Loïc Mondoloni
Directeur Général Adjoint du Centre de Lutte contre le Cancer Antoine Lacassagne à Nice
La crise sanitaire que le monde vient de traverser est présentée comme un évènement historique. L’épidémie de COVID-19 a provoqué une interruption brutale de l’ensemble du système de santé, la période ayant été qualifiée de « guerre ». En temps de guerre, nous revenons à l’essentiel en évinçant l’ensemble des dispositifs et structures superflus ou excessifs. Il faut profiter de cette expérience inédite pour tirer les leçons nécessaires.
La première leçon porte sur l’identification des vraies autorités en santé. Trois niveaux sont apparus de manière évidente :
• L’état aura été l’institution de régulation, de contrôle, de financement, d’organisation vers lequel chacun s’est tourné pour comprendre, apprécier, ou critiquer. La place de l’état n’est pas contestable et il aura fallu qu’il soit présent, qu’il pilote et qu’il structure un système de santé à adapter en un temps record ;
• Les Agences Régionales de Santé, structures sanitaires déconcentrées, sont désormais connues de l’ensemble de la population française. Chacun comprend leur rôle et sait qu’elles veillent à la déclinaison régionale de la politique sanitaire nationale ;
• Les maires et Présidents de Métropole auront été soucieux de veiller aux intérêts et à la bonne prise en charge de leurs administrés. Ils ont été des relais indispensables des problématiques locales auprès des Préfets.
La seconde leçon porte sur les moyens : en temps de guerre, on se limite à ceux dont on a besoin pour assurer l’essentiel, et force est de constater qu’ils sont simples :
• Les hommes et les femmes, professionnels de santé, auront montré leur courage, leur force et mis un terme à l’ensemble des tergiversations relatives à l’intelligence artificielle, aux big data ou à la médecine du futur. Il faut un médecin, une infirmière, une aide-soignante pour s’occuper d’un malade, de près ou de loin : une personne dotée de compétences, d’un savoir-faire et d’une intelligence sachant adapter la prise en charge à chaque situation particulière. Ce sont des métiers à reconnaître, à valoriser, et il faut espérer que cette période de reconnaissance unanime se traduira par une politique de transformation et de développement des métiers, des compétences, et des carrières ;
• Les Groupements Hospitaliers de Territoire auront été des structures logistiques essentielles pour les établissements de santé, tandis que les ARS et leurs Délégations Territoriales auront été les interlocuteurs directs de la médecine de ville et de l’ensemble des autres structures de santé pour fournir les moyens sollicités (médicaments, masques, solutions hydro-alcooliques…) ;
• Le numérique aura connu sa consécration : une transformation inédite s’est déroulée en un temps record, avec la mise en place de systèmes de télésanté qui auront permis d’assurer l’adaptation des pratiques, développer de nouveaux modes de prise en charge, et permettre aux patients de conserver un dispositif de suivi à distance. L’investissement dans le numérique devra se poursuivre et être encouragé dans le cadre de l’évolution de la relation patient-soignant.
• La troisième leçon porte sur les structures sanitaires : l’hôpital est reconnu comme lieu de prise en charge indispensable aux situations critiques. C’est avec ceux qui sont à ses côtés, et avec lesquels la chaîne de prise en charge et les parcours ne sont pas clairement définis, que les difficultés les plus grandes ont été rencontrées
• Les EHPAD ont connu une véritable catastrophe sanitaire que chacun a eu l’impression de découvrir tardivement. Leur intégration dans un dispositif sanitaire à restructurer s’impose, et c’est sans doute la priorité à définir dès à présent si nous voulons réellement évoluer collectivement pour un meilleur système de santé.
• Les professionnels de santé de ville se sont trouvés délaissés, parfois isolés, ne retrouvant plus leurs patients. On souhaitait faire appel à eux, sans véritablement savoir ni comment, ni dans quel cadre. L’avenir nous dira si cette période de confinement aura créé de vrais drames pour les prises en charges connexes au COVID pour des patients qui n’ont pas pu ni voulu se faire soigner. Si les taux de mortalité auront évolué de manière importante, c’est qu’il y aura eu des dommages collatéraux importants. Si tel n’est pas le cas, ce sera la démonstration que des patients qui jusque-là allaient à l’hôpital n’avaient rien à y faire.