Par Abraham Hamzawi
Partner à Sopra Stéria Next
L’accès aux services publics progresse, mais les usagers font face à des difficultés persistantes. En témoigne l’enquête sur l’accès aux droits menée par le Défenseur des droits.
Quelques faits pour nous faire idée :
– « Une personne sur cinq éprouve des difficultés à accomplir les démarches administratives courantes. Les personnes les plus précaires sont les plus concernées : une personne précaire sur quatre est confrontée à ce type de situation contre 17 % des personnes ne déclarant pas de difficultés financières ».
– « Si 80 % des personnes interrogées pensent qu’une décision défavorable d’un service public ou administration peut être contestée, une personne sur trois éprouvant des difficultés dans ses démarches administratives pense que c’est impossible. Plus de la moitié de la population (54 %) d’enquête rapporte des difficultés pour résoudre un problème avec une administration ou un service public (dont 12 %, « souvent » ou « très souvent ») ».
– « Les personnes en situation de précarité rapportent plus de difficultés que les autres : c’est le cas de 60 % d’entre elles contre 50 % de celles et ceux qui ne sont pas confrontées à la précarité ».
– « Parmi les personnes qui évoquent des difficultés pour résoudre un problème, la demande répétée de pièces justificatives (38 %) et la difficulté à contacter quelqu’un (38 %) représentent les problèmes les plus fréquemment rapportés. Une personne sur trois cite, également, le manque d’information ».
Bien sûr, depuis cette enquête conduite en 2017 des progrès ont été accomplis. Mais nous pouvons nous demander si nous n’avons pas déjà atteint un mur infranchissable. Celui où les améliorations constantes ne sont plus perceptibles par les usagers.
En effet, tant que nous continuerons à concevoir des services pour les usagers, il nous manquera un élément essentiel afin d’améliorer en continu les services : la prise en compte de l’expérience humaine et tous ses biais cognitifs, ses irrationalités, bref la psychologie humaine.
Bien entendu, les services ont été testés auprès des usagers, ils ont été impliqués, consultés. Quand on conçoit et réalise un service pour l’usager, nous procédons ainsi.
Mais, là il s’agit de concevoir et réaliser le service avec l’usager, surtout ceux qui sont représentatifs, ceux qui vivent les difficultés.
D’une certaine manière nous pouvons dire que nous nous situons dans une démarche d’empowerment des usagers en bénéficiant de tout leur savoir expérientiel. Plus nous traitons les cas des personnes qui rencontrent le plus de difficultés, plus les solutions ainsi dégagées bénéficieront au plus grande nombre. Nous sommes dans une démarche « d’extreme-user », car ce sont eux qui induisent une perception dégradée de la qualité de service, des coûts de gestion élevés, mais surtout un réel problème d’accès aux droits.
Mais qui sont ces « extreme-users » ?
Ce qui sont manifestes : les usagers qui rencontrent régulièrement les difficultés et qui finissent par renoncer à leurs droits.
Mais également, les agents des organismes qui ont une mission de service public. Ils sont eux aussi confrontés aux usagers en difficulté et leurs moyens numériques ne sont pas souvent conçus gérer ces relations complexes. Ces outils sont conçus pour la gestion interne et non pas pour faciliter radicalement la relation avec les usagers. La connaissance par ces agents des situations est précieuse car ils sont en contact permanent avec les usagers et leurs compétences sont incontournables pour concevoir des services avec les usagers.
En considérant l’extreme-user comme acteur clé de la dématérialisation des services publics, en l’intégrant dans les équipes projets où il tient un rôle clé, nous pourrons franchir le mur évoqué ci-dessus… jusqu’à ce qu’un nouveau se dresse à nous : la simplification radicale des démarches au service de l’action publique.