Par le Pr Alain Bernard
Ancien chef de pôle chirurgie cardiovasculaire et thoracique du CHU de Dijon
La pratique médicale devient de plus en plus complexe sur le plan technique et implique de nombreux professionnels de santé. Le numérique arrive en force et modifie profondément la pratique médicale. Légitimement, les usagers se font de plus en plus pressants pour obtenir des informations sur le niveau de qualité des soins des établissements où ils sont sensés se faire traiter.
En France, depuis plusieurs années, des actions d’amélioration de la qualité ont été mises en place par l’intermédiaire de la certification des établissements grâce à la Haute Autorité de santé (HAS). Les spécialités médicales à risque peuvent s’inscrire dans une démarche d’amélioration de la pratique médicale grâce à l’accréditation. Des améliorations significatives de la qualité des soins ont été constatées comme la prescription des médicaments ou la réalisation des réunions entre professionnels pour analyser les événements indésirables liés aux soins et ensuite trouver des solutions pour les prévenir.
Pour autant, toutes ces mesures sont-elles suffisantes en matière de mesure de la qualité des soins ? Nous pensons que les méthodes utilisées en France restent insuffisantes comparées à ce que font d’autres pays européens, notamment la mesure des indicateurs de résultat. Nous constatons une certaine réticence de la part des autorités à mettre en place les méthodes permettant de mesurer les résultats de la qualité des soins. La France a pris du retard par rapport à d’autres pays européens sur la mesure de la dimension de la qualité des résultats.
Un bref rappel est nécessaire pour comprendre ce que l’on entend sous le vocable « indicateur de résultat ». La mesure consiste à connaître le résultat d’un acte de chirurgie ou tout autre thérapeutique sur l’état de santé des patients, en réduisant par exemple la mortalité ou la survenue de complications. La littérature foisonne de publications sur le sujet où les indicateurs de qualité ont été décrits comme la mortalité après la chirurgie ou bien les réadmissions non programmées. Plusieurs approches sont possibles, aux États-Unis, les centres de chirurgie cardiaque sont classés selon la valeur de l’indicateur. En France, culturellement, les équipes ne sont pas préparées à cette façon de faire, mais il existe d’autres façons de procéder plus adaptées à la pratique française. Elles motivent les équipes médicales à s’inscrire dans une démarche d’amélioration de la qualité des soins. Nous pouvons citer une méthode graphique qui consiste à reporter le taux de l’indicateur de chaque équipe ou établissement et ainsi chaque centre peut savoir où il se situe par rapport à la référence nationale. À la suite de cette analyse graphique, chaque centre pourrait mettre en place les mesures pour améliorer sa pratique si les résultats n’étaient pas favorables.
Tous les outils existent pour mesurer les indicateurs de résultat, la méthodologie a été validée par de nombreuses publications internationales. Il faut simplement convaincre les acteurs producteurs de soins et les autorités de la nécessité de mettre en place la mesure des indicateurs dans l’intérêt des patients. Ce qui est proposé actuellement ne nous paraît pas suffisant, pour preuve, le travail que nous venons de terminer sur la chirurgie du foie. En prenant au hasard deux centres qui avaient un taux de mortalité postopératoire de 15 % et 13 %, bien au-delà de la référence nationale qui était estimée à 3 %. Ces établissements avaient une certification favorable de la part de la Haute Autorité de santé. Mettons-nous un instant à la place d’un patient qui demande légitimement de pouvoir être traité dans un établissement performant concernant ses résultats.
Pour conclure, les professionnels de santé et la Haute Autorité de santé à terme n’auront plus à éluder la question de la mesure des résultats des soins prodigués aux patients. Le point positif concerne l’évaluation de la qualité de vie des patients et leur satisfaction par la Haute Autorité de santé. Pour faire adhérer les professionnels de santé, l’évaluation des résultats ne doit pas être vécue comme une sanction mais une façon d’améliorer sa pratique médicale dans l’intérêt des patients et de s’inscrire dans une démarche vertueuse.