaliser les transactions commerciales et de stimuler la compétitivité globale grâce à des projets témoins promouvant l’intégration des entreprises, et plus particulièrement les PME dans les chaînes de valeur numériques mondiales.
Au-delà, il est important d’identifier les intérêts européens stratégiques et élaborer des réponses politiques européennes coordonnées en lieu et place des politiques nationales non coordonnées. Parallèlement, la gouvernance européenne, pour l’emploi, peut tirer profit d’une coopération approfondie entre les organismes du marché du travail et les Services Publics de l’Emploi (SPE) des états membres.
En raison de l’allongement de la durée de la vie active, il convient de moderniser les marchés du travail pour permettre aux personnes d’acquérir et de développer de nouvelles compétences tout au long de la vie. En plus, il convient de favoriser la mobilité professionnelle. Ainsi, il sera possible d’établir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emploi.
Pour relever le défi du plein emploi, le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union Européenne est primordial. Un usage efficace et efficient du budget de l’Union serait judicieux. En effet, les autorités nationales, régionales et locales doivent impérativement utiliser pleinement les ressources à disposition et en faire un usage optimal pour que l’Europe augmente et exploite son potentiel économique et augmente le nombre d’emplois et la productivité.
Aussi, il convient de nouer des « alliances de la connaissance » c’est-à-dire une meilleure synergie entre le système éducatif et le monde du travail pour résoudre le problème de l’inadéquation des compétences. Cela passe par l’instauration d’une coopération plus structurée entre les universités et les entreprises en vue de créer de nouveaux programmes de cours consacrés à l’entrepreneuriat, à la résolution de problèmes et à la créativité.
Améliorer la situation pour les jeunes est essentiel à l’édification de sociétés inclusives et durables.
Il s’agit de concilier l’intervention publique et la solidarité internationale. Plus encore, il s’agit de dépasser les formes classiques de partenariat pour instaurer des alliances, des synergies et des stratégies de coopération « gagnant-gagnant » et capitaliser, entre autres, sur les enjeux de la transition écologique en termes de croissance et d’emplois.
Pour clore ces propos, il semble que pour beaucoup d’entre nous, l’Europe est quelque chose à la fois de bien connue et de difficile à cerner. Alors soyons conscients que notre devenir passera par sa capacité à se situer en société bienveillante, en société apprenante, ouverte et solidaire. Elle doit satisfaire aux besoins matériels de ses membres, utiliser ses ressources et les mettre en œuvre à travers des relations et un système d’organisation approprié où les jeunes font l’objet d’une attention particulière.