Par le Dr Pierre Simon
Past-Président de la Société Française de Télémédecine
La pandémie de Covid-19, toujours pendante, a mis en lumière un hôpital submergé, avec des difficultés de fonctionnement anciennes. La suractivité hospitalière ces dernières années – principalement due à notre mode de financement – a, en effet, été à l’origine de nombreux burn-out, suicides et départs chez les professionnels de santé. Au regard de cet inquiétant constat, la télémédecine apparaît comme une solution clé dans la réduction de l’activité de l’hôpital public en diminuant certaines dépenses, tout en conservant les recettes en travaillant avec la médecine de ville.
Si, durant la crise sanitaire, la téléconsultation a principalement été abordée à travers l’initiative du médecin traitant, l’on constate qu’à celle des médecins hospitaliers cette dernière constitue un nouveau moyen d’échanger avec un patient au décours de son hospitalisation en accord avec le médecin traitant et présente un intérêt certain puisque, pour transformer une chirurgie conventionnelle en chirurgie ambulatoire, la téléconsultation au domicile permet par exemple de suivre le postopératoire du patient pendant quelques jours, au lieu de le maintenir hospitalisé.
La télémédecine présente, par ailleurs, un intérêt en termes de performance pour les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) créés par la loi du 26 janvier 2016 qui visait à mieux répartir l’activité hospitalière au sein d’un territoire de santé grâce à la définition d’un projet médical de territoire et à la mise en place de filières de soins entre les établissements d’un GHT. Ces organisations nouvelles pourraient, en effet, gagner en performance avec la télémédecine, sans laquelle la redistribution entre l’hôpital support et les hôpitaux de proximité ne pourra se faire.
La téléexpertise constitue dans ce cadre une pratique susceptible de modifier l’organisation territoriale des soins en améliorant le fonctionnement des filières de soins à l’intérieur du GHT et en permettant de mieux maîtriser les hospitalisations. Elle peut être demandée par le médecin urgentiste d’un établissement du GHT avant d’hospitaliser un patient qui s’est présenté aux urgences. Cette téléexpertise avec le spécialiste hospitalier du service concerné peut conduire à une alternative à l’hospitalisation : une consultation présentielle, une téléconsultation au domicile ou dans le service de l’hôpital de proximité lorsque le patient est déjà connu du service de spécialité de l’établissement support et pour lequel une téléconsultation peut être programmée pendant son séjour.
Du côté du médecin traitant, la téléexpertise permet de juger de l’opportunité ou non d’une hospitalisation immédiate afin de mieux accueillir le patient dans le service spécialisé lorsque l’hospitalisation est décidée. Plus globalement, à l’heure où 3 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques sévères et que leurs allers-retours à l’hôpital se multiplient, il est crucial que l’hôpital assure une nouvelle mission dans le champ de la surveillance de maladies chroniques relevant directement de la compétence d’une spécialité hospitalière (diabétologie, cardiologie, pneumologie, etc.).
L’hôpital public doit alors urgemment construire sa propre organisation pour le télésuivi au domicile des patients relevant de son champ de compétence. Il doit collaborer avec des start-up ou industriels du numérique en santé qui l’aideront à construire des solutions numériques, comme les thérapeutiques numériques qui permettent le télésuivi des patients dans leurs parcours de vie et de santé. L’hôpital dispose, aujourd’hui, des moyens numériques qui lui permettent d’externaliser une partie de son activité afin de réduire certaines dépenses. L’usage de la plateforme d’État MES créée pour que les citoyens puissent gérer eux-mêmes leurs données personnelles de santé devrait permettre d’atteindre l’objectif essentiel qu’est la diminution des hospitalisations évitables et des venues inappropriées aux urgences !