Dr Jean-Philippe Rigaud, Valérie Bliez & Franck Estève
Chef du pôle des activités transversales (PAT) & Chef de service de la réanimation du CH de Dieppe
Coordinatrice générale des soins du GHT Caux-Maritime – CH de Dieppe
Directeur Général Adjoint du GHT Caux-Maritime – CH de Dieppe
L’expérience du Centre hospitalier de Dieppe
La réflexion a germé au milieu des années 2000 au sein de l’équipe médicale du service de réanimation, à l’occasion de sa participation à une étude clinique française multicentrique d’envergure. Jusqu’alors, ce service, certes récemment restructuré, n’avait pas fait de la recherche un de ses axes prioritaires de travail. Mais, dès lors, les sollicitations et la participation régulières à de très nombreuses études régionales, nationales et internationales au cours des années suivantes ont rapidement convaincu les acteurs du service de la nécessité de développer et de structurer l’activité de recherche clinique.
Ainsi, à l’initiative des médecins du service, à partir de 2007, plusieurs infirmières de réanimation ont suivi une initiation à la recherche clinique dispensée par la Société de réanimation de langue française, ont conduit des protocoles de recherche au sein du service et ont participé à des publications scientifiques. Parallèlement, et au fil des années, les médecins du service ont également été parmi les contributeurs de nombreux articles scientifiques. Même si l’accomplissement individuel est important dans le domaine, il est apparu qu’il était plus que nécessaire de créer une structure pérenne qui pourrait porter à terme les projets conduits dans l’établissement. Le président de CME a souhaité alors que cette structure se cristallise autour de l’expérience de l’équipe de réanimation. Ainsi, et sous l’impulsion du PCME, une UF de Recherche clinique a d’abord été créée avec pour objectif de structurer les circuits de financements inhérents à cette activité. Par conséquent, il est apparu évident que la motivation médicale se devait d’être portée et soutenue par un engagement institutionnel solide. Cet aspect indispensable a malheureusement représenté un obstacle au développement du projet pendant quelques années en raison et d’un manque de conviction et d’un défaut de motivation de la part de nos administrations successives. Mais, la persévérance du PCME et l’opiniâtreté des médecins ont été récompensées par la confiance manifestée en 2019 par un nouveau chef d’établissement, confiance qui s’est matérialisée, outre le soutien sans réserve de la démarche scientifique médicale, par la création d’un temps infirmier dédié et par le financement d’une formation universitaire à la recherche clinique des deux infirmières affectées à cette activité de recherche.
Cet « acte fondateur », désormais marquant de l’engagement institutionnel, a été suivi par des démarches de rapprochement entreprises auprès de la Direction de la recherche clinique du CHU de Rouen, notre CHU de référence. Celles-ci vont conduire très prochainement à la création et à la structuration d’un Département de recherche clinique au sein de notre hôpital mais aussi à l’établissement d’un partenariat entre les deux établissements, partenariat dont les modalités sont en cours d’élaboration, les principaux objectifs ont été définis :
• Organiser et structurer notre collaboration pour envisager des intérêts communs, en effet un CH ne peut être éligible à certaines modalités de façon autonome ;
• Créer un « Département » de la Maison de la Recherche du CHU de Rouen au CH de Dieppe pour favoriser la mise en œuvre d’une démarche « gagnant/gagnant » ;
• Avoir une aide organisationnelle et en compétences de la part du CHU.
Ainsi, au-delà de la contribution statutaire d’un médecin hospitalier à des activités de recherche, il peut être identifié de « très bons prétextes » pour un CHG à s’engager dans une telle démarche qui se veut motivée et proactive. En effet, une activité de recherche soutenue contribue certainement à l’attractivité, et parfois à la notoriété, d’un ou plusieurs services hospitaliers mais aussi d’un établissement, voire d’un territoire, parce qu’attirer de nouveaux médecins et conserver ceux qui sont en place est un véritable enjeu, particulièrement pour un CHG. Mais, on ne saurait ignorer qu’il n’y a pas que dans le domaine professionnel médical que le projet doit impérativement être développé.
Pour les mêmes raisons, il est, en effet, primordial que tous les aspects de la recherche soient soutenus et encouragés au sein d’un établissement ou d’un territoire de santé, en particulier dans le domaine paramédical et notamment des soins infirmiers, mais aussi dans ceux des sciences humaines et sociales ou même encore, dans les domaines médico-économiques. Il ne faut pas omettre la question de la recherche dans le domaine de la formation en soins infirmiers. Quelle belle opportunité que d’aborder la problématique des droits du patient et des proches sous l’angle de l’éthique de la recherche !
Il s’agit ainsi pour un établissement de créer et d’entretenir à tous ses niveaux d’activité une dynamique institutionnelle innovante de recherche, de questionnement et d’émulation scientifiques.
Alors, pour inciter les professionnels à se lancer dans cette belle aventure de la Recherche paramédicale, la Commission des soins du GHT Caux Maritime a adopté depuis 3 ans une démarche en 3 temps : repérage, compagnonnage et messages !
• Un forum des innovations en soins (pratiques, organisations et management des soins) est lancé tous les ans pour connaître et faire connaître les nouvelles pratiques ; cet évènement, très valorisant, permet de repérer une pratique pouvant faire l’objet d’une recherche plus approfondie. 33 posters ont été réalisés en 2019 ;
• Les équipes ayant réalisé les posters illustrant ces innovations peuvent ensuite être accompagnées dans la rédaction d’un avant-projet de recherche, puis d’une lettre d’intention ou toute autre démarche de recherche. 2 pré-projets sont en cours de rédaction avec l’ambition de déposer au moins un PHRIP !
• En parallèle, la Commission des soins a créé une « cellule d’appui » pour aider à publier, à écrire des articles, à communiquer en congrès, et en interne, en lien avec les bibliothécaires des IFSI/IFAS et les comités de rédaction ;
• Enfin, une première équipe est associée à un PHRIP lancée par le CHU partenaire du territorial régional ; un deuxième est en perspective.
Il existe enfin une dimension essentielle et à ne surtout pas méconnaître. Une activité de recherche reconnue permet de renforcer l’image d’un Centre hospitalier auprès de ses usagers et le service qui leur est rendu, en particulier en cultivant l’offre de proximité dans le domaine. Cet aspect doit pouvoir également contribuer au sentiment de confiance que peuvent ressentir un patient et ses proches envers leur établissement de proximité et les équipes médico-soignantes qui contribuent à leur prise en charge au quotidien.
Pour conclure, pour construire cette démarche, la volonté des acteurs potentiels de la recherche doit tendre à convaincre tous les protagonistes. Ce n’est pas une administration qui peut convaincre des médecins de développer la recherche au sein d’un CHG mais bien l’inverse. Et il faut rappeler qu’aucun projet de cette envergure ne saurait être construit sans la conviction forte de tous et la collaboration étroite et confiante entre les soignants et les directions d’un établissement. Notre parcours, long de près de 15 années, l’illustre parfaitement.