INTERVIEW
Innocent Makoumbou
Secrétaire Exécutif de la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale
Vous êtes Secrétaire Général de la CIPRES (Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale), pouvez-vous nous présenter son histoire, son rôle et ses objectifs ?
La CIPRES a été créée à l’initiative des Ministres des Finances des 14 pays de la Zone Franc, de l’Afrique Centrale et de l’Ouest, afin de remédier à la situation de tension de trésorerie persistante, qui s’aggravait au sein des organismes de sécurité sociale de ces pays, qui les rendaient dans l’incapacité de pouvoir assurer régulièrement leur mission de service public, notamment, le paiement des prestations sociales.
Ainsi, il a été mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir à la création d’un Organisme de contrôle et d’appui technique aux Caisses Africaines de Prévoyance Sociale, lors de leurs réunions tenues respectivement en avril 1991 à Ouagadougou (Burkina Faso) et en septembre 1991 à Paris.
Plusieurs réunions furent organisées en France et en Afrique, avec l’appui de la France (Ministère de la Coopération, Trésor, Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), Centre National d’études Supérieures de Sécurité Sociale (CNESS) et des institutions régionales et internationales telles que le Bureau International du Travail (BIT), l’Association Internationale de la Sécurité Sociale (AISS), les Banques Centrales (BCEAO, BEAC), de la Banque Mondiale, qui ont abouti à la création de cet organe.
Le Traité instituant une Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES) a été signé le 21 septembre 1993, à Abidjan, conjointement par les Ministres des Finances et ceux en charge de la Prévoyance Sociale.
De 14 pays à l’origine, la CIPRES compte actuellement 17 états membres : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Centrafrique, l’Union des Comores, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Madagascar, Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo.
La CIPRES qui compte actuellement plus de 24 organismes dans son portefeuille, a pour rôle d’assurer la surveillance et le contrôle de la gestion des organismes des états membres, afin de prévenir les risques de déséquilibre financier et garantir la pérennité des régimes.
Après plusieurs années de fonctionnement au service de la protection sociale dans l’espace CIPRES, il a été procédé à une réforme en profondeur des statuts, à la suite d’un audit institutionnel.
Les nouveaux textes ainsi élaborés ont été adoptés par le Conseil des Ministres de tutelle de la prévoyance sociale, le 14 février 2014 à Abidjan en Côte d’Ivoire, avec des nouveaux objectifs assignés, notamment de promotion et développement de la protection sociale au sein de la zone CIPRES.
Depuis sa création, la CIPRES a réalisé plusieurs missions d’audit général et de contrôles thématiques des organismes des états membres.
Par ailleurs, dans le cadre de la fixation des règles communes de gestion propres à l’ensemble des organismes des états membres, plusieurs textes ont été élaborés et mis en application. Il s’agit notamment :
• le plan comptable de référence CIPRES : annexé au Traité de la CIPRES ;
• les ratios de performance ou indicateurs de gestion.
Au plan de l’harmonisation des législations et règlementations applicables aux régimes ou organismes des états membres, la CIPRES a élaboré de nombreux textes notamment :
• les recommandations 22 et 25 portant respectivement sur le cadre juridique et institutionnel des organismes et sur la gestion technique des branches gérés par les organismes (prestations familiales, prestations de vieillesse, d’invalidité et de décès, les risques professionnels) ;
• la Convention Multilatérale de Sécurité sociale adoptée en 2006, qui régit les droits acquis et en cours d’acquisition des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale, dans la zone CIPRES.
Comment analysez-vous la situation des organismes de prévoyance sur le continent africain ?
Après les missions d’audit général de contrôles thématiques par les cadres africains des états membres et la mise en œuvre des recommandations issues de ces missions, des efforts importants ont été réalisés, qui ont abouti à une amélioration progressive de la situation financière des organismes et au retour à l’équilibre financier des régimes.
Certes des efforts restent encore à accomplir, mais on peut constater actuellement que des progrès énormes ont été réalisés en matière de gouvernance des organismes, qui ont permis de sortir de la zone critique.
D’ailleurs, plusieurs organismes de la zone CIPRES sont l’objet ces dernières années, des récompenses de la part des institutions internationales telles que l’AISS et autres, en reconnaissance de leurs mérites dans la gestion et la mise en place des bonnes pratiques dans divers domaines.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur l’efficacité et la pertinence des différents modèles mutualistes sur le continent africain?
Concernant les mutuelles, la CIPRES n’intègre pas la gestion des mutuelles dans son domaine de contrôle. Toutefois, la CIPRES accueille favorablement la création des différents modèles mutualistes en particulier de santé, qui prennent corps dans la région africaine, singulièrement, dans la zone UEMOA (Afrique de l’Ouest) ; car, ce sont sans doute des acteurs importants dans le domaine de la protection sociale des populations.
Cependant, n’étant pas impliquée dans leur gestion, la CIPRES ne saurait donner un avis sur leur efficacité.