S’il semble encore trop tôt pour dresser le bilan de l’action de Jacques Chirac, il apparaît néanmoins mission impossible que de vouloir dresser le tableau de la France politique de l’après-guerre à nos jours sans évoquer la place incontournable qu’il a occupée pendant 50 ans.
Au plan politique, l’Histoire retiendra et devra approfondir l’élu local, le défenseur inconditionnel du monde rural mais aussi le premier maire de Paris élu au suffrage universel, occupant de nombreux postes ministériels. Deux fois Premier ministre dont celui de la première cohabitation de la Ve République, sous la première présidence de François Mitterrand, Président de deux partis politiques qu’il a créés, le RPR et l’UMP, Jacques Chirac est élu Président de la République en 1995 et réélu en 2002 avec plus de 80 % des voix.
Rappelons simplement et succinctement dans ces colonnes le rôle de Jacques Chirac dans la lutte contre le chômage, puisque celle-ci est peu mise en valeur par les différents observateurs.
C’est lorsqu’il devient secrétaire d’État aux Affaires sociales chargé des problèmes de l’emploi qu’il crée l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi) en juillet 1967 (soit 9 ans après la création du régime de l’Assurance chômage par le Général de Gaulle). La France compte alors 430 000 demandeurs d’emploi, soit 2 % de la population active. Pour le gouvernement Pompidou, la création de cet établissement public n’est qu’une modernisation de l’existant que sont les bureaux des services extérieurs du travail et de la main-d‘oeuvre (Setmo) mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L’Agence se voit confier l’inscription des demandeurs d’emploi, la prospection des emplois disponibles et le placement soit une mission d’intermédiation, mais aussi l’accueil et l’information des salariés, l’orientation vers la formation, l’établissement des statistiques du marché du travail. Elle fusionnera avec le réseau des Assedic en 2008 pour créer Pôle emploi.
C’est en mai 68 que Jacques Chirac se fait connaître de l’opinion publique. La France connaît la plus importante grève générale de son Histoire et les évènements de Mai 68 resteront gravés à tout jamais dans la mémoire de toute une génération de jeunes Français qui rêvent d’autogestion, de liberté sexuelle, de nouveaux horizons. Le pouvoir politique et les organisations syndicales pris de court, sont complètement dépassés. Ce sont 7 millions de grévistes qui paralysent le pays. « C’est la chienlit » dira le Général de Gaulle. En désespoir de cause, le Premier ministre Georges Pompidou réunit le 26 mai les organisations patronales et syndicales au Ministère du Travail, rue de Grenelle. Cette réunion tripartite à laquelle participe le jeune Secrétaire d’état à l’Emploi, Jacques Chirac, revolver dans la poche, trouvera son dénouement le 27 mai après 2 jours de négociation. Les accords de Grenelle seront conclus sur – entre autres – la base d’une augmentation du SMIG de 35 %, d’une augmentation des salaires, de 10 %.
À n’en pas douter, Jacques Chirac, artisan de cette négociation réussie retiendra qu’il n’y a pas de démocratie sociale sans corps intermédiaire… Puisse-t-il aujourd’hui être entendu !!!
Dans la mémoire collective, bien que de nature différente, les accords de Grenelle restent avec les accords Matignon de 1936, deux grandes phases d’avancée sociale à tel point que le mot « Grenelle » devenu désormais « générique » est accolé à des négociations et accords déterminants pour l’avenir de notre société tel le « Grenelle de l’environnement ».
Lors de la première cohabitation de la Ve République (1986-1988), avec son ministre Philippe Séguin, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, il développe en matière d’emploi une politique libérale. Le 8 juin 1986, il fera voter la suppression administrative de licenciement et le 11 août de la même année, dans le cadre d’une ordonnance, il subordonnera le recours au travail intermittent pour les entreprises à un accord préalable. L’année suivante, le 19 juin, la loi sur l’aménagement du temps de travail visera à donner plus de souplesse aux entreprises. La loi du 10 juillet portant sur le chômage de longue durée aura certes peu d’effet alors qu’avec celle, à la même date, portant sur l’emploi des travailleurs handicapés, il introduira la notion « d’obligation d’emploi » à travers une politique de quotas suivant la taille des entreprises.
Cette politique porte ses fruits puisque le chômage enregistre 10,5 % des actifs en 1986, 10,3 % en 1987 pour atteindre 9,8 % en 1988.
En 1995, lors de sa campagne présidentielle victorieuse, Jacques Chirac fait du concept élaboré par Marcel Gauchet, la fracture sociale, le thème principal de son programme. Sur les 12 ans de présidence chiraquienne, la moitié se déroulera dans le cadre d’une cohabitation avec Lionel Jospin comme Premier ministre qui sous la houlette de sa ministre du Travail et de la Solidarité, Martine Aubry, mettra en place la loi très controversée des 35 heures, réformée dès 2002 par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
Enfin en 2006, Dominique de Villepin, son dernier Premier ministre, décide de transformer le Contrat de nouvelles embauches (CNE) en contrat de premier embauche (CPE) qui provoque de nombreuses manifestations du monde syndical et étudiant qui auront pour conséquence l’abandon de telles mesures. Fait rarissime, la loi votée ne sera pas promulguée !
Malgré des approches politiques et économiques pour le moins fluctuantes, les années de présidence de Jacques Chirac verront le chômage baisser, passant de 11,3 % à son arrivée à 8,4 % au moment de son départ.
Est-ce parce que Jacques Chirac déclarait dès 1976 péremptoirement que « nous sommes au bout du tunnel »… et renchérissait en 2004 par « les signes de redressement se multiplient » que son image dans cette lutte interminable pour l’emploi s’est brouillée ou est-ce parce qu’il a cru et il n’est pas le seul loin s’en faut que le chômage était un phénomène administratif voire législatif qu’il déclare le 22 mai 1995 (devant le corps préfectoral) : « Alors que le chômage ronge notre pays et menace la cohésion nationale, je viens vous dire que je veux que vous soyez, chacun dans votre département, les fers de lance de notre bataille pour l’emploi… Je viens vous dire, sans aucun ménagement, que je suivrai personnellement votre action. Sachez que je serai très attentif aux résultats de chacun d’entre vous. Sachez aussi que votre réussite sur l’emploi, dans votre département, sera le critère absolument essentiel d’appréciation de votre mérite et donc de sa reconnaissance… Nous devons vaincre le chômage. Cela dépend en partie de vous. Nous pouvons le faire »…
Qu’ont-ils fait depuis nos hauts fonctionnaires que la planète envie !!!