INTERVIEW
Dr Franck Baudino
Président Directeur Général d’H4D
Votre cabine de téléconsultation permet à qui veut de réaliser un bilan de santé sans rencontrer physiquement son médecin. à qui s’adresse-t-elle et quels services rend-elle ?
Tout d’abord, je souhaiterai indiquer qu’il n’y a pas de télémédecine sans médecin. Ce serait illusoire de penser le contraire. Une consultation seule peut avoir du sens à titre préventif mais doit s’inscrire dans un parcours de soins. La cabine est un outil magnifique au service du patient, s’incluant dans un parcours dont le médecin est l’acteur central. Elle a deux fonctionnalités majeures, l’une de mesurage, vous permettant de réaliser un check-up complet dont les données a posteriori seront analysées par un médecin, l’autre fontionnalité est une téléconsultation, c’est-à-dire que le patient est en direct avec un médecin.
Lors de cette consultation on peut réaliser jusqu’à 85% des actes faits dans un cabinet médical classique. Qu’elle soit généraliste ou spécialiste cette consultation a pour but d’orienter le patient. L’idée fondatrice de cette cabine m’est venue en exerçant ma profession de médecin. Je cherchais un moyen d’aider mes patients -situés dans des territoires sous-médicalisés- en améliorant leur suivi en terme de dépistage et de prévention. A terme, je souhaiterai que cette cabine permette à mes confrères qui pratiquent dans des milieux isolés, de leur apporter un soutien médical et organisationnel pour le soir et les week-end. Néanmoins, je souhaite qu’elle puisse s’adresser à tout le monde où du moins à tous ceux qui en ont besoin.
On observe lors de la parution de l’Atlas 2015 de la démographie médicale en France, que les déserts médicaux progressent inexorablement. Avez-vous l’ambition avec votre cabine d’éradiquer cette problématique ?
Notre priorité se situe sur les territoires où il n’y a plus de médecins ou des médecins « seniors » qui continuent de manière admirable à exercer. Cette cabine pourrait dès lors apporter un soulagement professionnel le soir et les week-end. La cabine prend toute sa place dans des espaces facilement identifiables, comme une caserne de pompiers ou une mairie. Un désert médical ou un environnement propice à l’installation d’une cabine de téléconsultation est idéal pour permettre un parcours de soins préalablement validé par les instances administratives. On informe alors par la suite les médecins locaux que les parcours de soins ont été définitivement acceptés par l’Agence Régionale de Santé (ARS). C’est une véritable organisation que nous proposons autour de cette cabine, entre autres, avec les médecins du SAMU et les groupements de médecins locaux qui peuvent réaliser des urgences.
La télémédecine connaît depuis son origine des difficultés à créer son mode de financement, pourriez-vous nous décrire votre modèle économique?
Pour pouvoir utiliser ce dispositif, nous fonctionnons sous la forme d’un abonnement. Le prix de base locatif est fixé à 1 500 euros par mois, comprenant l’entretien et les consommables etc… Ensuite, la prise en charge des coûts supplémentaires varient en fonction des parcours de soins que nous mettons en place. Pour les téléconsultations médicales, c’est le cadre de l’expérimentation qui définira les moyens de paiements. Aujourd’hui, le financement, qui est le plus reconnu, est porté par les ARS à travers les programmes FIR (Fond d’Intervention Régional). L’objectif est pour nous de s’intégrer dans un éco-système dans le cadre de procédures professionnelles. Il ne s’agit pas de rembourser des actes inutiles, nous militerons avec des acteurs qui respectent les règles du jeu et dans un cadre déontologique afin de pouvoir obtenir un remboursement des actes de télémédecine. Nous savons déjà que nous pouvons mettre à disposition des professionnels et des patients un instrument performant et un éco-système professionnel viable avec un mode de régulation en amont qui feraient que le remboursement de la consultation par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie serait, je l’espère et nous y somme très attentifs, envisageable en associant les médecins du territoires en intégrant bien entendu un mode de régulation. Je crois que les tarifs de la téléconsultation doivent respecter la valeur de l’acte médical classique et nous devons donc considérer que l’utilisation d’une télécabine est similaire à une consultation réalisée dans un cabinet.
Un nombre important de pays en voie de développement essuie cette même précarité démographique, avez-vous pour ambition d’exporter cet outil sur d’autres continents?
Nous sommes très attentifs à ce qu’il se passe sur les autres continents. Notre première expérimentation a été réalisée au Gabon et mise au point avec des moyens de communication à faible débit et dans des conditions d’apport énergétique très particulières. Via cette expérience, on estime que l’on sait déjà répondre à ces types de problématiques présentes dans les pays en voie de développement et notre savoir-faire est déjà reconnu puisque nous commençons des implantations en Amérique du Nord et dans d’autres pays. Même si je pense que les modèles de remboursements et de financements dans certains pays ne sont pas optimum pour implanter cet outil, je ne cesse de croire que la télémédecine est source d’innovations pour les modèles de protection sociale de chaque pays. Pour conclure, je dirais qu’il y a une vraie expertise française sur ce domaine, que la médecine est encore un des fers de lance que l’on peut avoir en France, aussi bien en terme pratique, qu’en terme d’image. Ce que je souhaite avant tout, c’est que la télémédecine bénéficie de ce savoir-faire aussi bien en France qu’à l’étranger. On a clairement une carte à jouer en associant plusieurs acteurs pour créer une filière de télémédecine qui puisse s’exporter internationalement.