Dr Dominique Buronfosse
Ancien PCME
Vice-Président de CTS
Le Conseil Territorial de Santé (CTS) voulu par la Loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, a remplacé la Conférence de Territoire. Avec la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie et la Conférence Nationale de Santé, le CTS est une des instances de la Démocratie en Santé. Ses missions sont définies réglementairement : parmi elles « participer à la réalisation du diagnostic territorial partagé en santé, en prenant notamment en compte les projets des établissements de santé publics, privés et médico-sociaux ».
Le CTS Lorient-Quimperlé est positionné sur un territoire de 250 000 habitants, à cheval sur les départements du Morbihan et du Finistère. Composé de cinquante membres, tous acteurs de la santé, il est présidé par le Président de la communauté d’agglomération, secondé d’un vice-président, Président de la CME d’un des hôpitaux du groupement hospitalier du territoire.
Le CTS Lorient – Quimperlé et son action
Parmi les missions réglementaires nous retiendrons principalement la réalisation du diagnostic territorial partagé en santé (DTP) en 2017 et 2018. La méthodologie retenue a privilégié une large concertation et a intégré les projets médicaux des différents établissements et services du territoire. Pour chaque thématique examinée, les enjeux territoriaux ont été identifiés et des préconisations formulées. Le DTP a été approuvé à l’unanimité en séance plénière. Depuis, il constitue un socle de référence pour l’ensemble des acteurs de la santé du territoire. Le de projets élaborés du territoire sous la forme de Contrats Locaux de Santé ou de CPOM.
Le DTP donne lieu à l’établissement de projets élaborés et mis en œuvre par les partenaires du territoire sous la forme de Contrats Locaux de Santé ou de CPOM.
D’autres réalisations découlant d’auto-saisines, sont des réponses à
des particularités territoriales. On retient :
• La mise en place de groupes de travail (personnes âgées, prévention des addictions, personnes handicapées, éducation thérapeutique des patients, santé, environnement…), chacun formulant ses préconisations ;
• Des contributions (Grand âge et autonomie, référentiel « parcours » avec l’ANAP, stratégie de transformation du système de santé, projet national Handicap, Initiative Territoire…).
On relève encore l’organisation pluriannuelle de conférences « grand public », des débats-publics à thème, en partenariat avec la CRSA.
Et la création d’une newsletter territoriale destinée aux acteurs de la santé…
Au cours de ces années, et avec le temps, les demandes d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation réglementaires, formulées par un promoteur du territoire, font régulièrement l’objet d’un examen par le CTS. Elles acquièrent de ce fait un soutien territorial. Dans les autres cas, un addendum témoignant de leur degré de discussion territoriale leur est joint pour le passage devant la Commission régionale Spécialisée dans l’Organisation des Soins.
Les intérêts du CTS : systématiser et valoriser une démarche collective
Le CTS revêt un certain nombre d’intérêts : une exitence réglementaire qui lui donne une légitimité incontestable et la possibilité de réunir l’ensemble des acteurs du territoire. Il est un endroit neutre, sans enjeux de pouvoir, du fait de son impossibilité à gérer un service ou un établissement. Instance de la Démocratie en Santé, il bénéficie de l’influence grandissante de celle-ci. La réflexion en son sein développe les apprentissages communautaires dans les champs sanitaire et médico-social (acquisition d’une culture parcours…), démasque les stratégies individuelles et contribue au décloi- sonnement. Il offre l’opportunité du portage conjoint des projets des partenaires du territoire, devant les instances de régulation. Il peut s’auto-saisir sur un problème de santé au sens large. C’est un lieu d’expression libre et de partage.
Une volonté des acteurs
Le CTS Lorient – Quimperlé a été aidé dans son action par l’ancienneté de la concertation sur le territoire, que ce soit entre établissements de santé (les restructurations lourdes remontent à 2007) ou entre établissements et acteurs libéraux. Les acteurs de santé ont compris l’intérêt des échanges dans ce cadre dépourvu d’enjeu de pouvoir et y apportent les problématiques dont ils souhaitent débattre.
Les dimensions du territoire sont adaptées : périmètre géographique superposé aux limites du bassin populationnel de la communauté d’agglomération, incluant la grande majorité des parcours de soins des patients.
Les animateurs du CTS sont reconnus et font autorité chacun dans son domaine. Leurs fonctions réciproques « Grand Élu » et PCME les exposent peu aux pressions extérieures qui ne manquent pas de s’exprimer, ce qui protège de ce fait le CTS. De plus ce duo « politique / technicien » offre une grande complémentarité.
La confiance des Directeurs Généraux d’ARS successifs, fondée sur un respect réciproque, est également aidante, de même que les moyens humains mis à disposition. Cette confiance a été concrétisée par la sig- nature à titre expérimental, d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, première en France.
Les éléments qui hypothèquent l’action du CTS
Le positionnement du territoire à cheval sur deux départements complexifie le fonctionnement (par exemple, l’accès aux données de santé, la compréhension des organisations de la santé mentale, la comparaison des politiques départementales en faveurs des personnes âgées ou handicapées…).
La volonté de certains responsables de l’ARS de réduire les moyens dédiés est insistante.
Une présence forte des grands acteurs est vécue de façon prégnante par certains partenaires de dimension plus modeste. Inversement, leur absence marquée réduit la portée des débats.
L’opposition réelle et durable de certains élus départementaux est un handicap qui témoigne d’une méconnaissance de la Démocratie en Santé et des atouts qu’elle représente pour un Conseil départemental. Enfin, la complexité des problématiques abordées demande à tous un réel apprentissage.
Deux obstacles majeurs ; respecter (contester ?) l’autonomie et accepter (rejeter ?) l’unité d’action
Deux obstacles ont gêné la mise en œuvre des préconisations du CTS, de façon récurrente.
Le premier tient à la volonté de différencier les « acteurs » et les « usa-
gers ». Le CTS Lorient-Quimperlé a toujours considéré que les usagers et leurs représentants sont des acteurs de la santé et que les acteurs sont des usagers actuels ou potentiels. Cependant, on a pu observer des mouvements de repli sur soi de certains représentants d’usagers, préférant se retrouver au sein d’organismes exclusivement dédiés aux usagers.
Le second est spécifique aux établissements de santé. La mise en œuvre de préconisations concrètes, pourtant validées par leurs directeurs et représentants en plénière du CTS, a été mise en difficulté, sinon rejetée, par leurs services-qualité et dans une moindre mesure par les services cliniques au motif que : « ce n’est pas au CTS de nous dire ce que nous avons à faire » emblème d’un hospitalo-centrisme pénalisant.
Globalement, la leçon à tirer est simple : faire confiance aux acteurs, les laisser travailler entre eux, leur donner plus de liberté et de confiance, mais se montrer ferme dans la mise en œuvre et rappeler que l’unité d’action s’impose.