Par le Pr François Genet
Professeur des universités – médecin hospitalier, responsable de la délégation médicale paralympique Tokyo 2020, Coordinateur Île-de-France du DES de Médecine physique et de réadaptation, Chef de service de l’unité Parasport-santé à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, Président d’ISPC Synergies
Le Grand appareillage orthopédique (GAO) externe, bien que marché de niche, n’en demeure pas moins essentiel pour compenser l’altération des fonctions et la limitation d’activités des personnes en situation de handicap. À ce jour, les orthèses et prothèses de sport et de loisir sur mesure ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Seuls les appareillages de « vie courante » le sont sur la base d’un renouvellement tous les 3 ou 4 ans, voire 6 ans pour certains éléments prothétiques hi-tech (genou prothétique par exemple). Alors que le projet de vie de la personne en situation de handicap est au cœur de la loi de février 2005, ce droit à la pratique d’une activité de loisir ou de sport est refusé par la solidarité nationale alors qu’elle l’accorde aux valides. Ainsi, la réparation de rupture des ligaments croisés du genou sera prise en compte à 100 % par la Sécurité sociale, mais pas la podo-orthèse de sport de la personne atteinte de poliomyélite, ni la lame de course de l’amputé. C’est injuste et constitue à nos yeux une rupture d’égalité flagrante.
Mais au-delà d’un droit égal pour tous à la pratique d’un sport, l’on sait que l’exercice physique fait partie pour les personnes en situation de handicap de la stratégie de prévention secondaire (éviter la récidive, se reconstruire par le sport et améliorer son autonomie). L’augmentation significative de l’espérance de vie de cette population induit le développement de pathologies chroniques bien connues de la population générale (obésité, diabète, hypertension artérielle, cancer, etc.) justifiant l’intérêt de l’activité physique et du sport comme faisant également partie de la prévention primaire des maladies pour la population en situation de handicap. Le succès de la pratique pour ces personnes induirait donc potentiellement une baisse de la consommation de médicaments, de consultations ainsi que des risques de comorbidité et résoudrait indirectement en partie la problématique de l’accès aux soins pour cette population.
La création prochaine de l’Institut de santé parasport connecté (ISPC) doit être l’occasion pour la puissance publique de répondre de façon appropriée à ces attentes.
Pour mémoire, l’ISPC sera une vitrine de ce que peut proposer la France dans le domaine du Parasport-Santé avec une approche encore unique au monde définissant et structurant l’accompagnement de la population d’une nation à la pratique d’une activité sportive de loisirs ou de compétition. Il sera également un lieu référent national pour évaluer à la fois les potentiels d’activités de sport et de loisir des personnes en situation de handicap, mais également évaluer la pertinence médico-économique des dispositifs médicaux de compensation du handicap. L’ISPC renforcera sa légitimité et son expertise nationales en intégrant en son sein des équipes de recherche physiologique et technologique ainsi qu’un service de résidence hôtelière visant, au-delà d’une capacité d’accueil de délégations de sportifs et chercheurs, à préparer le retour au domicile des personnes en situation de handicap en fin de SMR (anciennement SSR). Enfin, il participera à l’axe stratégique accompagnant les jeux olympiques et paralympiques sur ce site olympique mais également pour l’« après J.O. », apportant la valeur ajoutée indispensable de développement durable au service de l’ensemble de la population. Il est d’ailleurs le seul institut dédié au parasport à bénéficier du label Héritages des J.O. 2024.
Au-delà de l’ISPC, ce projet permettrait également d’envisager une prise en charge par la solidarité nationale des appareillages de sport et de loisir non-inscrits actuellement dans la LPPR (Titre II Chapitre 7). Ce nouveau droit ouvert serait cependant conditionné par une évaluation capacitaire délivrée par des structures de niveau 3 (expertes) dont l’ISPC en serait la tête de proue.
À ce jour, ces dossiers dits d’appareillage atypique sont traités avec grande difficulté par les MDPH qui manquent totalement d’expertise médico-technique pour déterminer si telle ou telle prise en charge est recevable ou non. L’ISPC pourrait, en ce cas, devenir le centre national référent pour déterminer selon plusieurs critères objectifs et partagés, si tel ou tel appareillage de sport ou de loisir serait admissible à prise en charge se substituant ainsi à l’entente préalable délivrée régionalement par le médecin ou l’orthoprothésiste conseil de la sécurité sociale. Cette réforme s’inscrirait par ailleurs dans le prolongement naturel de la mise en œuvre en 2020 d’un système informatique national commun aux MDPH.
Comme nous l’avons déjà dit, l’on sait que l’exercice physique représente pour les personnes en situation de handicap une prévention primaire et secondaire de premier ordre. Car l’activité physique accroît significativement l’espérance de vie et surtout la qualité de vie, impactant à la baisse la consommation de médicaments, de consultations ainsi que les risques de comorbidité tels que l’hypertension ou la surcharge pondérale.
Le différentiel entre le déclaratif d’intention d’équipement et l’évaluation capacitaire effectuée par les médecins référents conduira inéluctablement à une diminution très significative de ces volumes. L’ISPC sera la porte d’entrée étroite et obligée pour que soit examinée, par des équipes expertes de niveau 3, toute demande de prise en charge des appareillages de sport et de loisir. Seul un prérequis obligatoire donnera droit à examen du dossier : stabilisation du handicap (+ 2 ans post-traumatisme par exemple), pratique avérée et prouvée d’un sport, vérification capacitaire (maillage territorial par exemple)… C’est la seule délibération collégiale et documentée qui ouvrira le droit à délivrance d’un appareillage de sport ou de loisir. Des pistes pourraient être étudiées, en particulier pour les prothèses des membres inférieurs et supérieurs qui bénéficient d’une double dotation (prothèse de secours en cas de panne ou casse de la prothèse principale) avec substitution de la prothèse de secours par la prothèse de sport.
La France serait le premier pays à proposer ce service. Une annonce très certainement virale à l’occasion des Jeux paralympiques de Paris 2024, moment espéré d’inauguration de l’ISPC.