Proposition collective
Durant la crise sanitaire, nous avons constaté un certain nombre de dysfonctionnements à l’instar des pénuries de dispositifs médicaux de base et de médicaments essentiels. Cette crise a mis en évidence la forte dépendance de l’Europe et de la France vis-à-vis de marchés étrangers pour ses approvisionnements en matières premières et en médicaments. 80 % des principes actifs employés pour la production de médicaments princeps et génériques sont produits en Asie, spécialement en Chine et en Inde. Plus inquiétant encore, la production française de médicaments princeps et génériques ne représente plus que 11 % des ventes en pharmacie, contre presque la moitié dans les années 1990. Enfin, la localisation des fournisseurs pour des molécules essentielles à lieu hors Europe.
La question de notre indépendance sanitaire a donc pris une dimension particulière dans le débat public ces derniers mois et nombreux sont ceux qui appellent à une relocalisation massive de notre outil industriel. Si l’ambition est louable, il serait toutefois illusoire de penser que la France et plus généralement l’Europe puissent devenir pleinement souverains sur la totalité des outils de production, de thérapeutiques ou de dispositifs. Le mouvement de délocalisation – massif – est à l’œuvre depuis de nombreuses années, il serait alors extrêmement coûteux de se réapproprier l’intégralité de cet outil industriel.
Faut-il pour autant y renoncer ? À l’évidence, non. Il semble plus réaliste de retrouver les voies d’une souveraineté stratégique, donc d’envisager une relocalisation sélective de cet outil industriel et de se doter en amont d’une véritable politique de recherche et développement. Cette relocalisation sélective suppose en premier lieu de sélectionner les secteurs qui ont une valeur ajoutée et pour lesquels nous avons un intérêt à nous réapproprier un certain nombre d’outils de production. La France ne produit à titre d’exemple que 17 % des produits hospitaliers thérapeutiques majeurs.
Pour ce faire, une politique industrielle solide et un soutien à l’innovation conséquent seront nécessaires. Nous devrons également soutenir nos entreprises et nos start-up à l’instar du « Small business act » américain qui permet de réserver des débouchés commerciaux à un certain nombre d’entreprises nationales et européennes. Il est, par ailleurs, fondamental dans le cadre d’une politique de recherche et de développement de maîtriser l’intégralité du continuum.
Cela ne sera pas possible sans une intégration dans des écosystèmes territoriaux et sans un rapprochement des biothérapies, secteur stratégique majeur pour la France et l’Europe. Les entreprises de biothérapies, les entreprises et les outils industriels devraient ainsi être intégrés au sein de campus de santé, véritablement dédiés à l’innovation comme on peut le voir aux États-Unis et en Asie. C’est ce chemin qui leur a permis d’obtenir un véritable leadership en la matière.
Si les crises sont des occasions privilégiées de tirer des enseignements, la crise Covid aura montré s’il en était besoin que la santé est un élément entier de la souveraineté au même titre que la défense et que la politique économique. Nous avons besoin d’une vision de long terme, et de construire les nouveaux outils pour cela. Une approche comparable à celle des lois de programmation dans le secteur de la Défense pourrait nous guider en identifiant les menaces et les opportunités sur le long terme.
Le second outil concerne la stabilité des financements et la visibilité de la stratégie. Des mécanismes tels qu’une loi pluriannuelle de programmation des investissements, des financements et une stabilité fiscale en matière d’industrie de santé seront indispensables si nous voulons réinvestir et localiser sur le sol français et européen, si nous voulons faire de l’innovation le nouvel horizon pour notre système de santé. Une réflexion de fond sur l’évolution de notre système de santé et de notre outil industriel doit donc être urgemment initiée !