Comment va-t-on contrôler ces spécialistes baroques tant au niveau de leurs diplômes que de leur exercice ?…

PHILIPPE FOURNY

Délégué Général de l’UFOP

L’histoire commençait bien et plaisait en tout cas à l’esprit français frondeur : un citoyen grec a obtenu en Allemagne, après y avoir suivi une formation de 2 ans et demi, un titre l’autorisant à exercer la profession de masseur-balnéothérapeute médical.

Mais la profession n’est pas réglementée en Grèce et à la suite du dépôt de sa demande aux fins de la reconnaissance du droit d’accéder à la profession de kinésithérapeute, comme étant en Grèce la profession la plus proche de son titre professionnel, le ministère grec de la santé s’est opposé à ce que ce diplôme permette à l’intéressé d’accéder à cette profession au motif que la formation est de 3 ans. Après maint recours, l’hellène se retourne vers la Cour Européenne de Justice1 qui lui reconnait le droit à un exercice partiel d’activité. Il est clair pour les juges de Luxembourg que cette exigence grecque relevait bien d’une entrave à la liberté d’établissement… La Commission Européenne s’émeut de cette ségrégation (elle veille vraiment à tout) et pond une directive reconnaissant l’exercice partiel d’activité. Et personne ne s’étonne de cette mesure crasse ou plus exactement aucun Etat, aucune administration, aucun politique. C’est qu’il faut derechef transposer la directive aux professionnels de santé au risque que la France soit pénalisée par la Commission ! Le ministère de la santé a fait fissa pour adopter le décret le 2 novembre 2017 et les arrêtés d’application un mois plus tard. Vive les infirmières spécialistes du pansement, les kinésithérapeutes spécialistes du bain massant, les pédicures-podologues spécialistes de l’ongle incarné et les orthoprothésistes spécialistes de l’avant-bras gauche ! Alors que l’on nous vante d’un côté (à juste titre) les mérites des pratiques avancées2 qui permettent d’étendre les champs de compétences des professionnels de santé afin de faire face à la pénurie démographique, de l’autre, on restreint lesdites compétences pour honorer une décision absurde et inapplicable. Comment va-t-on contrôler ces spécialistes baroques tant au niveau de leurs diplômes que de leur exercice ? Ce sont ces mesures qui gangrènent progressive un Alexandrement l’Etat et ruinent le projet européen. Il fallait un Alexandre pour trancher le noeud gordien et un De Gaulle pour pratiquer la politique de al chaise vide. Mais ça c’était avant…. 

1 Arrêt de la Cour Européenne de Justice du 27 juin 2013 Symvoulio tis Epikrateias/Etat Grec.
2 Le texte date du 26 janvier 2016, mais les décrets d’application se font attendre.