Par le Dr Pierre Simon
Past-Président de la Société Française de Télémédecine
Rarement abordée à travers le prisme de l’attractivité de l’exercice de la médecine libérale, la télémédecine pourrait pourtant présenter un intérêt certain comme en témoigne une récente étude économique de l’institut économique Molinari qui suggère que la télémédecine générerait des économies non négligeables si les pratiques de téléconsultation représentaient 10 % de l’activité médicale. Cette part de l’activité médicale consacrée à la téléconsultation et à la téléexpertise générerait, en effet, une économie d’au moins un milliard d’euros chaque année à l’Assurance maladie.
Autrement dit, plus les médecins de soins primaires et les spécialistes feraient de la téléconsultation et de la téléexpertise, plus ils généreraient des économies significatives. Pour l’heure, l’avenant 9 de la convention médicale impose aux médecins libéraux conventionnés de ne pas dépasser 20 % de leur activité en téléconsultation et la téléexpertise est, quant à elle, limitée à 4 actes par an par patient pour un même professionnel. Cette limitation pourrait aisément être relevée à 40 ou 50 % sans que cela ne nuise à la qualité des soins et à la compétence des médecins.
Les preuves scientifiques démontrent, en effet, aujourd’hui qu’une téléconsultation peut être recommandée sans que la qualité des soins ne s’en trouve altérée. C’est d’ailleurs l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) qui, dans ses recommandations de 2019, ne préconisait pas de limite à la téléconsultation lorsque son indication est pertinente.
Côté rémunération, les médecins de soins primaires ont en France un revenu de 2,1 fois le revenu moyen des Français alors qu’il est de 2,3 en Belgique et de 2,7 en Autriche et au Danemark. Pour les spécialistes, il est de 3,6 fois le revenu moyen français et de 6,2 en Belgique. Il apparaît ainsi que les économies réalisées par la téléconsultation et la téléexpertise pourraient rendre la rémunération des médecins plus attractive grâce à un intéressement aux économies réalisées par les pratiques de télémédecine.
Une proposition déjà expérimentée dans le cadre du programme ETAPES de télésurveillance de 5 maladies chroniques, dont l’évaluation sera réalisée courant 2022. Ce programme prévoyait que lorsque la réduction des coûts était supérieure à l’indicateur des dépenses du SNIIRAM pour chaque pathologie chronique, 50 % de l’économie générée était redistribuée entre les trois acteurs de la télésurveillance, à savoir : le professionnel de santé prescripteur, celui assurant l’accompagnement thérapeutique et le fournisseur industriel de la solution numérique de télésuivi.
Dans cette lignée, si le rapport Molinari s’avérait transposable en France par l’Assurance maladie et que les économies réalisées chaque année étaient redistribuées aux professionnels de santé qui pratiquent la téléconsultation et la téléexpertise selon le modèle expérimenté dans le programme ETAPES pour le télésuivi, l’attractivité de l’exercice de la médecine libérale s’en trouverait très certainement renforcée !