Tribune

Par
Dr. Pierre Simon
Néphrologue, cofondateur du Think Tank Télésanté et Numérique en Santé
Idéal
Le patient en état d’obésité (IMC >30kg/m2) a besoin d’être accompagné par un professionnel de santé lorsqu’il décide de mettre en place certaines thérapeutiques comme une activité physique associée à une alimentation adaptée dans le cadre d’un plan personnalisé de soins (PPS).
L’obésité est une maladie chronique dont la fréquence ne fait que progresser depuis le début des années 70. On parle, en 2021, de près de 2 milliards de personnes touchées. La demande de soins et d’accompagnement est très nettement supérieure à l’offre en spécialistes de cette maladie (médecins, infirmiers, psychologues, diététiciens, etc.).
Problématiques / obstacles
Le patient obèse doit pouvoir bénéficier à la fois d’une éducation thérapeutique par un spécialiste de la maladie à la phase initiale de sa prise en charge et ensuite d’un accompagnement thérapeutique par un professionnel de santé avec qui le patient a une relation de confiance et de respect.
Mais l’accompagnement des patients en obésité n’est pas simple, car les régimes alimentaires rigoureux et les exercices physiques sont difficiles à maintenir dans la durée chez les patients pour de nombreuses raisons. De plus, la pharmacothérapie pour l’obésité est très coûteuse et peut avoir des effets indésirables, allant des nausées, des vomissements et de la diarrhée à des complications neurologiques sévères comme une neuropathie périphérique invalidante.
Les interventions de soins primaires, telles que prodiguer des conseils sur le mode de vie, sont les approches traditionnelles pour gérer les patients atteints d’obésité, mais qui ont une efficacité limitée. Dans l’essai américain PROPEL (Promoting Successful Weight Loss in Primary Care in Louisiana), 18 cliniques ont été réparties au hasard pour fournir aux patients soit une intervention intensive sur leur mode de vie axée sur la réduction de l’apport calorique et l’augmentation de l’activité physique, soit les soins primaires habituels. Lors du suivi sur 24 mois, seuls les patients ayant subi des modifications intensives de leur mode de vie ont présenté une réduction de poids cliniquement significative1.
Pistes de solutions / propositions
L’obésité est une maladie chronique qui peut bénéficier d’un télésuivi au domicile permis par la santé numérique et la télésanté. Les interventions à distance se caractérisent par un accompagnement thérapeutique par voie électronique en utilisant des applications de la santé mobile, les appareils portables et les dossiers médicaux électroniques2.
L’usage de la téléconsultation chez les patients en obésité est une pratique professionnelle en plein développement dans plusieurs pays où l’obésité est à l’état endémique.
La gestion du poids par les moyens de la télémédecine utilise des outils tels que des séances de conseil en groupe ou individuelles qui aident les patients à contrôler leurs portions alimentaires, à augmenter leur exercice physique et à maintenir ainsi la perte de poids prévue3.
La téléconsultation implique une communication individuelle ou en groupe entre les professionnels de santé et les patients par le biais d’appels vidéo.
Dans une première étude, les participants ont reçu 12 séances de groupe d’une heure en présentiel, suivies de téléconsultations programmées. Les participants du groupe avec téléconsultation ont eu une perte de poids moyenne (IC à 95 %) significativement plus élevée (-6,6 kg [-7,5, -5,8]) que celle du groupe avec un suivi présentiel (-5,1 kg [-7,2, -3,0]) ; p = 0,01.)4.
Dans une autre étude, les patients ont été randomisés pour recevoir soit des téléconsultations individuelles, soit en groupe, soit un programme éducatif par courrier électronique. L’objectif était d’évaluer la variation moyenne du poids entre le départ et le suivi à 22 mois. Les participants du groupe témoin qui reçurent un courrier électronique ont eu une prise de poids la plus élevée (gain de poids moyen, 4,1 kg) lors du suivi, ceux qui ont reçu une téléconsultation en groupe ont eu un gain de poids moyen de 2,8 kg. Le gain de poids le plus faible fut observé chez les patients qui avaient reçu des téléconsultations individuelles (gain de poids moyen, 2,3 kg). Cette étude montre que l’accompagnement périodique par des téléconsultations individuelles permet d’obtenir un meilleur contrôle de la prise de poids5.
Avec l’incidence et la prévalence croissantes de l’obésité, les professionnels de santé doivent déployer de nouvelles organisations de soins ainsi que des méthodes innovantes pour combattre et freiner l’obésité. L’un de ces moyens peut être l’utilisation de la santé numérique et de la télémédecine.
Sources :
1. Peter T. Katzmarzyk, et al., « Weight Loss in Underserved Patients – A Cluster- Randomized Trial », The New England Journal of Medicine, 3 septembre 2020.
2. Charlene Soobiah, et al., « Identifying optimal frameworks to implement or evaluatedigital health interventions : a scoping review protocol », BMJ Open, 13 août 2020.
3. Kelsey Ufholz et Daksh Bhargava, « A Review of Telemedicine Interventions for Weight Loss », Current Cardiovascular Risk Reports, n° 15, 15 juillet 2021.
4. Elizabeth M. Venditti, et al., « Group Lifestyle Phone Maintenance for Weight, Health, and Physical Function in Adults Aged 65–80 Years : A Randomized Clinical Trial », The Journals of Gerontology : Series A, n° 76, février 2021.
5. Michael G. Perri et al., « Effect of telehealth extended Care for Maintenance of weight loss in rural US communities : a randomized clinical trial », JAMA Netw Open, 15 juin 2020.