Tribune
Cécile Waquet
Associée chez YCE Partners
Perte d’autonomie : quel horizon pour les politiques de protection sociale au-delà de la « gestion de crise » ?
YCE Partners a réalisé au printemps/été 2021 une étude qualitative auprès de représentants de mutuelles, d’institutions de prévoyance, d’assureurs, de caisses de Sécurité sociale et du ministère des Solidarités et de la Santé, afin de recueillir leurs points de vue sur les enjeux du « cinquième risque » de Sécurité sociale, celui lié à la perte d’autonomie. Cette étude a été présentée lors de la Matinale de l’Argus de l’assurance du 28 septembre 2021 consacrée au thème de la retraite et de l’autonomie, dont le présent article résume les principaux enseignements.
Les avis sont unanimes : pour éviter le cercle vicieux de l’hospitalisation et de la réhospitalisation des personnes très âgées, la politique du grand âge nécessite une mobilisation générale de tous les acteurs de la protection sociale dans une approche globale et préventive où la dimension de conseil individualisé est primordiale. La politique de protection de l’autonomie requiert une transformation systémique emportant prévention, investissements, équipements, logements, aidants…
La vulgarisation des principes de prévention et l’évolution des comportements collectifs au quotidien doivent être au cœur de cette transformation. Ainsi, la généralisation dès 60 ans d’un dispositif tel que le programme ICOPE porté par l’OMS et promu en France par le professeur Bruno Vellas avec le soutien de Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, permettrait de limiter les situations de dépendance. Ce programme repose sur une évaluation, par chaque individu, de son niveau d’autonomie dans six grands domaines : la mobilité, la mémoire, la nutrition, l’état psychologique, la vision et l’audition.
Le « virage domiciliaire » appelé de ses vœux par le gouvernement ne doit pas occulter la nécessité de moderniser les Ehpad ni le coût global de l’adaptation de la société à ce tournant (adaptation des logements, rémunération et formation du personnel…). La création de nouveaux métiers, tels que les care managers, s’impose également pour éviter l’essoufflement des aidants.
Si la perte d’autonomie intervient sur une période très courte (en moyenne 4 ans jusqu’au décès à partir de la détection de la perte d’autonomie), elle peut, selon les situations, représenter des coûts et des restes à charge très élevés. Or, la cinquième branche de Sécurité sociale dédiée à l’autonomie instituée à l’été 2021 par les pouvoirs publics n’a pas été assortie de la création d’une assurance dépendance publique.
Dans ce contexte, les mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs ont toute leur place à prendre.
Nous avons la conviction que les acteurs privés de la protection sociale sont indispensables pour accompagner les Français dans la préparation de leur perte d’autonomie, pour la limiter au maximum et y faire face le moment venu. Ils peuvent agir de deux façons : soit en mobilisant des outils d’épargne retraite ou d’assurance autonomie, soit en s’appuyant sur des partenariats et des services permettant de promouvoir une approche globale, préventive et adaptée aux différentes situations incluant les enjeux de l’aidance.
À titre d’exemple, AG2R LA MONDIALE propose à ses assurés une démarche de « projets de vie », en réalisant notamment un bilan global de la situation des assurés au moment de la liquidation de la retraite, pour les inciter à se projeter à court et moyen terme et à retarder, limiter, voire éviter, leur perte d’autonomie par des services de prévention. Le groupe a, en outre, investi dans Domitys afin de développer un parc immobilier dédié aux séniors.
La mutuelle Garance, qui chiffre à 120 000 € par personne le coût moyen de prise en charge de la perte d’autonomie, mise, quant à elle, sur l’épargne à long terme pour une transition la plus indolore possible en cas de perte d’autonomie en proposant à ses assurés un produit mixte, mêlant Assurance vie ou PER avec un produit d’assurance dépendance.
Pour autant, si des initiatives comme celles-ci existent déjà, la prise en main du risque dépendance par les assureurs reste difficile, se heurtant à la question de l’usage des produits d’assurance et des services développés. Pour avancer, les acteurs privés de la protection sociale peuvent se poser en agrégateur des différentes solutions aussi bien dans le cadre de contrats collectifs qu’individuels, aussi bien en retraite qu’en santé ou prévoyance, dans une logique de parcours, de prévention et de continuité :
• Sensibiliser à la problématique de l’aidance et de la dépendance dès l’âge actif ;
• Développer des services de prévention le plus tôt possible, dès le début de l’activité ;
• Diagnostiquer les problèmes à l’approche de la retraite ;
• Éclairer sur les mesures individuelles à prendre : aménager son logement, préserver son capital santé, souscrire une assurance dépendance, mobiliser les aides publiques existantes, choisir un EHPAD… ;
• Construire enfin un écosystème partenarial sur lequel s’appuyer pour enrichir les réponses en misant sur l’atout de la proximité.