André Yche
Ancien Président du directoire de la Caisse des Dépôts Habitat
La République qui, en instaurant une organisation politique autour de l’idée de « Bien Commun » (Res Publica), a définitivement écarté de l’espace public les privilèges d’Ancien Régime, a néanmoins laissé subsister des cultures d’origine professionnelle, caractéristiques de communautés humaines fortement soudées : celle de la Mine, par exemple, ou celle du Rail. L’Histoire a démontré qu’elles ne sapaient pas l’identité et la communauté nationales, bien au contraire, mais qu’elles se mariaient étroitement les unes aux autres dans un amalgame véritablement républicain. Il en est de même de la communauté de Défense, soudée autour de ses valeurs, de son Histoire, de ses institutions dont le socle réside dans un statut qui organise un ensemble de droits personnels et sociaux, en regard de servitudes et d’obligations particulières, propres à la condition militaire.
Mais la communauté de Défense, pour soudée qu’elle demeure, est aussi dans la Nation, et dans son époque : ainsi la structure familiale a-t-elle sensiblement évolué, en quelques décennies, à l’image de la société en général, avec le travail du conjoint quasiment généralisé, mais aussi la demande d’ouverture sur le monde « civil » et d’accès aux aménités.
Le logement, le choix du lieu de résidence sont au cœur de ces questions et pour évolutives qu’elles soient, les réponses reposent toujours sur un délicat équilibre entre la prise en compte de besoins particuliers et une tendance à l’intégration dans l’habitat commun. Au titre des premiers ; la fréquence des séjours en OPEX, qui sépare la structure familiale et génère un risque d’isolement et de désocialisation ainsi qu’une certaine propension à la préservation de l’entre-soi ; a contrario, le besoin, précisément, de cultiver des relations sociales en dehors du cercle étroit de la communauté militaire.
De telle sorte qu’aujourd’hui, à côté des anciennes « résidences SNI » considérablement rénovées et des ensembles domaniaux qui demeurent à mi-chemin entre vieillissement et délabrement, car tributaires de ressources budgétaires fluctuantes, l’avenir est, de plus en plus, aux ensembles « intermédiaires » inclus dans le tissu urbain et réservés dans le parc locatif des grands bailleurs, au premier rang desquels figure, avec plus de 500 000 logements, CDC Habitat.
Beaucoup reste à faire pour franchir le seuil d’une parfaite rationalisation de l’offre au profit des ressortissants de la communauté de Défense. Les solutions techniques et financières existent et sont aisément accessibles. Comme c’est souvent le cas, les principaux freins à cette indispensable modernisation sont de nature administrative et culturelle, incitant à la préservation en l’état des pratiques traditionnelles au détriment des innovations porteuses d’avenir.