Par Isabelle Rondot
Administratrice du Groupe VYV
En 2010, Thierry Beaudet, alors Président de la MGEN, s’indignait qu’en France, la santé soit plus lourdement taxée que le hamburger1. 12 ans plus tard, Eric Chenut, nouveau Président de la Mutualité française s’étonne du même paradoxe : la couverture santé des mutuelles demeure trois fois plus taxée que la vente des hamburgers2.
En 2021, la taxe payée par les adhérents mutualistes3 représentait 15,3 % de leur cotisation. En 2022, ce prélèvement s’applique4 encore aux initiatives des mutuelles qui contribuent à des priorités nationales de santé publique5.
Pour atténuer les effets des pathologies chroniques, certaines thérapeutiques non médicamenteuses ont fait la preuve de leur efficacité. Nous évoquons ici l’activité physique prescrite par un médecin. Celle-ci est présentée par la Haute Autorité de Santé avec un titre évocateur : « Conseiller l’activité physique à vos patients : le réflexe santé ». (…) « De nombreux rapports scientifiques le démontrent : l’activité physique est bénéfique pour la santé de tous6 ». Actuellement, l’Assurance Maladie ne prend pas en charge ces prestations. Selon la Direction de la Sécurité Sociale, l’Assurance Maladie n’a pas vocation à rembourser l’ensemble des activités ayant des externalités positives sur la santé, en particulier en matière de prévention et de prise en charge de l’obésité7.
Et si nous inventions un modèle de financement rendant accessibles ces thérapeutiques non médicamenteuses validées scientifiquement, en particulier pour les populations qui en sont les plus éloignées culturellement et matériellement ?
Des organisations à vocation territoriale8 ayant contractualisé avec une CPAM sont prêtes à intégrer des séances de Sport Santé dans des parcours de santé ciblés sur des patients atteints de diabète ou après un épisode de cancer. Des mutuelles du Groupe VYV font d’ailleurs déjà bénéficier leurs adhérents de garanties Sport Santé. Le Groupe VYV propose9 plus largement d’encourager l’exercice coordonné en déplafonnant10 ces garanties pour toutes les séances (kinésithérapeutes, enseignants en activité physique adaptée, etc.) intégrées dans ces organisations territoriales.
Et si nous faisions confiance aux professionnels qui s’engagent afin d’accélérer la diffusion de pratiques vertueuses au-delà des professions et actes conventionnés par l’Assurance maladie ?
Et si les mutuelles n’étaient pas empêchées de pouvoir faire ce que l’Assurance maladie ne veut pas faire dans l’immédiat dans un rôle exploratoire de nouvelles solutions ?
Et si l’effectivité de nouveaux champs de la protection sociale pouvait faire l’objet d’un dialogue et d’un partenariat entre Assurance maladie et mutuelles ?
La pratique du « contrat avant le règlement » est soulignée comme vertueuse par la CNAM11 avec les professionnels libéraux. Pour faire face à l’inadaptation de la LFSS à des activités guidées par le long terme, l’approche féconde de la négociation existe également avec d’autres acteurs du système de santé comme l’industrie pharmaceutique12.
Ce nouveau chemin permettrait de remettre en cause des paradoxes identifiés. « Un système paradoxal » est le titre récemment choisi par des chercheurs à l’université de Dauphine13 spécialistes de la régulation, pour définir l’encadrement réglementaire et de la concurrence dans le domaine des assurances santé complémentaires. Par « une mise en concurrence… administrée14 », l’ouverture des marchés de l’assurance complémentaire et la réglementation de l’activité sont allées de pair. Plus la concurrence entre les organismes est intensifiée, plus le contenu des garanties proposées est devenu encadré.
Mais revenons au paradoxe initial. Car il y a bien d’autres plats que le hamburger pour exprimer nos différences. Jean-François Revel illustrait ainsi l’approche philosophique de l’histoire du goût et de la gastronomie : « L’imagination gastronomique (…) précède l’expérience, l’accompagne et, en partie, y supplée15 ».
Et si nous imaginions que le Sport Santé devienne moins taxé que le hamburger ?
1 Le Parisien, 25 octobre 2010 : « La santé va être taxée plus lourdement qu’un hamburger » – Le Parisien
2 « Il est quand même étonnant que la couverture santé soit trois fois plus taxée que le hamburger.» Eric Chenut, président de la Mutualité Française. Communiqué de Presse FNMF du 21 octobre 2021.
3 Sur le niveau de taxation en 2021 : Des taxes qui pèsent sur les cotisations des adhérents (mutualite.fr)
4 Sur l’historique de cette taxation : L’absurde et injuste taxation des contrats d’assurance santé complémentaire (thinktankcraps.fr)
5 Sur la Convention Nationale Sport Santé signée entre le Ministère des sports et le Groupe VYV : Le ministère des Sports et le Groupe VYV concluent un (…) –
6 « Conseiller l’activité physique à vos patients : le réflexe santé », HAS, novembre 2019 Haute Autorité de Santé – Conseiller l’activité physique à vos patients : le réflexe santé (has-sante.fr)
7 Voir page 94 “La prévention et la prise en charge de l’obésité”, Cour des Comptes, novembre 2019.
8 Dont les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles et Communautés Professionnelles Territoriales de Santé.
9 Contribution au HCAAM du Groupe VYV de mars 2021.
10 En prenant en charge au premier euro, sans plafond annuel, toutes les séances de Sport Santé par des professionnels en exercice coordonné.
11 En référence à une intervention de T. Fatôme le 1er décembre 2020 lors d’une rencontre du CRAPS, durant laquelle J.P Ségade avait demandé : « et pourquoi ça ne marche pas comme ça avec les complémentaires : la CNAM avant le PLFSS ? »
12 Accord-cadre entre le LEEM et le Comité Economique des Produits de Santé.
13 « L’encadrement réglementaire et concurrence dans le domaine des assurances santé complémentaires : un système paradoxal », Éric Brousseau, Joëlle Toledano, Alexandre Volle, Chaire « Gouvernance et Régulation » Dauphine, octobre 21.
14 Voir Dauphine, page 17.
15 Préface d’« Un festin en paroles. Histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours », Jean François Revel.
15 Préface d’« Un festin en paroles. Histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours », Jean François Revel.