PORTRAIT
L’un autodictacte, formé dans les arcanes du commerce national puis international, l’autre marqué comme tous alsaciens et lorrains aux stupidités meurtrières des ambitions territoriales…

« Jamais projet plus grand, plus beau, ni plus utile n’occupa l’esprit humain que celui d’une paix perpétuelle et universelle entre les peuples de l’Europe. »

Jean-Jacques Rousseau – Projet de paix perpétuelle, 1761

Ils ne se sont pas contentés « de sauter sur leur chaise comme un cabri en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe1 ». Non. Visionnaires mais pragmatiques, hommes d’actions sans exaltation, nourris des leçons de leur propre expérience, celle du début du siècle dernier, rien ne les prédestinait à entrer dans l’Histoire ! Ce n’était au demeurant ni leur ambition ni leur volonté.

Reconnaissons que cette Histoire, la grande, est aujourd’hui particulièrement ingrate avec eux. à deux titres. Qui des rares électeurs qui se déplaceront pour exercer leur devoir de citoyen aux prochaines élections européennes pourront évoquer leur mémoire en citant quelques-uns de leur fait d’armes. Et qui aura lu certains ouvrages – que l’on se refuse à citer ici – parus récemment sur l’Histoire de l’Europe et particulièrement sur sa création, n’a pas ressenti, devant les tombereaux d’insanités déversés sans retenue à leurs pieds, un profond malaise…

Jean Monnet. Robert Schuman. Deux pères fondateurs de l’Europe. Deux figures de leur siècle, évoluant dans les méandres de celui-ci sans a priori mais avec conviction : « l’union entre les peuples » d’une part et d’autre part « non la coalition des états » celle d’être utile, celle qui consiste à rassembler les hommes pour éviter les drames… L’un autodictacte, formé dans les arcanes du commerce national puis international, l’autre marqué comme tous alsaciens et lorrains aux stupidités meurtrières des ambitions territoriales.

Rédiger une biographie sommaire de ces deux personnages pour intéressante qu’elle serait, par les enseignements à retenir, ne présenterait dans le cadre de ce magazine que peu d’intérêt au regard de son lectorat. Chacun connaît pour Jean Monnet, alors qu’il n’a jamais occupé la moindre fonction publique, son action au service de la paix et de la coopération entre les peuples, jouant un rôle tout à la fois discret et déterminant dans l’Histoire du XXe siècle, depuis la victoire lors de la Première Guerre mondiale jusqu’à l’ébauche de l’Union européenne. Quant à Robert Schuman retenons simplement qu’il fera sienne l’idée de Jean Monnet : unifier la production du charbon et de l’acier sous une Haute Autorité supranationale. La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) était née, l’Union européenne était irrémédiablement en marche puisque Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, Paul-Henri Spaak sont les soutiens indéfectibles de l’entreprise dans leurs pays respectifs.

Plus intéressant, c’est du moins le parti que nous avons pris, est d’éclairer la personnalité de Jean Monnet et de Robert Schuman par quelques-uns de leurs propos au regard des événements qui les ont suscités.

1 1964. Charles de Gaulle.

« Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. »

Jean Monnet

« Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions. »

Jean Monnet

« La grande révolution européenne de notre époque, la révolution qui vise à remplacer les rivalités nationales par une union de peuples dans la liberté et la diversité, la révolution qui veut permettre un nouvel épanouissement de notre civilisation, et une nouvelle renaissance, cette révolution a commencé avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier. »

Jean Monnet

Laissons à John Kennedy le mot (à Jean Monnet) de la fin : « Sous votre inspiration l’Europe, en moins de vingt ans, a plus progressé vers l’unité qu’elle ne l’avait fait depuis mille ans. »

Jean Monnet

« Les dures leçons de l’histoire ont appris à l’homme de la frontière que je suis à se méfier des improvisations hâtives, des projets trop ambitieux, mais elles m’ont appris également que lorsqu’un jugement objectif, mûrement réfléchi, basé sur la réalité des faits et l’intérêt supérieur des hommes, nous conduit à des initiatives nouvelles, voire révolutionnaires, il importe de nous y tenir fermement et de persévérer. »

Robert Schuman

« L’Europe se cherche. Elle sait qu’elle a en ses mains son propre avenir. Jamais elle n’a été si près du but. Qu’elle ne laisse pas passer l’heure de son destin, l’unique chance de son salut. »

Robert Schuman

« Une fois le nationalisme vaincu, il faudra imaginer des formes nouvelles pour unir l’Europe, car dans le passé, certains l’avaient tenté par la force. Sans une réconciliation sincère et définitive entre Français et Allemands, une Europe pacifique n’est pas pensable. »

Robert Schuman

« L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme. »

Robert Schuman