Jean-Pierre Dewitte
Ancien Directeur Général du CHU de Poitiers
Depuis quelques mois de nombreuses voix, syndicats, collectifs, coordinations, s’élèvent pour réclamer plus de moyens pour l’hôpital public. La demande est à vrai dire floue : plus de moyens pour le fonctionnement quotidien, pour investir, ou pour les acteurs eux-mêmes et en premier lieu les médecins et infirmiers ? Dans mon propos, j’écarterai la problématique de l’investissement dont l’insuffisance peut provenir de multiples causes comme par exemple des choix inconsidérés, des emprunts exagérés, ou des déficits d’exploitation… Je ne traiterai pas non plus de l’organisation de l’offre publique sur le territoire, pour me focaliser sur le fonctionnement interne de l’hôpital.
Il faudrait donc un ONDAM à plus de 4 % et supprimer la tarification à l’activité responsable de tous les maux, système pourtant plébiscité à la fin du budget global. Le problème est tout autre, même si la revendication salariale me parait justifiée, mais prioritairement pour les rémunérations les plus faibles : aides-soignants, ouvriers qualifiés, adjoints administratifs…
Oui, l’hospitalisation publique est correctement financée dans notre pays ; il suffit de voyager pour au retour plébisciter notre système de santé et son accessibilité ; il suffit d’avoir conscience que chaque Français peut accéder à des traitements coûteux comme les transplantations, la réanimation ou à des traitements très coûteux dépassant, à l’année, plusieurs centaines de milliers d’euros pour un seul individu.
Avant de réclamer des moyens nouveaux, pouvons-nous apporter la preuve que collectivement et individuellement nous utilisons au mieux nos ressources. Comment expliquer que des hôpitaux publics, CHU inclus, soient en excédent année après année depuis plus de 20 ans et que d’autres soient en déficit constant alors que les règles sont les mêmes pour tous ?
L’équilibre financier s’obtient sous certaines conditions, du dialogue, de la décision, de l’organisation, du contrôle.
Sommes-nous persuadés d’avoir redistribué nos ressources humaines en fonction de l’évolution des durées de séjour des patients ?
Sommes-nous convaincus d’avoir suffisamment développé les activités de chirurgie et de médecine ambulatoires ?
Avons-nous chaque fois que possible priorisé le domicile : ne pas hospitaliser, quitter l’hôpital dès que possible médicalement, hospitaliser à domicile ?
Sommes-nous certains d’organiser le parcours du patient ou continuons-nous à lui proposer des séquences répétées de soins ?
Nos services médicotechniques sont-ils organisés en fonction des besoins des services cliniques et des attentes des patients ?
La complémentarité entre services d’urgence et services cliniques est-elle optimisée ?
Avons-nous vérifié que nos services logistiques et hôteliers sont qualitativement et financièrement compétitifs avec le secteur privé ?
Notre priorité quotidienne est-elle la qualité de la prise en charge coordonnée ou n’est-ce qu’une préoccupation à la veille d’une expertise de la Haute Autorité de Santé ?
Considérons-nous que la cotation de l’activité est une responsabilité médicale ?
Ne valorisons-nous pas trop souvent ce qui est spécifique avant de privilégier ce qui nous réunit ?
Nous considérons-nous comme propriétaires des moyens ou dépositaires de crédits collectifs que nous devons optimiser ?
Derrière chacune de ces assertions, il est possible de proposer des actions très concrètes qui ont fait leur preuve. Cette liste n’est pas exhaustive, si nous pouvons répondre par l’affirmative à toutes ces interrogations, alors il sera temps de s’interroger pour savoir si nous manquons de moyens.
Cela nécessite d’être convaincus que « ce ne sont pas les espèces les plus fortes et les plus intelligentes qui survivent mais celles qui savent changer », il faut donc combattre le conservatisme historique des acteurs hospitaliers et surtout organiser un dialogue associant en même temps les différentes catégories professionnelles qui doit permettre aux instances dirigeantes de décider et décider rapidement toujours dans l’intérêt premier du patient.