Pr Alexis Brice, Pr Benoît Gallix, Pr Stéphane Hatem, Pr Pierre Jaïs, Pr Stanislas Lyonnet & Pr José-Alain Sahel
Directeur Général de l’Institut du Cerveau et de la Moëlle Épinière (ICM)
Directeur Général de l’IHU de Strasbourg
Directeur Général de l’IHU Ican
Directeur Général de l’IHU Liryc
Directeur Général de l’IHU Imagine
Directeur Général de l’IHU Foresight
Les Instituts hospitalo-universitaires ont été créés en 2011 dans le cadre du premier programme d’investissements d’avenir dans le but de rapprocher sur un même lieu soins et recherche, avec des principes de souplesse et de relative autonomie par rapport aux CHU et aux organismes publics de recherche. Les IHUs devaient être à la fois des structures de recherche de pointe tournées vers l’excellence et l’innovation, idéalement de rupture, dans le but de diffuser cette innovation dans les pratiques de soin et le tissu économique.
Les IHUs rassemblent plus de 3 200 chercheurs, cliniciens, ingénieurs et personnels support et couvrent des thématiques diverses : neurosciences pour l’Institut du cerveau (ICM), maladies génétiques et maladies rares pour Imagine, rythmologie et modélisation cardiaque pour l’IHU de Bordeaux (Liryc), la chirurgie guidée par l’image pour l’IHU de Strasbourg (Mix Surg), cardio-métabolisme et nutrition pour ICAN, les maladies infectieuses pour l’IHU de Marseille (Méditerranée Infection) et ophtalmologie et neurosciences de la vision pour FOReSIGHT, le septième IHU, créé en 2018.
Dix ans après leur création, les six IHUs de la première vague se distinguent par leur diversité mais force est de constater que chacun, avec son modèle spécifique, a transformé l’essai comme en témoigne le rapport d’évaluation internationale réalisée en 2019 sous la gouverne du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, qui a renouvelé l’ensemble de ces structures singulières.
Les IHUs ont, entre 2012 et 2018, réalisé plus de 18 000 publications scientifiques et déposé 260 brevets. Chaque IHU fait désormais référence dans son domaine au niveau international et certains sont au cœur de réseaux de centres de référence internationaux. Sur cette même période, 220 recommandations internationales pour la prise en charge des patients ont été publiées auxquelles les équipes de l’IHU ont contribué.
Au-delà de l’excellence scientifique, ce succès repose en premier lieu sur l’énergie déployée par tous pour remplir le cahier des charges de souplesse et d’efficacité fixé par le PIA. Les IHUs sont des « accélérateurs ». Chacun a ainsi déployé un environnement de recherche performant, doté de personnels de soutien et de plateformes technologiques dédiés.
La deuxième force commune des IHUs est l’accélération de la recherche clinique, pas tant dans la promotion de la recherche clinique que les IHUs, pour la plupart hélas, ne sont pas autorisés par leurs partenaires publics à prendre en charge mais par le soutien apporté sous diverses formes à la recherche clinique : aides directes aux Centres d’investigation cliniques (CIC), en recrutement de personnel ou financement de cohortes, création de living lab, de structures dédiées à l’accompagnement de la recherche clinique, au sein des hôpitaux, en support aux forces de recherche clinique des organismes publics de soins ou de recherche ou en lien avec les industriels.
Enfin, les IHUs ont globalement réussi dans l’accélération de l’innovation, par la création d’écosystèmes propices à la création de start-ups ou à la collaboration avec des start-ups visant un développement rapide de produits ou services au bénéfice des patients. Près de quarante start-up ont été créées par les IHUs en dix ans.
En somme, dix ans après leur création, les IHUs ont apporté « la preuve du concept », en créant des écosystèmes propices à une recherche fondamentale et applicative performante, liant très directement les chercheurs, les cliniciens et les entrepreneurs avec les patients et plus globalement avec la société civile. Ils ont également démontré une capacité d’effet levier au financement IHU avec collectivement plus de 140 millions d’euros de financements compétitifs obtenus auprès d’industriels, 300 millions d’euros auprès d’organismes nationaux et internationaux de financement de la recherche et 120 millions d’euros auprès de donateurs privés.
Toutefois, dix ans après, les IHUs ne sont que des « écosystèmes ». Le PIA voulait créer un modèle nouveau d’organisation de la recherche entre l’université et l’hôpital, aux côtés des organismes publics de recherche et chaque IHU expérimente son propre modèle, spécifique, en fonction de ses propres relations avec les organismes publics de recherche, tutelles de son ou ses Unités mixtes de recherche (UMR), l’université et l’hôpital auxquels il est rattaché. Il est encore tôt pour définir si cette diversité organisationnelle est une force par la souplesse, la créativité et le devoir d’excellence qu’elle porte en elle ou une fragilité par l’absence d’existence propre comme institut de recherche raisonnablement autonome sur ses prérogatives.
Dans l’environnement du soin et de la recherche, les IHUs sont les seuls organismes à ne pas bénéficier d’un soutien récurrent de l’État, ne serait-ce que pour soutenir leurs dépenses d’infrastructures, et à se déployer qu’au seul bénéfice de financements compétitifs, qu’il s’agisse de crédits de recherche, académiques ou industriels, obtenus par les chercheurs en compétition, nationale et internationale, avec d’autres chercheurs ou de générosité du public grâce à l’appel aux dons.
Enfin, si les IHUs sont aujourd’hui reconnus pour leurs capacités d’accélération dans la recherche médicale et l’innovation et leur diffusion dans le secteur économique, ces capacités pourraient être renforcées en libérant les IHUs d’entraves administratives ou luttes d’intérêts contraires au modèle IHU persistantes. Acter, par exemple, que les produits de valorisation des résultats des IHUs doivent revenir intégralement aux IHU pour servir leur objectif unique de développer leur IHU monothématique serait une bonne mesure qui contribuerait avantageusement à la pérennisation du financement des IHUs.
Quant à la diffusion des avancées dans la recherche médicale et de l’innovation dans les systèmes de soins, elle reste à accomplir. Un challenge à relever dans le cadre de la mise en œuvre du 4e volet du PIA récemment engagé par le Premier ministre.