INTERVIEW
Myriam Dossou
Directrice Générale de l’INAM
Vous dirigez l’INAM (Institut National de l’Assurance Maladie), pouvez-vous nous présenter son histoire et ses objectifs ?
L’Institut National d’Assurance Maladie est né de la volonté des plus hautes autorités du Togo de traduire dans la réalité leur engagement dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à travers la mise en place progressive d’un système de couverture universelle en santé à tous les ménages togolais.
En effet, la constitution Togolaise en son article 13 reconnaît la Protection sociale comme un droit humain fondamental. Ce texte dispose : « l’état a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national ».
Conformément à cette disposition et sur la base des engagements 85 et 87 du protocole d’accords du dialogue social, le Gouvernement a décidé de prendre des mesures afin de permettre à moyen terme, à tous les citoyens du secteur formel ou de l’économie informelle, salariés ou indépendants, urbains ou ruraux, industriels ou agricoles ; aux catégories vulnérables particulières de disposer d’un minimum de protection sociale.
Dans ce cadre, suite à un processus participatif engagé depuis 2009, la loi n° 2011-03 du 18 février 2011, a institué un régime obligatoire d’assurance maladie pour les agents publics et assimilés en République togolaise, comme première étape dans la mise en œuvre d’un système de couverture universelle en santé.
La gestion de ce régime a été confiée à un organisme de sécurité sociale dotée de la personnalité juridique et d’une autonomie de gestion administrative et financière dénommé INAM (Institut National d’Assurance maladie), créé par décret N°2011-034/PR du 14 mars 2011.
L’INAM a été lancé officiellement le 05 septembre 2011 avec pour objectif principal de permettre une meilleure accessibilité financière à des soins de qualité, aux bénéficiaires du régime d’assurance maladie.
Quelle est la situation du Togo en matière de couverture maladie ?
Suivant les conclusions d’une étude sur les conditions de vie des ménages de décembre 2006, plus de 60% des ménages togolais expriment comme souci majeur les problèmes de santé de la famille et en 2008, les comptes nationaux de la santé ont fait clairement ressortir le rôle considérable revenant aux ménages dans le financement des dépenses de santé avec plus de 50% des dépenses totales de santé du pays. Ces dépenses vont à 78% aux produits pharmaceutiques et autres biens médicaux non durables, 12% aux soins curatifs ambulatoires et 10% aux soins curatifs en milieu hospitalier.
Les dépenses de santé constituent donc une priorité pour une grande partie de la population.
Face à cette situation divers mécanismes de couverture maladie aussi bien publics que privés sont prévus pour soulager les populations. Mais ces mécanismes réunis, y compris l’INAM, ne couvrent qu’un peu plus de 6% de la population globale. Au moins 94% de la population restent à couvrir.
L’ambition des autorités du pays, en mettant en place l’INAM, est de parvenir à terme à étendre la couverture maladie aux populations jusqu’ici exclues des mécanismes de prise en charge en place.
Les mutuelles peuvent-elles être une solution pour étendre la couverture maladie au Togo et notamment organiser le secteur informel ?
Une mutuelle est une association à but non lucratif basée sur les principes de solidarité et d’entraide entre des personnes physiques qui y adhèrent de façon libre et volontaire. La mutuelle a pour objet la prévention des risques sociaux liés à la personne et à la réparation de leurs conséquences.
La mutuelle reste l’une des expériences les plus anciennes en matière d’organisation des hommes qui prennent conscience de leur vulnérabilité face à un risque social. Mais leur existence, à ce jour, n’a pas permis d’atteindre une couverture optimale des populations en matière de santé.
En matière de mutuelles de santé communautaires sur base d’une adhésion volontaire par exemple, le travail réalisé par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) au cours des dix dernières années dans les pays de la région plafonne à un taux de couverture de la population qui se situe entre 2% et 5% ; pourquoi ?
L’adhésion volontaire à une mutuelle de santé est l’obstacle essentiel pour qu’une mutuelle soit un partenaire contributif incontournable dans la mise en place d’une CMU au niveau national dans des délais raisonnables.
Une exception que l’on peut relever en matière de réalisation d’une CMU au départ de mutuelles de santé communautaires, le Rwanda, en raison d’une législation qui a obligé à un moment du développement des mutuelles l’adhésion obligatoire de tout citoyen rwandais à une mutuelle de santé.
Ceci dit, des mutuelles de santé basées sur les activités du secteur informel et agricole ou des mutuelles basées sur l’appartenance à un territoire peuvent constituer des partenaires d’un système national de couverture maladie par leur proximité avec les bénéficiaires.