Denis Fréchou
Ex-Directeur Général des hôpitaux de Saint-Maurice
Notre système de Santé et plus particulièrement notre système hospitalier
vont-ils pouvoir résister à la charge, nous protéger contre les risques majeurs qui nous touchent, le coronavirus, bien sûr, mais aussi demain, tous les virus, tous les risques sanitaires que l’on n’a pas pris très au sérieux jusqu’à présent, persuadé que notre technologie, nos systèmes de défense étaient sans faille.
Cette épidémie n’a pas seulement percé nos défenses, mis en panne notre économie, mais plus grave, remis en cause nos belles certitudes sur l’invincibilité de notre organisation et de nos moyens de défense.
Il est donc temps de se poser la question de comment renforcer, ou revoir complètement l’organisation de notre système de santé.
Si l’on a la prétention de résoudre cette équation, il faudra répondre à deux questions préalables :
• Contre quoi voulons-nous nous défendre ?
• De quels moyens de défense disposons-nous aujourd’hui ?
L’honnêteté oblige à dire que nous ne saurons répondre à aucune de ces deux questions.
L’identification des risques
En ce qui concerne l’étude de risques, nous ne disposons d’aucune structure centrale disposant des moyens et des compétences pour étudier ces risques. La France a eu de façon très éphémère de 81 à 86 un secrétariat d’État chargé de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs, depuis plus rien ou presque.
Il est donc illusoire de penser que nous pouvons être préparés de quelque façon à la survenue d’un risque majeur, qu’il s’agisse d’un coronavirus, d’une catastrophe nucléaire ou de la chute d’une météorite.
De quels moyens disposons-nous ?
L’épidémie de coronavirus aura eu du moins le mérite de faire prendre conscience que dans notre société complexe, il est très difficile de se passer de certains moyens qui pourraient à priori être considérés comme subalternes et donc il faut plus raisonner en termes de filières, de flux plutôt que de stock.
Ce n’est pas le tout d’avoir des masques encore faut-il les transporter, les distribuer et ensuite les éliminer.
Si l’on revient à la question des moyens disponibles pour le système de santé et hospitalier, personne n’est capable de faire un inventaire précis et exhaustif des moyens dont nous disposons.
La question des masques supposés être en stock en est la démonstration caricaturale, plus personne ne savait où ils étaient, chacun y allant d’une découverte en explorant les sous-sols.
Bien sûr c’est anecdotique à côté de la grande pagaille, de l’incapacité à faire l’inventaire des moyens hospitaliers en général.
Il y a quelques années, alors que je présidais la Conférence des Directeurs d’Hôpitaux, nous avions avec le ministère de la Santé un différentiel de 200 à 300 hôpitaux dans le décompte de ces établissements. Je vous laisse imaginer ce qu’il en est du détail, des locaux, des matériels et des personnels.
Un autre constat alarmant est à faire en ce qui concerne les moyens. Il faut pouvoir mobiliser les moyens dans ces circonstances exceptionnelles, mais aussi reconvertir, transformer très vite en fonction des besoins, or cela fait des années que l’on travaille à la rigidification du système hospitalier.
Il y a encore 20 ans les hôpitaux étaient très autonomes dans leur gestion et donc très adaptables, mais depuis lors on n’a cessé de centraliser la gestion, d’inventer des procédures complexes d’organisation qui désormais paralysent les acteurs locaux devenus de simples exécutants.
L’épidémie de coronavirus n’a pas eu pour l’instant les conséquences catastrophiques que l’on aurait pu redouter, tant mieux mais tirons-en toutes les leçons.
Surtout pas d’autosatisfaction, nous avons mal évalué et mal décidé dans tous les domaines, sachons le reconnaître.
• Il n’y avait pas de prévisions, pas de plan de réponse prêt ;
• Il n’y avait pas de moyens en stock, ni même de procédures pour s’en procurer rapidement ;
• Il n’y avait pas de marge d’extension dans les hôpitaux, aucune souplesse dans l’organisation ;
• Il n’y a pas eu de décisions d’organisation pertinente mais des attentes, des erreurs et des contradictions.
Malgré toutes ces erreurs et le manque de préparation, le système ne s’est pas effondré mais ce n’était pas si loin et la prochaine fois, car il y aura une prochaine fois, nous n’aurons pas d’excuse à l’impréparation.