Par Jean-Paul Ortiz
Président de la CSMF
Tirons les enseignements de la pandémie de la COVID-19. L’origine de ce virus est certainement venu d’un réservoir animal : chauve-souris, pangolin ou autre. Il faut aujourd’hui réfléchir et intégrer de façon transversale la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale.
Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons sortir d’une logique d’un système de santé uniquement centré sur le soin et aller vers un système qui assure la prévention et la prise en compte de la santé de la population dans tout son dimensionnement.
Ceci nécessite d’abord de rassembler l’ensemble des acteurs : décideurs politiques, administrations, représentations professionnelle et citoyenne etc. au sein d’un seul et même ministère qui aurait la responsabilité de la santé dans sa globalité.
On ne pourra pas avancer sur la prévention en particulier en intégrant les déterminants issus de l’alimentation et de l’environnement si l’ensemble des services et des acteurs ne sont pas coordonnés et ne partagent pas les mêmes objectifs. La COVID-19 a révélé les failles d’une organisation humaine qui ne s’est pas inquiétée de son environnement alors que son impact sur notre santé est pourtant de plus en plus important. Si aujourd’hui on parle du SARS CoV 2, demain d’autres pandémies liées à Zika, Ebola, grippe aviaire, etc. risquent de bouleverser notre vie quotidienne, en passant de la faune animale à l’homme. Pourquoi ces interactions santé animale-santé humaine semblent aujourd’hui brutalement rentrer dans notre vie quotidienne ? Certainement parce que l’homme n’a pas été respectueux de son environnement et de la planète.
Déforestation, agriculture intensive, proximité de la faune animale de toutes sortes avec la vie domestique sont autant de facteurs qui ont favorisé ces interactions, quelquefois très meurtrières. En franchissant la barrière humaine, les pathologies virales animales touchent de façon violente l’espèce humaine, non préparée à de telles infections…
Comment faire face à ce défi majeur si ce n’est par la promotion d’une vie plus respectueuse de l’environnement et par l’intégration de ses contraintes dans l’ensemble de l’activité humaine. Cela passe par une approche globale et intégrée de la santé, touchant la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale. Les facteurs d’émergence des maladies doivent être pris en compte. C’est bien en interconnectant les organisations, la recherche consacrée à la santé humaine et la santé vétérinaire que ceci pourra se faire. Parce que beaucoup de maladies peuvent être transmises par des vecteurs animaux tels que tiques, moustiques ou par des insectes, mais également par le biais de zoonoses…
Cette nécessaire interconnexion trouve un exemple précis dans le défi de l’antibio résistance. Selon l’OMS, l’antibio résistance sera un fléau majeur pour le XXIe siècle, puisqu’elle pose la perspective de 15 millions de morts par an dans 30 ans. Ceci est lié à la résistance des bactéries à tous les antibiotiques actuellement sur le marché, qui sont trop largement et mal utilisés, tant en médecine vétérinaire qu’en médecine humaine. Des efforts sont faits, et ils sont louables : en médecine vétérinaire, le recours à l’antibiothérapie a permis en France de diminuer l’exposition de 37 % pour la faune domestique. Par contre en santé humaine, des progrès doivent être encore faits puisque cette utilisation n’est en baisse que de 9,6 % dans les structures hospitalières sur les cinq dernières années.
La campagne « un antibiotique, c’est pas automatique » a porté ses fruits mais cet effet s’amenuise… Le mésusage de l’antibiothérapie est malheureusement un problème trop courant tant dans nos structures hospitalières qu’en médecine de ville. Les causes en sont multiples et la demande pressante des patients en est une. Mieux utiliser les antibiotiques sera aussi éduquer les Français à une meilleure utilisation de ces médicaments…
De nombreux travaux pointent aujourd’hui l’extraordinaire impact de l’environnement sur la santé humaine. Pollution de l’air, pollution des océans, impact des perturbateurs endocriniens, autant de thématiques qui aujourd’hui interpellent les médecins et la population. Facteurs de dégradation de la santé humaine, les polluants divers et variés doivent être aujourd’hui mieux identifiés et combattus. Les enjeux et les impacts économiques en particulier sur l’agriculture sont majeurs. Il en va toutefois de la survie de l’espèce humaine. Beaucoup s’interrogent sur les causes de baisse de fertilité qui sont constatées dans les civilisations occidentales…
L’impact de l’environnement sur l’apparition de cancers, d’hémopathies n’est plus à démontrer aujourd’hui mais pourtant peu de choses sont faites… Il est temps de penser la santé environnementale comme un défi qui doit être pris en compte par notre société en plein bouleversement, afin de donner à notre système de santé une orientation conforme à ses devoirs.
Cela passe forcément par une éducation à la santé dès le jeune âge et à une sensibilisation en particulier des jeunes générations, dès l’école, de façon à préserver leur santé en préservant leur environnement.
Pour mieux prendre en compte tous ces enjeux, rien ne peut remplacer un lieu de décisions et de pouvoir unique afin de prendre en compte les contraintes des uns et des autres : santé, agriculture, environnement, économie, etc. tout en ayant la capacité de diriger le pays avec l’objectif partagé d’une santé globale pour tous les citoyens. À quand un ministère de la santé globale en France qui réunirait santé, ministère de l’environnement et une partie du ministère de l’agriculture en lien avec le ministère de l’économie et du travail ?
Voilà une orientation novatrice qui marquerait un nouveau quinquennat par sa vision avant-gardiste.