Alain Gilles
Membre du Comité directeur du CRAPS & ex-DRH de l’Armée de Terre
La loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires stipule que l’état de militaire exige disponibilité en toutes circonstances. Mais elle dit aussi assurer les moyens du retour à une activité professionnelle dans la vie civile, en compensation de l’exigence de jeunesse qui explique le statut de contractuel et les limites d’âge inférieures.
Si le retour à l’emploi est un souci connu de l’administration en certaines circonstances (lors de la RGPP par exemple), plus fréquent dans le monde de l’entreprise, il est un souci quasi permanent du gestionnaire militaire des ressources humaines. Celui-ci doit savoir recruter, former, gérer mais aussi faire partir.
Dès lors, on peut considérer que le parcours professionnel s’inscrit dans un continuum recrutement-formation-reconversion avec la nécessité pour le militaire en fin de parcours de construire un projet professionnel, de s’adapter, de compléter sa formation et de rechercher un emploi.
Pour autant, cette première expérience professionnelle, plus ou moins longue, lui aura permis d’acquérir soit des formations et des expériences directement transposables, soit des capacités et des aptitudes à confirmer et dans tous les cas des « savoir-être » et des dimensions comportementales de rigueur, d’adaptation, de disponibilité, de solidarité à travers une expérience de vie structurante !
La reconversion des militaires doit être préparée suffisamment tôt pour passer par quatre étapes :
• la construction du projet professionnel qui tient compte des acquis et du bassin d’emploi ;
• la confirmation des acquis ; diplômes, VAE, évaluation des compétences et des capacités professionnelles ;
• une formation complémentaire pour rejoindre les requis ;
• un accompagnement dans la recherche de l’emploi.
Pour nos trois fonctions publiques comme pour nos entreprises qui recrutent, ces quelque vingt mille militaires, remis annuellement sur le marché de l’emploi, représentent un réservoir de compétences variées et de savoir-être qui mériteraient d’être davantage connus en vue d’une meilleure adéquation entre l’offre d’emploi et la demande de ceux en reconversion.
Pour ce faire, il convient bien sûr que les armées continuent de se donner les moyens en interne (organisation, formation, Défense Mobilité…) comme en externe ; je pense en particulier aux partenariats avec les organismes de formation professionnelle ou d’accompagnement vers le retour à l’emploi.
Dans le même temps, les moyens financiers comme les mesures d’accompagnement doivent être octroyés aux armées pour faire face au coût de la reconversion, aux flux de retour à l’emploi mais aussi à la concurrence dans ce domaine très sensible de l’accès à l’emploi. Aujourd’hui, les emplois réservés sont encore insuffisamment exploités alors qu’ils autorisent les bénéficiaires à poursuivre leur carrière de fonctionnaire en dehors de l’institution militaire. Nécessité oblige donc de mieux faire connaître les profils de ces hommes et femmes en quête d’emploi, de les préparer et d’en faciliter le transfert.
La disponibilité en toutes circonstances implique les sujétions de mobilité opérationnelle et de mobilité professionnelle. Elle a une résonance très forte sur la vie du soldat, notamment dans un contexte sociétal où chaque citoyen aspire au temps libre, à la bonne éducation des enfants, à l’accession à la propriété et bien sûr au travail du conjoint. Il faut, là aussi, soutenir l’effort porté à la formation et à l’accompagnement du conjoint de militaire principalement au niveau de la Région ou du bassin d’emploi. C’est à ce prix que le soldat en opération sera libéré de nombre de contingences matérielles.
Le retour à l’emploi des militaires constitue un élément presque essentiel de la Protection sociale de la communauté Sécurité-Défense que l’on mesure, il est vrai, à l’aune de son départ de l’institution militaire.
La reconversion du militaire obéit à un impératif de reconnaissance voire de devoir moral envers ceux qui ont fait montre d’un engagement sans limite ! Bien réussie, elle est un gage de sécurisation des parcours professionnels et, à terme, un atout pour le recrutement de demain.