Proposition collective
Notre système de Protection sociale est aujourd’hui remis en cause dans ses fondements. Le sentiment d’exclusion et de pauvreté d’une part toujours croissante de nos concitoyens est fréquemment dénoncé et le lien social tend à se déliter, comme l’a mis en exergue le mouvement des « Gilets jaunes ». In fine, la société française ne semble plus partager l’idée que la justice sociale s’exerce au sein de l’association humaine. Les rapports des individus à la société se sont donc considérablement modifiés et les notions de responsabilité individuelle, de ciblage ou de segmentation de la Protection sociale ont progressivement remodelé le concept d’appartenance à la Nation et celui d’engagement collectif. Les citoyens revendiquant toujours plus de droits, toujours moins de devoirs.
Il semble alors opportun et nécessaire, à l’aune de l’élection présidentielle, de réexplorer les fondements de la solidarité, doctrine de l’unité sociale comme condition de l’unité nationale exprimant un idéal collectif. Le principe est simple : « L’homme vivant dans la société et ne pouvant vivre sans elle, est à toute heure débiteur envers elle. Là est donc la base de ses devoirs et la charge de sa liberté. »
En 1995, le système d’Assurance maladie issu de la Libération est passé sous contrôle direct de l’État. Dès lors, l’évolution de la société et l’emprise croissante de l’État ont conduit à un affaiblissement de la notion de solidarité dans l’esprit des citoyens. Si les fondateurs de la pensée solidariste prévoyaient, dans un premier temps, que la solidarité devait être imposée par l’État, elle devait aussi le plus rapidement possible devenir une démarche volontaire au sein des groupes humains.
Un siècle plus tard, nous sommes toujours confrontés à cette question. Le système actuel de Protection sociale est en effet menacé par une crise économique et financière, par le vieillissement démographique et par une perte de repères globale. Les politiques de maîtrise budgétaire des dépenses de santé conduites par l’État depuis plus de vingt ans n’ont pas su garantir un accès équitable aux soins de santé. Les objectifs de la politique publique en la matière doivent donc être reconsidérés. La situation financière de notre modèle social est quant à elle fortement dégradée. Il n’est, in fine, plus en mesure de répondre de manière efficace à ces défis. L’État doit donc à la fois redonner des marges de manœuvre au système de solidarité nationale, établir une équité intergénérationnelle et restaurer un équilibre des droits et des devoirs.
L’État doit se donner les moyens de déléguer la gestion d’une partie de ses actions d’intérêt général aux acteurs des collectivités territoriales et de la société civile. Telle semble être l’orientation stratégique préalable à des débats techniques nécessaires sur la nature des financements, la maîtrise des risques ou l’organisation du système de soins. D’un État gérant que l’on connaît, doit naître un État social garant d’une nouvelle politique de justice sociale, basée sur le principe d’équité, à l’opposé de l’assistanat, qui a fait perdre aux classes moyennes l’espoir de voir leur situation et celle de leurs enfants s’améliorer.
Plus généralement, la méconnaissance du principe de solidarité contribue à son déclin comme en témoignent l’institution de minimas sociaux, la mobilisation de la CSG pour financer les prestations sociales et la fiscalisation des régimes initialement contributifs. Les exemples sont nombreux. Il est alors urgent qu’un débat public s’instaure pour définir le modèle que nous souhaitons en France : un modèle du chacun pour soi, où les mécanismes de protection tels que les aides sociales sont perçus comme un système de protection individuel où chacun calcule les bénéfices qu’il peut en tirer ou, au contraire, un modèle fondé sur des valeurs de solidarité et de mutualisation, pour que chacun soit solidaire et responsable.