Proposition collective
Nombreux sont ceux qui, face à un système de santé à bout de souffle, appellent de leurs vœux une réforme globale. Réforme globale qui se heurte toutefois à une problématique fréquemment soulignée : en France, la santé demeure un sujet d’experts et les débats qui y sont consacrés pendant les campagnes électorales sont rares. Notre pays n’est jamais véritablement parvenu à dessiner une vision de l’avenir de notre système de santé porté par les citoyens. Il n’a jamais véritablement réussi à faire de la santé une partie intégrante du débat politique.
Confrontés à des difficultés similaires concernant leur système de santé, les Danois ont, en 2007, décidé de changer le logiciel en faisant le choix de la décentralisation. Si comparaison n’est pas raison, puisque chaque pays a ses spécificités et qu’une réforme doit s’inscrire dans ce cadre, il serait toutefois dommageable de ne pas analyser les raisons du succès de la réforme du système de santé danois. Si la France a toujours eu beaucoup de difficultés à décentraliser, et singulièrement en matière de santé, la réforme danoise se caractérise principalement par une volonté de responsabiliser et donc d’utiliser pleinement l’ensemble des acteurs afin d’optimiser le maillage territorial pour répondre aux besoins de la population, différents bien sûr selon les spécificités territoriales et plus encore, sociétales.
La clé de voûte de la réforme de 2007 repose ainsi sur la volonté d’une forte décentralisation des modes de gouvernance et d’une concentration drastique des collectivités. Pour que cette réforme d’ampleur puisse se concrétiser, les dirigeants ont déployé un grand plan d’investissement pour moderniser le tissu hospitalier et accélérer le virage numérique. Ils ont également basé leur transformation sur les soins de premiers recours et rapproché le pilotage du système de santé au plus près du terrain. La carte sanitaire a été modifiée et le rôle des acteurs médicaux et administratifs revu.
Cinq régions ont par conséquent été créées avec la mission de piloter le système de santé, de l’adapter aux besoins de chaque territoire et de superviser la mutation du système hospitalier en lien direct avec les besoins et les évolutions du territoire. Dans la même lignée, les municipalités se sont vu confier des responsabilités en matière de santé et d’autonomie, avec la charge notamment d’intégrer une dimension santé dans l’ensemble de leurs politiques. Cette décentralisation s’est accompagnée, d’une part, d’une responsabilisation financière des collectivités et, d’autre part, d’un repositionnement du rôle de l’État sur ses missions fondamentales (garantie de la cohérence de l’ensemble du système, lutte contre les inégalités…).
Appréhender la réussite de cette réforme, c’est aussi comprendre que les responsables danois ont réussi à en faire un point de convergence politique. Cette reforme a donc pu s’appliquer de manière progressive, sans être remise en cause au gré des changements de gouvernement. Pour moderniser leur système de santé, les Danois ont par ailleurs rapidement compris la nécessité d’axer leur stratégie autour des soins de premiers recours. Ainsi, au Danemark, le médecin généraliste salarié est un pivot du système, dans la coordination entre les différents acteurs de soins et joue un rôle central dans la régulation de l’offre de soins hospitalière. En somme, à la différence de la France, les coopérations professionnelles et les délégations de tâches sont ancrées dans les mœurs. Ce sont donc des équipes pluriprofessionnelles qui sont aujourd’hui au cœur du système de santé danois.
Au-delà de la revalorisation de leurs conditions d’exercice et de leurs missions, de nouvelles régulations ont été mises en place, dont l’illustration la plus parlante est celle de l’accès aux urgences. Les patients ont, en effet, l’obligation de contacter une plateforme téléphonique de régulation avant de se rendre aux urgences pour qu’un médecin les oriente vers la structure la plus adaptée à leur état.
Cela a été rendu possible par un effort de pédagogie important mais également par l’obligation faite aux médecins et aux structures de soins de première ligne de réserver des plages de consultations pour les demandes non programmées et d’accepter les rendez-vous pris automatiquement depuis la plateforme téléphonique de régulation. Ces résultats concrets ont pu être obtenus par un plan global axé sur les médecins de proximité. En France, si des réformes ont été conduites, l’on constate qu’elles ont surtout visé à aménager l’existant plutôt qu’à engager des réformes systémiques.