Tribune
Dr François Blanchecotte
Président du Syndicat des Biologistes
Parler de performance en biologie médicale, c’est explorer sa performance technique et pronostique. 70 % des diagnostics médicaux s’appuient sur les résultats validés par les laboratoires de biologie médicale. Mais peu de personnes pensent que pour au moins 25 % de ces examens, cotés en actes à la nomenclature, le biologiste médical intervient pour en augmenter l’efficience. Le diagnostic biologique ne se résume pas à l’automate !
Des hommes et des automates
Deux exemples : en premier, l’expertise du biologiste médical est requise dans le cas d’un traitement antibiotique lors de la découverte d’un germe, d’un parasite chez un malade. Il peut ainsi orienter le médecin prescripteur en termes de préconisations thérapeutiques, de dose et de durée. Et parfois, en particulier pour des plaies, il conseille la non-utilisation d’un antibiotique.
En second, dans le cadre de la Procréation médicalement assistée (PMA), le biologiste médical intervient dans le cadre de consultations permettant au couple d’être pris en charge de façon ciblée et performante.
Et si l’on se projette dans les prochaines années et le développement des thérapies ciblées, les marqueurs biologiques, décryptés et contextualisés par le biologiste médical, seront nécessaires pour commencer tout traitement anticancéreux. Sans même parler de la biologie prédictive, de multiples exemples pourraient ainsi être développés autour des marqueurs génétiques qui arrivent en routine à court terme.
Mais au-delà de ces champs nouveaux, la performance se mesure aussi pour notre profession par sa capacité à délivrer un diagnostic le plus rapide et précis possible avec le moins d’explorations biologiques afin d’éviter l’errance diagnostique du patient, de service en service, de consultation en consultation. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur deux éléments fondamentaux qui sont venus enrichir les performances analytiques, de reproductibilité et de sensibilité de nos examens que sont le numérique et l’intelligence artificielle. Nous le devons à la recherche et à l’industrie qui les ont mises à notre disposition, encadrées par une norme parfois contraignante et trop administrative, mais qui permet de contrôler les résultats et de valider nos méthodes.
L’apport décisif du numérique
Il s’agit en tout premier lieu de l’évolution numérique qui est majeure dans notre secteur avec deux mots-clés : structuration des résultats biologiques et interopérabilité des systèmes informatiques. La structuration, c’est pouvoir lire les examens des patients quelles que soient la base de données et l’application à laquelle il est destiné. Le langage de conversion dit « LOINC » est une nomenclature mondiale, qui doit être adaptée à chaque pays, qui permet de lire, de comparer et d’extraire les examens.
En parallèle, l’interopérabilité de tous les logiciels métiers est essentielle. À quoi bon recevoir des examens, si l’on ne peut pas les intégrer dans un dossier patient, un dossier médical ? À ce jour, le mot d’ordre est la coordination des acteurs avec des échanges multiples et polydirectionnels (MSS et Espace santé). La prise en charge ne sera efficace que si et seulement si les acteurs sont coordonnés et échangent sur le patient de manière fluide : cliniquement, pour le suivi thérapeutique, pour les prestations de conseil données par les uns et les autres.
L’IA en facteur X
Enfin, notre performance sera optimisée par l’apport de l’intelligence artificielle (IA). Tout le monde en parle, mais pour les biologistes médicaux, qu’est-ce que cela veut dire ?
Tout d’abord, cela ne nécessite pas des bases de données considérables, mais si elles sont utilisées, les données doivent être « propres ». Pour un patient considéré, les données doivent être fiables, réelles et justes. Avec seulement 2 % de données vraiment exactes, on peut déjà commencer à construire des algorithmes qui vont conduire à des diagnostics en s’appuyant sur les connaissances et les spécialisations des biologistes médicaux. Ensuite, l’algorithme va évoluer avec toutes les données que l’on va pouvoir lui fournir, et devenir de plus en plus performant.
Les applications sont immenses aussi bien dans le domaine de la reconnaissance des cellules qui, parce qu’elles sont numérisées, est le domaine de prédilection de la numérisation ; mais aussi dans les domaines plus complexes de maladies avec des origines multiples et des facteurs à la fois personnels et extérieurs au patient comme dans le domaine des maladies auto-immunes.
Vers moins d’examens et plus de prévention
Pour conclure sur la performance dans le domaine de la biologie médicale : pendant des années, nous avons compulsé des données, comme un état « polaroïd » sur un individu au moment de l’analyse de ces données. Certains examens vous donnaient une réponse immédiate « HIV positif, Covid positif », etc. ; d’autres permettaient de voir une évolution du patient au cours du temps avec des examens itératifs et montraient que l’on avait, par exemple, une insuffisance rénale qui évoluait au fil du temps. Désormais, il faut prendre les données, disons, « environnementales » du patient, à la fois tout ce qu’il prend comme traitements, son environnement alimentaire et les conditions de vie. C’est ce qui sera demain pris en compte, à la fois son état clinique dans le cadre de la chaîne de soins et son suivi par une équipe pluriprofessionnelle, lui-même aussi pouvant être un patient expert de sa pathologie qu’il connaît et pour laquelle il a aussi des données qu’il peut transmettre.
Avec l’appréciation de son état, de son évolution au cours du temps, des données cliniques, thérapeutiques et de son patrimoine génétique, on devrait pouvoir formuler des diagnostics qui demanderont de moins en moins d’examens différents mais un suivi personnalisé qui se traduira par des conseils de prévention, par des dépistages.
Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP