Camille Beneton
Infirmière de recherche clinique, MSC
On dénombre aujourd’hui environ 700 000 infirmiers en France et peu d’entre eux connaissent le rôle prépondérant qu’ils peuvent jouer dans la recherche clinique.
Il faut compter trois années d’études pour devenir infirmier. Les infirmiers de recherche clinique (IRC) complètent leur formation par un DU de recherche clinique ou un master.
Les infirmiers ont beaucoup à apporter à la recherche clinique. Leurs qualités intrinsèques en font des atouts majeurs dans le fonctionnement des essais cliniques : ils sont formés à l’organisation, la précision et le travail d’équipe. Ils sont à l’interface des différents acteurs de l’hôpital et cultivent la pluridisciplinarité dans la prise en charge des malades.
La spécificité de l’infirmier comme acteur de la recherche clinique réside également dans ses connaissances paramédicales. Il est capable d’appréhender un grand nombre de pathologies, mais aussi de comprendre les traitements, les tableaux cliniques ou encore les examens biologiques des patients. Dans le cadre des essais thérapeutiques, ils sont donc une aide précieuse dans la collaboration avec le médecin investigateur.
L’infirmier, au cours d’un essai clinique, prend en charge le patient dans sa globalité. Il pratique les soins en lien avec la recherche, répond aux questions spécifiques du patient ou encore fait le lien avec l’équipe médicale investigatrice. En parallèle, l’IRC effectue aussi les tâches qui incombent traditionnellement à un attaché de recherche clinique (ARC), comme veiller au respect des bonnes pratiques cliniques, le remplissage des CRF, la gestion administrative et la mise en place des essais.
Les IRC sont donc capables de replacer le patient et le soin au centre de la recherche. En effet, la relation soignant/soigné est au cœur de la formation en soins infirmiers. C’est une relation de confiance qui favorise l’écoute et les échanges. Cette relation unique permet souvent de rassurer les patients et de soulager leurs craintes liées à la participation à des études de recherche médicale.
Cette double casquette fait de l’IRC une ressource très recherchée par les recruteurs. Cependant, les candidats à ce type de poste restent rares et cela s’explique de plusieurs façons.
Tout d’abord, les conditions de travail des IRC sont souvent précaires et inhomogènes entre hôpitaux. À l’exception des infirmiers déjà titulaires de la fonction publique, la plupart sont recrutés sur des contrats à durée déterminée, et nombreux sont ceux qui ne disposent que d’un contrat d’attaché de recherche clinique. Pour ces derniers, les compétences et le statut d’infirmier ne sont donc pas reconnus et leur niveau de rémunération se situe en dessous de leurs pairs. Ceci alors qu’ils sont souvent officieusement sollicités pour des actes infirmiers, comme les prises de sang, faisant gagner un temps considérable au service de soin, ce dernier ne mobilisant alors pas son équipe paramédicale propre pour les actes liés aux activités de recherche clinique. De plus, à ma connaissance, l’intitulé « infirmier de recherche clinique » n’existe pas sur les grilles d’emplois de la fonction publique hospitalière.
L’ensemble des points évoqués tend à rendre le métier peu attractif aux professionnels paramédicaux.
Au-delà de ces considérations économiques et statutaires, les métiers de la recherche clinique sont encore trop méconnus des infirmiers. En effet, au cours des trois années de formation en soins infirmiers, une seule unité d’enseignement aborde le principe de recherche. Il n’est présenté qu’une approche minimale de la recherche par l’apprentissage de la recherche bibliographique. Les concepts de recherche clinique et des essais thérapeutiques ne sont pas évoqués, tout comme l’existence des IRC. Les terrains de stage en recherche clinique sont rares, voire inexistants. Difficile alors de se faire une idée concrète de la profession.
Il serait donc pertinent d’intégrer au cursus des IDE une UE de formation aux essais cliniques. Ce complément de formation me semble essentiel puisque dans leur pratique professionnelle, en CHU ou non, les infirmiers seront quotidiennement confrontés aux essais cliniques. Leur investissement n’en sera que plus important, s’ils en comprennent les enjeux.
Les projets de recherche en soins infirmiers se développent ces dernières années et font l’objet de nombreux appels d’offres. À ce titre, il me paraît important de motiver et soutenir les IRC dans leur participation à ces projets. En effet, ils maîtrisent la recherche et peuvent être moteurs de nombreux projets de soins. C’est aussi valoriser leurs compétences que de leur permettre de devenir investigateurs dans les études paramédicales.
Enfin, les infirmiers de recherche clinique méritent que nous leur accordions plus de confiance, afin que davantage de tâches leur soient confiées dans la prise en charge des patients. Avec l’avènement des infirmiers de pratique avancée (IPA), il me semble important de considérer la place des infirmiers de recherche clinique dans ce nouveau corps intermédiaire et cette nouvelle vision du métier.