Tribune

« Loin de toute résignation ou fatalisme, les orthophonistes multiplient […] les initiatives […] pour apporter des solutions adaptées à chaque territoire »

Par
Sarah Degiovani
Présidente de la Fédération Nationale des Orthophonistes

Messagerie téléphonique pleine, liste d’attente à rallonge ou isolement géographique : les patients en attente de soins sont les premières victimes de la démographie professionnelle atone des orthophonistes. L’embolisation grandissante des cabinets d’orthophonie provoquant des délais d’attente de plusieurs mois à plusieurs années en fonction des territoires est connue de toutes et tous, patients, professionnels de terrain et structures sanitaires ou médico-sociales.

Loin de toute résignation ou fatalisme, les orthophonistes multiplient au contraire les initiatives de la profession pour apporter des solutions adaptées à chaque territoire.

Les associations de prévention constituent à ce titre l’une de ces richesses dont une profession peut fièrement revendiquer la maternité. Les actions conventionnelles 
« Dépistage et Prévention, Orthophonie et Orthoptie », « À Vos Jeux, Prêts, Parlez », 
« 1Bébé, 1Livre » sont déployées chaque année dans les écoles, les Protections maternelles et infantiles et les maternités, pour assurer la promotion de la santé et la prévention auprès des publics pédiatriques.

Ce double constat d’un goulot d’étranglement pour l’accès aux soins orthophoniques et d’une vitalité des actions de prévention et de promotion de la santé a abouti en 2018 à la création de la Plateforme Prévention et Soins en Orthophonie (PPSO).

La Plateforme prévention et soins en orthophonie (PPSO) est un dispositif gratuit pour les usagers, pensé et manœuvré par des orthophonistes et issu d’une collaboration entre la Fédération Nationale des Orthophonistes (FNO), les syndicats régionaux, les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) et les associations de prévention. La PPSO permet de répondre aux questions et inquiétudes des usagers, de déterminer la nécessité ou non d’un bilan orthophonique et de réguler la demande de soins pour mieux répondre à l’encombrement des cabinets.

Elle s’organise sur un modèle à trois étages pour faciliter l’accès aux soins et soulager les orthophonistes :

Étage 1 : un site Internet – Allo Ortho

Le site Allo-Ortho.com, soutenu par l’Assurance maladie, présente près de 250 articles de prévention sur les troubles de la communication, du langage, des troubles oro-myofonctionnels, de la voix, etc. Ils permettent d’apporter les premières réponses aux questions du grand public sur tous les domaines du champ de compétences des orthophonistes.

Étage 2 : un dispositif de régulation

Après consultation du site Allo Ortho, si la personne s’interroge toujours sur la nécessité ou non de consulter un·e orthophoniste, elle peut remplir un questionnaire et être rappelée par l’un·e des orthophonistes régulateur·rices. L’orthophoniste régulateur·rice recueille des informations auprès du ou de la demandeur·euse afin de déterminer s’il y a une nécessité de bilan orthophonique ainsi que le caractère d’urgence éventuel de cette prise en soins.

Étage 3 : une plateforme d’adressage

La Liste d’Attente Commune (LAC) a pour but de mettre en relation le ou la demandeur·euse avec un·e orthophoniste de son secteur. Cela peut notamment être à l’issue de la régulation, si l’orthophoniste-régulateur·rice a déterminé un besoin de bilan orthophonique, et si l’appelant·e le souhaite. La LAC est un outil de gestion qui vise à réduire le temps administratif pour les orthophonistes, en facilitant la gestion des demandes de rendez-vous, tout en évitant les demandes doublons dues à la superposition des listes d’attente personnelles. Elle représente aussi un outil permettant aux patients d’effectuer une demande unique de rendez-vous auprès des orthophonistes de leur secteur, afin de limiter le renoncement aux soins.

Aller plus loin

Cette plateforme de liste d’attente commune, utilisée par plus de 40 % des orthophonistes, a recueilli plus de 220 000 inscriptions depuis sa création en septembre 2022. Mais à ce jour, seules 6 régions sont concernées par le dispositif de régulation et le reste de la population patiente.

C’est dire s’il est urgent de continuer à conseiller, à réguler les demandes, à informer les usagers, à fournir des recommandations de prévention et à orienter vers les bons professionnels, en particulier lorsque des examens complémentaires sont nécessaires.

C’est dire s’il est urgent aussi de pouvoir généraliser cette régulation, pour que tous les usagers du système de santé puissent trouver une écoute, un accueil par les professionnels de santé les plus à même de juger de leurs besoins : les orthophonistes eux-mêmes.

C’est dire s’il est urgent de libérer du temps médecin en évitant une consultation chronophage mais non nécessaire pour la rédaction d’une prescription, alors que l’accès direct se développe pour les orthophonistes et que la réponse aux demandes qui relèvent de notre champ de compétences doit rester notre priorité, en coordination avec les médecins.

C’est dire s’il est urgent d’inventer le parcours de soins en orthophonie de demain, main dans la main avec nos patients, pour les accompagner d’un bout à l’autre de leurs besoins de soins.