Par Stéphane Chatenet
Directeur Général de AirInSpace
Il s’est invité dans notre quotidien, depuis qu’en décembre (ou peut-être même avant) un pangolin, un animal sauvage ou même, selon certains, un technicien de laboratoire chinois n’ait éternué une fois de trop sur un marché, dans une ville chinoise au dynamisme exacerbé, Wuhan…
Depuis un coronavirus et ses mutants font la Une et démontrent leur capacité à modifier en profondeur nos sociétés, nos acquis et bientôt le monde que nous connaissions…
Certains diront la responsabilité des activités humaines (déforestation, extension des zones habitées…) dans ce risque du type « zoonose » mais cela ne change en rien dans ce qui doit être fait au quotidien pour le gérer concrètement et efficacement.
Plusieurs pathogènes, lanceurs d’alertes, sont passés parmi nous au fil des ans (SARS CoV 1, H1N1, Ebola, MERS CoV), sans susciter d’émoi particulier ni provoquer une prise de conscience des populations et de nos systèmes de santé bien certains de leurs capacité et force de réaction en cas de problème.
Certains acteurs avaient même choisi, a priori et a posteriori, de railler une préparation coûteuse jugeant inutiles tout principe de préparation qu’il s’agisse des masques ou de toute protection jugée budgétairement excessive.
De même, la sous-traitance généralisée du bio nettoyage et de la désinfection des locaux hospitaliers avait été mise en avant comme vertueuse par nos gestionnaires et fût parfois complexe à gérer dans certains établissements quand la pandémie fut venue.
Cette problématique pourrait peut-être ne plus être traitée d’un revers de main comme ce fût le cas dans le passé par la structure Santé, non concernés qu’ils furent par ce qui ne tient pas du registre de l’immédiateté, mais la résilience n’est jamais certaine, ni facile, pour les organisations complexes comme celle de la santé publique.
L’action publique, qui se résume souvent à inventer pour tout problème un plan réactif, a touché sa propre limite lors de cet épisode, qui durera bientôt depuis deux ans et qui a mis à mal les personnels et a donc touché l’hôpital public au cœur.
Au-delà de cet exemple pandémique, présent dans tous les esprits pour durer encore aujourd’hui, les épidémies sont fréquentes à une échelle plus petite qu’est celle du service à risque de l’hôpital ou de l’établissement de santé.
Les ennemis sont nombreux (bactéries, virus, spores, champignons…) provoquant infections et pertes de chance pour les patients les plus fragiles et/ou porteurs de comorbidités hébergés dans les services de réanimation, hématologie, greffes solides, oncologie…
Les infections nosocomiales, dont les taux sont mesurés principalement pour les patients, ont concerné cette fois de nombreux soignants en première ligne par manque de connaissances, mais aussi d’équipements protecteurs contre le virus SARS CoV 2 émis par les malades dans des locaux peu adaptés.
La cinquième vague en cours, dite Delta, n’épargne pas non plus les soignants opérant en services Covid, l’hôpital ayant un peu désarmé durant l’été s’étant convaincu que le vaccin induirait la fin de cet épisode pénible à Coronavirus.
La gestion du risque infectieux doit-elle demeurer le parent pauvre de nos politiques de prévention ou faut-il se réarmer, tant sur le plan matériel, structurel qu’au niveau des ressources en personnel et, donc, investir sans attendre pour faire face au défi de ce risque majeur longtemps sous-estimé et passé sous les radars de la T2A ?
Le système de financement amené à remplacer et améliorer le système T2A en place devra, nous le pensons, réserver des marges de manœuvre élargies tant en personnel qu’en matériel et investissements pour couvrir ce risque.
De même, il est de la responsabilité des spécialistes du risque infectieux, des présidents de CLIN ou de tout autre organisation autour du nosocomial à l’hôpital d’évoluer vers plus de leadership dans son interface avec les directions d’établissements et d’éviter ainsi que cette problématique cruciale ne soit que par trop négligée dans les années futures.
La politique consistant à traiter massivement les infections par les antibiotiques ou les antifongiques, en prophylaxie ou en traitement curatif, dont la consommation reste importante malgré les messages du type « les antibiotiques, c’est pas automatique », jusqu’à atteindre, pour les antifongiques, le premier rang du budget d’achat de médicaments à l’hôpital (liste en sus), possède sa propre limite dans les résistances induites par ces traitements qui susciteront beaucoup d’inquiétude à long terme.
La résistance des microorganismes aux traitements « anti » sera le combat de demain dans les services de soins d’abord aux USA, puis en Asie et en Europe et cela mériterait que les gouvernants, ici et ailleurs, en prennent bonne mesure sans quoi le pire sera à redouter en l’état actuel de nos connaissances.
Reste comme souvent l’espoir de la recherche sur ce sujet qui est important mais les médicaments de demain, répondant à ces problématiques de santé publique, n’existent pas encore ou leurs essais restent embryonnaires.
Il semble crucial que des choix soient faits pour que la science autour du risque infectieux soit revalorisée et financée, que les professionnels actifs autour de ce risque à l’hôpital soient reconnus à leur juste valeur, que leurs conseils soient écoutés et que des investissements soient réalisés pour que, sur ce sujet, l’hôpital public français reste à la pointe et que nous puissions, collectivement, revendiquer l’héritage de Louis Pasteur et être de nouveau fiers d’être un exemple et pourquoi pas de redevenir un phare pour les autres pays.