Tribune

Portrait de Hervé CHAPRON & Michel MONIER, Membres du CRAPS
Au-delà de l’entreprise, l’assurance-prévoyance est un enjeu de justice sociale.

Hervé CHAPRON & Michel MONIER
Membres du CRAPS, respectivement anciens Directeurs Généraux Adjoints de Pôle emploi et de l’Unédic et auteurs de «  Penser le social – 5 questions pour 2022  »

Episode 7 sur 8 de la série réalisée en partenariat avec le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)

Obligatoire pour les cadres, soumise à l’existence d’accords de branche ou d’entreprise pour les non-cadres, la prévoyance, couverture des risques « lourds » – invalidité, incapacité, décès – est-elle un angle mort de la protection sociale ? L’invalidité, la mort : la société matérialiste les a exclues de son imaginaire. Les préoccupations de court terme sont devenues l’horizon indépassable tant pour l’individu que pour le politique : c’est de facto un angle mort sociétal.

L’entreprise et ses acteurs ne feraient pas exception à la règle en privilégiant la couverture des risques de santé à celle des risques lourds. Pour autant, des accords collectifs de branche ont permis d’étendre l’assurance-prévoyance au-delà de l’obligation concernant la seule catégorie des « cadres » pour bénéficier aujourd’hui à plus de 15  millions de salariés.

Les négociations sur la contractualisation de couverture prévoyance-santé dans l’entreprise privilégient, on le sait, le dentaire, l’optique, la couverture des carences des arrêts de travail… Les risques invalidité (dont on refuse d’imaginer qu’ils puissent nous concerner) ou décès (dont on nie l’horizon) sont subsidiaires… à l’image de ce qu’est le capital décès de la « Sécu » (3 475 euros).

Le premier enjeu pour développer l’appréhension de la prévoyance et conséquemment le nombre de bénéficiaires consiste donc d’éclairer cet… angle mort.

L’accord de prévoyance est bien plus qu’un avantage accessoire de la rémunération : c’est le contrat par lequel l’entreprise assure la famille ou les ayants droit du salarié contre le risque majeur ! Si l’invalidité et la mort sont des sujets que l’on évite, dire comment leurs conséquences peuvent être couvertes, c’est affirmer une « raison d’être » majeure des accords de prévoyance-santé. Ces accords affirment l’entreprise comme un lieu de socialisation.

Au-delà de l’entreprise, l’assurance-prévoyance est un enjeu de justice sociale qui doit à l’évidence être davantage présent dans le débat public tout entier occupé par le « 100 % santé ». Occulter ce sujet, n’est-ce pas in fine un défaut de responsabilité collective ?

L’entreprise et les Partenaires sociaux ont su dépasser le cadre des obligations en signant plus de 200 accords de branche qui ouvrent le bénéfice non seulement de rente invalidité et d’un capital décès mais aussi de rente-conjoint et de rente-éducation… Ils ont un rôle sociétal à jouer en promouvant le modèle contributif de l’accord prévoyance d’entreprise. La société ne peut se satisfaire d’un système public affirmant une vocation solidaire mais insuffisante et dont la couverture des risques lourds reste un angle mort.