Tribune
Quentin Beriot
Directeur Général d’Unéo
Rendre notre système de santé plus performant passe notamment par une prévention plus efficace. C’est fort de cette conviction que le Gouvernement a fait de l’amélioration de la prévention un des axes majeurs de la Stratégie nationale de santé. Plusieurs mesures emblématiques ont ainsi été prises cette année dans la loi de financement de la Sécurité sociale. En effet, la prévention reste un point faible de notre système de santé. Il génère à la fois une perte de chances pour un certain nombre de nos concitoyens ainsi que des dépenses évitables, assumées par le système de soins qui doit le compenser. Pour favoriser le développement d’une culture forte et ciblée de la prévention santé en France, pourquoi ne pas faire confiance à notre modèle affinitaire mutualiste, qui s’inscrit en complémentarité de l’Assurance maladie et décline les politiques de santé publique ?
L’atout du « sur-mesure »
Pour la Stratégie nationale de santé, il s’agit de « renforcer l’ensemble des actions qui permettent, soit de prévenir la survenue des problèmes de santé (prévention primaire), soit de les détecter précocement et d’éviter leur aggravation (prévention secondaire), soit encore de pallier leurs conséquences ou complications (prévention tertiaire) ». Pour cela, il faut savoir toucher et accompagner la bonne personne, au bon endroit, au bon moment, avec une stricte économie de moyens. Les mutuelles affinitaires sont en cela très bien placées pour le faire : elles sont capables de proposer des dispositifs « sur-mesure » avec, à la clé, des gains mesurables sur le plan médico-social. La raison d’être des « solidarités communautaires » est en effet de tenir compte des risques et intérêts communs d’une population bien identifiée, comme la communauté Défense dans le cas d’Unéo. Le modèle affinitaire apporte en plus un élément de continuité intergénérationnelle, donc une garantie de pérennité économique.
La force du ciblage
En protégeant durablement cette communauté, la mutuelle référente peut déployer des accompagnements adaptés à des troubles spécifiques grâce à une connaissance fine de l’environnement de la population concernée, de sa psychologie ainsi que de ses pathologies communes à ses membres. Chez les militaires, on peut citer à titre d’exemple : la gestion du stress et du sommeil, des déficiences auditives ou encore de la récupération physique et psychologique post-mission. C’est aussi la connaissance fine de notre communauté qui nous a permis de mettre en place un dispositif inédit de prise en charge des frais de santé et de prévoyance à titre gracieux pendant les mois de confinement 2020. La force de « l’affinitaire » pour mener de telles politiques est bien le ciblage. Or, ce ciblage constitue parfois précisément le talon d’Achille de nos politiques de santé publique, dont l’impact est, par nature, plus diffus car plus standardisé.
La Cour des comptes l’a d’ailleurs rappelé dans son rapport sur la politique de prévention publié en novembre 2021, en préconisant de « faire de chaque contact avec le système de santé une opportunité de prévention ». Les sages ont également insisté sur le levier numérique et notamment l’importance d’« utiliser les données de santé pour bâtir des stratégies mieux ciblées ».
La puissance des données
Nos structures affinitaires souhaiteraient justement accéder à davantage de données. Non dans le but de sélectionner le risque – cela nous est interdit et cela n’aurait aucun sens pour une mutuelle couvrant déjà une population spécifique – mais pour gagner en efficacité : analyse, diagnostic, mesure d’impact des protocoles, parcours personnalisés… Tout en prenant en compte les enjeux éthiques et de sécurité. Ensemble, nous pourrions alors concevoir et prendre en charge des dispositifs personnalisés plus performants, des parcours de soins mieux balisés.
Le temps et la liberté d’agir
Mais les principaux obstacles au développement de telles politiques ciblées sont, aujourd’hui, d’une part le modèle de mise en concurrence des complémentaires santé et d’autre part notre capacité à utiliser les données. Avec des contrats responsables de plus en plus standardisés, la fin des clauses de désignation au niveau des branches, la résiliation de contrat infra-annuelle, cette capacité à accompagner des populations sur le moyen/long terme s’est fortement atténuée… Or, en prévention, il est impératif de suivre le public cible sur le long terme.
Offrons donc aux solidarités communautaires les marges de manoeuvre pour développer des actions ad hoc de prévention, de promotion et d’éducation, tout en mettant en oeuvre des dispositifs de gouvernance pour le suivi et le contrôle des actions engagées. Une stratégie complémentaire AMO-AMC gagnante pour renforcer la performance des parcours patients et l’efficience de la prise en charge.
Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP