Tribune
Alice Léger
Consultante à YCE Partners
Alors que la crise sanitaire s’installe sur la durée et met sous tension les systèmes de santé et de Protection sociale, il nous semble important de nous intéresser à la place de la prévention sanitaire aujourd’hui. En effet, le maintien d’un système de soins efficace et solide nécessite une anticipation des risques. Ainsi, nous pensons qu’un système préventif efficient est indispensable en cette période.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS): « La prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». En matière de santé, trois types de prévention coexistent, la prévention primaire, visant à diminuer les conduites individuelles à risques, la prévention secondaire qui tend à diminuer les facteurs de risques associés à une pathologie et enfin la prévention tertiaire, cherchant à diminuer les phénomènes consécutifs à une maladie tels que les complications ou les rechutes1.
La crise sanitaire, du fait de son caractère exceptionnel, bouleverse l’ensemble du système de santé et impose le report de mesures préventives mises en place habituellement.
C’est le cas notamment des dépistages avec 30 000 cancers, selon la Ligue du Cancer, qui n’ont pas pu être détectés durant le premier confinement2.
De plus, les conséquences des mesures de confinement renforcent les facteurs de risques des Maladies non transmissibles (MNT) tels que le diabète, les maladies cardiovasculaires et les cancers. En effet, le changement des habitudes de vie induit par ces confinements successifs se traduit par plus de sédentarité mais également plus de stress menant à des comportements addictifs tels qu’une augmentation du tabagisme, de la consommation d’alcool ou encore à une dégradation de la qualité de l’alimentation3. Les MNT, étant les principales causes de décès en Europe, elles sont largement visées dans les campagnes de prévention habituelles. Renforcer la prévention de ces pathologies, c’est donc non seulement s’attaquer aux comorbidités du Covid-19 mais c’est également combattre un enjeu de santé public plus large4.
La crise sanitaire semble renforcer le fonctionnement de notre système de santé qui était déjà très centralisé autour du « soin » avant la crise et dans lequel la prévention tient un rôle mineur5. La réflexion doit être portée au niveau des différents acteurs et de leurs actions pouvant inverser cette tendance et il est donc important de com- prendre comment s’articule le système préventif.
Tout d’abord, son financement est mixte avec 57 % pris en charge par l’État et les collectivités locales, 16 % par la Sécurité sociale et 27 % pour le secteur privé. Ainsi, la prévention ins- titutionnelle représente en 2018, 2,2 % de la dépense courante de santé6.
De plus, une multitude d’acteurs intervient au niveau organisationnel. Au niveau national, l’Agence nationale de santé publique, sous tutelle du ministère chargé de la Santé, contribue au déploiement des politiques nationales et accompagne les acteurs de politiques publiques régionales tels que les Agences régionales de santé (ARS) et autres structures relevant de l’État. Les programmes de prévention sont répartis selon trois axes transversaux : la santé des enfants et des jeunes, la santé des adultes et enfin le bien vieillir et la prévention de la perte d’autonomie7. La Sécurité sociale participe également à la prévention en santé avec la prise en charge partielle ou totale par l’Assurance maladie de traitements, frais médicaux ou d’accompagnements tels que celui du sevrage tabagique, des dépistages, des vaccins ou encore de bilan diététique pour les enfants à risque d’obésité8. Au niveau régional, les ARS ont également un rôle clé à jouer. Elles doivent en effet déployer des actions de prévention et mettre en œuvre des programmes visant à prévenir les risques de maladie et réduire les inégalités de santé dans la population9. Il est important également de souligner le rôle des fonds et associations. Ils permettent de mener des actions au plus près du terrain10, mais aussi de moderniser la prévention grâce notamment à des actions médiatisées telles que celles menées par la fondation « Movember » dans la lutte contre les maladies masculines11. Les organismes complémentaires jouent également un rôle dans la prévention en assurant notamment un rôle de pilier, complémentaire à celui de la Sécurité sociale.
On peut toutefois se demander si la multitude d’acteurs œuvrant en matière de prévention en France n’empêche pas la mise en place d’une ligne directrice. Une vision commune entre les différentes parties prenantes doit être établie. De plus, l’exploitation des datas et des données numériques doit être au cœur de cette stratégie afin d’adapter au plus près des besoins, les messages de prévention. C’est d’ailleurs la volonté des pouvoirs publics, qui développent des plateformes numériques et des applications afin de pouvoir délivrer de la prévention personnalisée aux utilisateurs12.
Il faut donc saisir l’opportunité que nous impose cette nouvelle réalité : celle d’une situation d’urgence qui finalement perdure et qui implique des répercussions durables sur l’état de santé de la population. S’assurer d’une prévention pertinente durant une période de crise, c’est combattre les conséquences de nouvelles habitudes de vie mais c’est aussi soutenir le système de santé en anticipant une « vague indirecte » issue des répercutions des confinements successifs. C’est donc rendre accessibles à l’ensemble de la population des mesures sanitaires et pérenniser un système de Protection sociale lui-même fragilisé.
1 http://fr.ap-hm.fr/sante-prevention/definition-concept
3 https://www.sciencedirect.com/science/article/ pii/S0013700620300750
4 https://www.thelancet.com/journals/lancet/ article/PIIS0140-6736(20)31067-9/fulltext
8 https://www.ars.sante.fr/les-actions-de-prevention-en-sante-des-agences-regionales-de-sante
9 https://www.securite-sociale.fr
10 http://associationpreventionsante.fr/qui-sommes-nous/
11 https://fr.movember.com/about/foundation
12 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnsp_2018_2019.pdf