Tribune
Catherine Touvrey
Directrice Générale d’Harmonie Mutuelle
À double titre, agir en faveur de la santé et le bien-être au travail est un levier de performance économique de notre système de santé. Première raison, le bien-être au travail est un facteur de performance des structures employeuses et donc de la pérennité de ce financement. Deuxième raison, le travail concentre plusieurs déterminants majeurs de santé et constitue donc un espace intéressant pour agir sur les conditions de vie et en matière de prévention afin de réduire la demande de soins : beaucoup de problèmes de santé peuvent être considérés comme d’origine professionnelle, au premier rang desquels le burn-out, ou peuvent être détectés dans le monde du travail. A contrario, le travail est synonyme pour beaucoup, de lieux de sociabilisation ; or, la qualité de la relation sociale au travail constitue un déterminant majeur de santé. L’estime de soi, déterminant de santé mentale, est aussi pour beaucoup liée à l’atteinte d’objectifs dans la vie professionnelle.
La santé au travail fait l’objet d’une réglementation créant des dispositifs de prévention et de surveillance des situations pouvant présenter des risques pour la sécurité et la santé des employés. Si ces dispositifs sont utiles, ils peuvent être considérés comme des contraintes par les employeurs, voire un moyen de négociation entre partenaires sociaux pour l’obtention de concessions sur des questions relativement éloignées des enjeux de santé. La santé au travail est pourtant bien plus que cela. Elle pourrait être placée sur un pied d’égalité avec la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : la RSE pose la question de savoir comment les entreprises font partie intégrante de la société et interagissent avec celle-ci de manière harmonieuse ; via la santé, l’interaction de l’entreprise avec la société a lieu en son sein. La crise de la Covid a permis de faire prendre conscience des enjeux liés à la santé mentale et à la responsabilité des entreprises dans ce domaine. La hausse continue de l’absentéisme au travail depuis plusieurs années et, depuis peu, les difficultés de recrutement sur le marché du travail doivent par ailleurs conduire les décideurs à faire de leur politique de santé au travail un levier de performance couplé d’un facteur d’attractivité. Rappelons que la santé occupe plus que jamais la première place des préoccupations des Français, devant les questions de RSE qui sont néanmoins de plus en plus considérées au moment de rejoindre une entreprise.
Que faire dans ce contexte ?
Trois idées peuvent contribuer à améliorer les politiques de santé au travail :
1. L’entreprise gagne à être en prise avec la société par une action inclusive de profils éloignés a priori du monde du travail ;
2. La réussite des actions en faveur de la santé dans le monde du travail ne résultera pas seulement de l’adhésion des salariés, mais aussi des initiatives qu’ils prendront ;
3. Les entreprises mutualistes ont une légitimité à part pour exprimer la politique de santé au travail.
En 1er lieu, l’action inclusive se traduit par des politiques de recrutement favorables aux travailleurs handicapés, malades chroniques ou connaissant des troubles mentaux. Leur présence dans l’entreprise concourt à la santé globale de la société. Elle participe également à enrichir les prises de décision avec des points de vue nécessairement différents. L’action inclusive peut se traduire également avec la reconnaissance des aidants et l’aménagement de leurs conditions de travail, qui ont un impact sur leur qualité de vie et constitue par ailleurs une solution efficace pour permettre le maintien dans l’emploi de beaucoup de séniors.
En deuxième lieu, responsabiliser et rendre autonomes les salariés est une condition nécessaire pour qu’ils puissent prendre en main leur santé en ayant la liberté d’actionner les solutions qu’ils jugent les mieux adaptées parmi celles qui leur sont présentées dans leur environnement professionnel. À l’ultime, la solution doit pouvoir être une mobilité professionnelle, interne ou externe, géographique ou fonctionnelle, dont le salarié serait le promoteur. L’augmentation du taux d’activité des seniors, la lutte contre l’absentéisme, l’implication comme facteur de bien-être, la fluidité du marché du travail pourront nécessiter cette mobilité, et il faudra en donner les moyens au salarié.
En troisième lieu, la politique de santé au travail embrasse les choix d’organisation, la culture managériale et la formation, et un grand nombre des décisions prises chaque jour qui ont un impact sur la santé des salariés. Une analyse régulière de ces impacts, sans aller jusqu’à une application systématique du principe « health in all policies » à toutes les décisions managériales, produit de très bons résultats. Pour encourager l’adoption de ces « bonnes pratiques », il peut s’agir de lever des freins, qu’ils soient réglementaires ou liés à des mentalités en faisant davantage de pédagogie, de faciliter la comparaison des pratiques entre employeurs sur leur investissement dans le « capital humain ».
Une exploitation plus large des données et la mise en place d’indicateurs sont également déterminantes. Des acteurs privés, au premier rang desquels les entreprises mutualistes proposent des services d’accompagnement ou de prévention aux entreprises : le déploiement de la pratique du sport santé, l’action de chargés de prévention, les services d’assistances sociales ou la mise en place de baromètres pour mesurer le bien-être des salariés et des plans d’actions associés en sont quelques exemples concrets. Ayant à la fois un lien avec l’employeur pour gérer le contrat collectif santé et prévoyance, un lien avec le salarié, qui est son adhérent, et un rôle d’acteur de l’économie sociale et solidaire à gestion désintéressée, l’entreprise mutualiste affiche une légitimité pour traiter les données, proposer des actions et conseiller les parties prenantes de l’entreprise dans le domaine de la santé au travail. Elles jouissent du niveau requis de crédibilité et de confiance auprès des salariés et décideurs pour véhiculer les messages de santé et, pour certaines d’entre elles, offrent un accompagnement de proximité relationnelle qui facilite en sus le passage de l’information à l’action, enjeu majeur en matière de prévention.
Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP