Tribune

« C’est à chaque parlementaire, quel que soit son parti d’origine, d’être à la hauteur des enjeux en retrouvant un cadre de débats plus sereins et plus respectueux, avec moins d’invectives et surtout plus de contenus »

Par
Jean-Paul Ségade, Président honoraire du Think Tank CRAPS

et Alexandre Drezet, Directeur de l’innovation à l’Hopital Foch

Alors que la décision du Président de la République se fait encore attendre sur le choix du premier Ministre – et par extension de son gouvernement –, la rentrée des institutions, des administrations, des entreprises – publiques comme privées – se fera sous la bannière de l’incertitude et de l’instabilité. Une incertitude politique, une incertitude de cap par absence – ou du moins du manque – de prise de décisions mais une incertitude sur les règles de jeu au moment même où les acteurs de la protection sociale demandent de la pluri annualité et une démarche prospective capable de donner du sens à l’action et de fédérer les initiatives.

À l’instar de tous les autres, le secteur de la protection sanitaire et sociale et ses acteurs n’en sont pas exemptés.

D’abord et à court terme, budgétairement car le vote de la loi de finance et celle de financement de la sécurité sociale doivent être tout prochainement discutés d’abord à l’Assemblée Nationale puis au Sénat ; ces deux textes étant habituellement au cœur des débats de chacune de ces chambres dans le courant du deuxième semestre de chaque année. Il y a fort à parier que les travaux préliminaires à leur élaboration n’ont pu être que partiellement tenus et qu’au mieux les modifications porteuses de changements – même si ceux-ci ne peuvent être que limités – ne pourront se faire que par voie d’amendement si tant est qu’une coalition parlementaire suffisamment large se dessine. Rien de moins sûr. Que fera-t-on si en fin d’année des hôpitaux publics ne paient pas les salaires faute de trésorerie, si des établissements privés doivent engager des plans sociaux ?

Mais au-delà de l’aspect comptable ce qui est à craindre c’est l’immobilisme qui s’installe insidieusement avec pour conséquence la spirale négative de la confiance qui se met en marche avec ces risques attenants de perte de légitimité, de perte de compétitivité, de fuite des acteurs ou du moins ceux qui sont dynamiques. Le soutien aux projets stratégiques comme aux innovations risque de s’essouffler alors même que notre modèle de la protection sociale est plus que jamais au cœur des enjeux. Ce sont nos facultés d’innovation, notre capacité de création qui sont étouffées par ce contexte anxiogène.

Dès lors, comment retrouver la confiance dont nous manquons tant ? Comment concilier les besoins impérieux du quotidien avec une vision de long terme plus difficile à composer compte tenu de l’échiquier politique nouvellement constitué ? Comment trouver le ou les consensus et rassembler alors que tout semble opposer les trois blocs – NFP, Renaissance, RN – de l’Assemblée ?

Le « en même temps » est aujourd’hui dépassé tant l’écart entre les deux bords de l’hémicycle même réduit au bloc républicain tend à s’espacer, il n’a pas d’alternative. Il n’y a pas d’autres choix que de se réinventer pour redonner envie aux acteurs d’avancer dans un cadre où la confiance est la garantie de la liberté de chacun de proposer, d’innover et de construire.

C’est aussi à chaque parlementaire, quel que soit son parti d’origine, d’être à la hauteur des enjeux en retrouvant un cadre de débats plus sereins et plus respectueux, avec moins d’invectives et surtout plus de contenus. Mais c’est surtout à chaque acteur de prendre la mesure du moment tant celui-ci est charnière pour l’avenir de notre modèle social. Oui, il faut espérer et garder notre optimisme !