PORTRAIT
Portrait de Claude Tarall
Président de la CARAC
Il est des lieux où souffle l’Esprit. » Assurément la Lorraine en est un. Qui pourrait démentir Barrès ? Oublions la mirabelle et pensons Transi de Ligier Richier, Place Stanislas, pilier excentré de Saint Nicolas de Port ou encore château de Lunéville ou cathédrale de Metz, « lanterne du Bon Dieu ». Admirons le travail de Jacques Callot, relisons précisément Barrès, mais aussi l’abbé Grégoire, découvrons les « nouveaux lorrains », Philippe Claudel, Éric Reinhardt ou Virginie Despentes. Nourrissons-nous de Fernand Braudel et de Jean-Marie Pelt…
Que Claude Tarall soit attaché au terroir qui l’a vu naître à Montigny-lès-Metz en 1947, rien d’étonnant dans ces conditions. Ancrage, proximité certes, mais aussi épicurisme assumé, voilà les ingrédients qui nourrissent quotidiennement l’énergie voire la force de celui qui de toute évidence ne vacille pas à la moindre bourrasque ! Il en faut beaucoup et certainement davantage pour celui qui a connu le grisou… « J’ai connu le front, les blessés, parfois malheureusement les morts ». Car pour qui a fait toute sa carrière au sein des Houillères de Lorraine, la vie se séquençait entre autres par les accidents de la mine. De quoi forger un caractère, de quoi réfléchir au concept de progrès !
Marié depuis 52 ans, père de 4 filles, Claude Tarall a toujours été passionné par la physique et la chimie. Cependant, il intègre l’école des Mines de Nancy en 1970 pour en sortir trois ans plus tard, ingénieur diplômé en métallurgie. Paradoxalement, il entre aux charbonnages de Lorraine pour participer à la relance du charbon. Il y finira sa carrière comme Secrétaire Général, puis Directeur Industriel… Excusez du peu !
Aujourd’hui Président de la CARAC (mutuelle fondée en 1924 par les anciens combattants), il ne développe aucun complexe au sein de cet organisme d’épargne-retraite lorsqu’on qu’on lui fait remarquer qu’il n’a pas connu le feu – comme tout français civil depuis cette génération ! – pour porter haut le drapeau. Lui sait ce qu’est la Patrie comme tout lorrain, lui sait ce qu’est résister comme tout homme de l’Est et lui pour avoir vu des drames humains pendant plus de trois décennies sait que le progrès doit être libérateur de toute entrave…
L’or noir !
32 ans au sein de Charbonnage de France ! À l’époque 25 000 gueules noires, un melting pot unique, une culture spécifique, des valeurs de solidarité, une fierté légitime… Ingénieur de la « fosse » pendant de nombreuses années, c’est un véritable combat sans relâche pour sécuriser le travail des mineurs qu’il mène contre les éléments : nuit et jour, week-end bien sûr, car le risque, le danger, n’ayant pas d’horaire ne permettaient jamais un repos complet. « Ce n’était plus « Germinal », loin de là, dit-il avec pudeur, mais la mine était toujours redoutée, car toujours redoutable.
Syndicaliste à la CGC, – il a été Secrétaire Général adjoint de sa fédération des industries de l’énergie et des mines – il a ainsi relevé le défi de porter une double casquette, à la fois celle de responsable opérationnel d’une unité de 3 000 personnes et celle de négociateur du « bout de gras ». Militant ainsi pour un syndicalisme réformiste, loin d’être majoritaire dans ce secteur, les grèves très jusqu’au-boutistes de 92 et 93 au cours desquels les mineurs ont envahi Metz et mis à sac le Conseil Régional en témoignent. L’entreprise s’arrête en 2006, la plupart des salariés prennent leur retraite, pour certains dès 45 ans, avec un régime avantageux âprement négocié (80% du dernier salaire).
Un passionné !
Claude Tarall entretient de multiples passions. Parfois singulières, toujours conviviales. Doté d’un diplôme d’œnologie, c’est un amateur de bon vin, mais l’homme cultive le paradoxe puisqu’il a été également Grand Maître de la Confrérie de la bière de Saint-Avold. Quant à l’iconographie, il sait que tout est image dans notre société ! Qu’il s’agisse de responsabilité ou de relations, l’homme est sans détour. Toujours à l’affût, il est réceptif au monde nouveau ? Ne comptez pas sur lui pour extérioriser une quelconque nostalgie du monde passé, mieux, il veut éradiquer tout carcan, gommer toute frontière, tordre le coût à tout préjugé. Ce marcheur invétéré -10 à 15 km par jour- est désormais investi dans la société. Membre du Lions Club depuis 20 ans, engagé au Tribunal du contentieux de l’incapacité de Nancy, il aime se mettre au service des plus précaires. Profondément républicain, persuadé comme le théâtre classique le lui a appris que « la parfaite raison fuit toute extrémité », il rejette les extrêmes jugeant que l’Histoire ne peut pas se dissoudre par un ravalement de façade, par un ripolinage superficiel. Les héritages sont les héritages et la République ne peut s’entendre qu’à travers son triptyque fondateur et opérationnel : Liberté, Egalité, Fraternité.
Son engagement
Ancrage, tradition et certainement filiation : c’est tout naturellement que Claude Tarall s’intéressa au monde mutualiste puisque son père fut administrateur d’une mutuelle constitutive de la Carac. En 2004, il s’engage lui-même dans cet organisme fruit d’une fusion en 2002 de 72 mutuelles donnant ainsi naissance à la première mutuelle distribuant la retraite du combattant.
Eradiquer tout carcan, gommer toute frontière : dès 2002, la CARAC cherche à diversifier sa gouvernance notamment en intégrant un collège non combattant. Fidèle à lui-même, Claude Tarall, comme dynamisé par cette ouverture, sera élu à différentes responsabilités au sein de la section Lorraine, puis au niveau national. Dès juin 2012 il devient le premier Président non combattant. Mais le destin est aussi cruel qu’injuste : ce jour-là, son père, celui qui l’avait initié à la mutualité, à ce territoire humaniste, démocratique disparaît dans des conditions tragiques. Joie et peine, reconnaissance des autres et douleur intime, Claude mesure la complexité de la vie… De cette épreuve, au-delà de la perte cruelle, il ne retiendra que l’exemplarité de participer à une œuvre collective dont l’autre est la préoccupation de chaque instant.
L’avenir
Quand il parle de la CARAC, le Président s’anime. L’Homme de passion resurgit, « c’est une mutuelle qui se cherche un peu » avoue-t-il et logiquement « des discussions se sont engagées avec d’autres organismes mutualistes, même concurrents, pour organiser les prémices d’un partenariat » assume-t-il, mais « nous sommes difficiles ». Le Président qu’il est ne fait pas fi de ses responsabilités : sauvegarder l’identité si singulière de la CARAC, fondée tant sur les notions de proximité que d’écoute des adhérents est non négociable, à tel point que « nous privilégions cette proximité en mettant en avant nos agences ». C’est un choix stratégique affirme-t-il avec détermination. Refusant tout extrémisme dans la méthode, Claude Tarall considère qu’il faut avancer pas à pas pour aller de l’avant tout en protégeant les atouts de la CARAC.
Si depuis la mise en place de « solvabilité 2 », les processus ont évolué, notamment en ce qui concerne la place et le rôle des élus au sein de la mutuelle, rien ne sert de précipiter les choses. Il faut laisser du temps aux structures pour évoluer dans les meilleures conditions. Evoquant les sujets d’actualité, Claude Tarall joue le jeu de la franchise. A contrario, il émet des réserves concernant la réforme des retraites bientôt initiée par le gouvernement. En effet, si celle-ci devait ouvrir la porte à une retraite par points alors considère-t-il « cela pourrait poser de gros problèmes car la valeur du point peut changer au fil des années » … « ce n’est pas la panacée universelle » juge-t-il, admettant néanmoins que le système par répartition est désormais insuffisant. Ainsi, à l’instar de ce qui a suivi l’ANI pour les complémentaires santé, la retraite par capitalisation répondra toujours aux besoins individuels d’une retraite supplémentaire.
À 70 ans, cet homme qui aurait pu aspirer au repos est un boulimique d’activités. Il aime le travail d’équipe, l’engagement collectif. Est-ce parce qu’il est pudique ? Passionné par les brasseries, il rêvait d’en créer une dans sa Moselle natale. Il se souvient de celle qui jouxtait sa maison de jeunesse, de cet incroyable capharnaüm qui y régnait, de ces allers et venues au parfum de rituel. Il ne sera jamais brasseur… Encore que d’idées, il l’est depuis toujours !
