Tribune
Pr Alain BERNARD & Jean-Paul SÉGADE
Respectivement ancien chef de pôle au CHU de Dijon et Président du CRAPS
Notre système de santé a besoin d’être réformé aussi bien à l’hôpital que la médecine de ville. Les prises en charge des pathologies chroniques sont de plus en plus complexes et le vieillissement de la population impose de revoir nos modes d’organisations. N’envisager une future réforme que sous l’angle hospitalier ne réglera que partiellement les difficultés de notre système de soin. L’hôpital à lui seul ne pourra pas répondre aux besoins des patients et de leurs familles, la médecine de ville a un rôle essentiel à jouer dans les nouvelles organisations de la santé. De plus en plus souvent, il faut parler de parcours patients impliquant de nombreux professionnels de santé du médecin au pharmacien en passant par le kinésithérapeute et l’infirmière exerçant aussi bien dans un établissement de santé qu’en libéral. La révolution numérique appliquée aux soins n’est qu’un outil pour les acteurs, et ce, dans l’intérêt des patients. Ces outils ne sont pas une fin en soi, ils ne pourront apporter un bénéfice dans le traitement des pathologies que « si une organisation entre les professionnels de santé a été élaborée et validée pour répondre aux besoins du patient. Si l’outil numérique ne répond pas à un cahier des charges précis, le risque est grand de n’avoir qu’un gadget à sa disposition ».
Pour améliorer notre système de santé, les transferts de tâches entre les professionnels de santé constituent une piste intéressante. Une organisation entre les professionnels de santé a été élaborée et validée pour répondre aux besoins du patient. Les protocoles de coopération pour les infirmières ont plusieurs avantages, le premier est de revaloriser le métier d’infirmière qui en a bien besoin actuellement. Il permet de lutter partiellement contre les problèmes liés à la démographie médicale. Le transfert de tâches vers les infirmières permettrait d’améliorer la qualité des soins, notamment dans le cadre du parcours patients.
De nombreuses expériences dans certains pays étrangers comme l’Angleterre ou le Canada ont modifié les pratiques infirmières où leurs tâches sont multiples. Elles assurent des consultations de premier recours pour des problèmes mineurs, le suivi des maladies chroniques, le développement et la promotion de l’éducation thérapeutique. Elles peuvent également prescrire à condition de posséder une qualification spécifique. Ces transferts de tâches au début se sont inscrits dans une logique de complémentarité et depuis peu dans une logique de délégation pour la prescription, la prévention et le suivi des maladies chroniques. Parallèlement, les médecins ont adhéré à ces nouvelles organisations leur permettant de se consacrer aux problèmes médicaux complexes et de passer plus de temps auprès des patients. L’infirmière contribue à améliorer la qualité des soins et non au remplacement du médecin. Des études ont montré la supériorité de la qualité des soins avec une équipe qui réunit un médecin et une infirmière. D’autres études montrent que la collaboration en complémentarité améliore les effets sur la santé des patients ainsi que leur satisfaction, une meilleure observance des protocoles de soins ainsi que des recommandations.
En France, depuis plusieurs années, des protocoles de coopération ont été signés dans les établissements de santé grâce à la HAS. Mais, cependant, nous sommes encore loin ce qu’ont pu mettre en place des pays comme l’Angleterre, notamment pour la médecine de ville. Plus récemment les infirmières de pratique avancée ont vu le jour, ces nouvelles infirmières du fait de leurs compétences vont se situer entre les médecins et les infirmières. Cette initiative paraît intéressante, mais les missions exactes de ces nouvelles infirmières devront être clarifiées. Pour illustrer notre propos, afin de confirmer l’intérêt des protocoles de coopération, nous rapportons un exemple en cardiologie. Un protocole de coopération a été signé entre les médecins de cardiologie et certaines infirmières pour réaliser des échographies cardiaques. Ce protocole décrit l’organisation mise en place et la formation des infirmières à l’échographie. à terme, ces infirmières réaliseront des échographies cardiaques standards, elles auront recours aux cardiologues en cas de difficultés ou d’échographie anormale. L’intérêt de ce protocole libère du temps médical pour d’autres tâches et valorise la pratique infirmière. On voit tout l’intérêt de faire confiance aux acteurs dans une démarche professionnelle ou une approche territoriale pour définir des nouvelles règles de jeu.
En conclusion le transfert de tâches entre infirmier et médecin va permettre d’améliorer la qualité des soins, par exemple en évitant les dépassements de tâche des infirmières dans les services hospitaliers sans aucune formation, ce qui est le cas actuellement bien souvent. Cette modalité de fonctionnement devrait s’étendre aux parcours de soins des maladies chroniques et des personnes âgées. Ces nouvelles organisations vont permettre le maintien à domicile des personnes âgées ou des patients atteints de maladie chronique. Elles devraient pouvoir prévenir les réhospitalisations inutiles et faciliter la sortie de l’hôpital. Les infirmières, soit dans le cadre de protocoles de coopération, soit des infirmières de pratique avancée, pourraient réaliser des consultations, prescrire éventuellement, suivre les patients et proposer de l’éducation thérapeutique. Ces nouvelles organisations se font en collaboration et en complémentarité avec les médecins. Au bout du compte, c’est le patient qui sera le gagnant.