Tribune
Par
le Dr. Cyrille Isaac-Sibille
Député de la 12e circonscription du Rhône
En 1945, les pères fondateurs de l’Assurance maladie ont fait une promesse aux Français, celle de prendre en charge leurs soins individuels, quels que soient leurs comportements de santé. Cette promesse, nous l’avons tenue : la France a développé l’un des systèmes de soins les plus performants au monde. Cependant, sans donner aux Français les moyens de rester en bonne santé, ce système, fondé sur un déséquilibre entre le soin et la prévention, montre désormais ses limites : le nombre de maladies chroniques ne cesse d’augmenter et la France détient le triste record de la plus longue espérance de vie en mauvaise santé.
Il s’agit aujourd’hui de faire une nouvelle promesse aux Français. Une promesse dont l’objectif sera d’assurer leur bonne santé le plus longtemps possible. Pour cela, il faudra mettre en place une politique publique systémique de la prévention en santé, produire des actions de prévention évaluées et fondées sur une approche populationnelle, en fonction des déterminants de santé, qu’ils soient socio-économiques, environnementaux, comportementaux. Une politique ciblée pour « aller-vers » ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui sont les plus éloignés de leur santé. Cette nouvelle approche ne peut se faire qu’en s’appuyant largement sur les opportunités que le numérique et les données de santé nous offrent, qui se sont révélées indispensables pour endiguer l’épidémie de la Covid-19.
Les Français, représentés au sein d’associations de patients, ont compris l’intérêt des données de santé et sont prêts à ce qu’elles soient utilisées si le système apporte confiance et transparence !
Le développement du numérique dans le champ de la prévention en santé est confronté à des obstacles de nature variée. Tout d’abord, si un cadre légal contraignant est nécessaire pour garantir la protection des données personnelles des patients et assurer la conformité aux normes de sécurité et de confidentialité, la rigidité de cette réglementation nuit au déploiement fluide d’applications nourries des données.
Aussi, l’augmentation du nombre et de l’ampleur des cyberattaques constitue une préoccupation majeure pour les acteurs de la santé. Les récentes attaques contre des établissements de santé ont mis en lumière les vulnérabilités des systèmes informatiques médicaux et peuvent fragiliser la confiance de la population à l’égard de la sécurité des données médicales en ligne. Cette crainte participe à dissuader les investissements dans de nouvelles solutions numériques, en dépit des opportunités qu’elles offrent à la fois pour les soignants et pour les patients.
Outre ces questions de sécurité, l’accès aux données de santé ainsi que leur gestion et leur utilisation mériteraient d’être simplifiés. En effet, les données sont dispersées entre les fournisseurs de soins, les hôpitaux, les laboratoires et les agences gouvernementales, rendant difficile leur accès. Il convient néanmoins de noter que le Health Data Hub travaille, depuis sa création en 2019, à la levée de cette problématique.
Un système d’information unique dans le domaine de la santé serait nécessaire, mais bute sur la diversité de besoins, d’usages et de protocoles selon les acteurs (hôpitaux, cliniques, laboratoires, entreprises pharmaceutiques et prestataires de soins). La coordination de ces entités et l’interopérabilité des systèmes sont des défis majeurs, surtout lorsqu’il s’agit de protéger la confidentialité et la sécurité des données médicales sensibles. L’utilisation des données de santé permettrait, d’une part, de mettre en place des approches préventives ciblées pour identifier les personnes qu’il est pertinent d’encourager à adopter de bons comportements en santé, afin d’atteindre celles qui en ont le plus besoin et d’optimiser nos ressources.
D’autre part, cela permettrait de proposer des actions de santé publique personnalisées. En analysant automatiquement la situation d’une personne, il sera possible d’offrir des services et actions adaptés à ses besoins. Cette approche proactive et individualisée est un élément clé pour améliorer l’efficacité des actions de prévention.
Cependant, pour déployer de tels dispositifs, il est important de clarifier et de définir de manière précise l’utilisation des données de santé. La classification des données de santé comprend deux catégories : les données personnelles non anonymisées et les données personnelles pseudo-anonymisées.
Les données personnelles non anonymisées doivent impérativement être conservées dans un coffre-fort afin de garantir le secret médical. Le dossier médical partagé, auquel seuls les professionnels de santé et le patient ont accès, joue ce rôle et permet un strict encadrement de l’usage de ces données.
Les données pseudo-anonymisées doivent être manipulées avec encore plus de précautions tant elles sont sensibles, et cela d’autant plus que les laboratoires pharmaceutiques sont les premiers utilisateurs de ces données de santé dans une recherche médicale pour de nouveaux médicaux ou médicaments innovants. Leur usage gagnerait à être aussi utilisé afin de contribuer à l’amélioration du système de santé et à de nouvelles innovations d’organisation.