Tribune
Par
Abdelaziz Alaoui
Président de la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine (CMIM)
L’épreuve de la pandémie de la Covid-19, dont les stigmates sont encore fort présents, a été une occasion de plus de prouver la résilience du Maroc. En effet, nonobstant les répercussions sanitaires de la pandémie, les aspects de la vie économique et sociale ont été menés à rude épreuve, mettant en exergue la fragilité des ménages face aux dépenses de la santé, souvent non prévues et surtout pesant lourdement sur le budget des familles.
Et c’est en réponse à ces défis économiques et sociaux que le Maroc a lancé une véritable révolution, celle de la Protection sociale, notamment la généralisation de la couverture sanitaire universelle (CSU). Initiée par notre souverain, avec une vision à très long terme, la Protection sociale au Maroc est un continuum d’une démarche menée depuis des années, notamment par la mise en place du Régime d’assistance médicale pour les économiquement défavorisés (RAMED) en 2012, qui a été un premier pas vers une couverture plus large, en fournissant des soins gratuits aux plus vulnérables.
Abordant une approche progressive et concertée, visant à garantir un accès équitable et durable aux soins de santé pour l’ensemble de la population, la généralisation de la CSU au Maroc s’est imposée pour consolider les acquis et relever les défis persistants en termes de financement, de gouvernance et de qualité des services.
Ainsi, pour mener ce projet de la Protection sociale, en général et de la généralisation de la CSU en particulier, le Maroc a opté pour une approche holistique où tous les intervenants sont mis à contribution, notamment dans le cadre du Nouveau modèle de développement (NMD) et de la loi-cadre n° 09.21. Plusieurs réformes ont été mises en place, à commencer par l’intégration de l’ensemble de la population dans le régime général de couverture santé. Cela a impliqué la mise en place d’une législation sans précédent, incluant les travailleurs indépendants et les professions libérales, et surtout uniformisant le système pour tous, travailleurs du secteur public et du secteur privé.
Sur un autre volet, la généralisation de la CSU a assurément augmenté les demandes de soins, auxquelles le système de santé devait non seulement répondre favorablement, mais aussi avec un niveau de qualité élevé, en desservant l’ensemble du territoire marocain.
Ainsi, on a assisté à la création de la Haute Autorité de santé, prévue pour améliorer la gouvernance et la régulation du système de santé. Cette institution a pour mission de superviser l’application des réformes et d’assurer la qualité des services de santé. Qualité qui passe forcément par un fort investissement dans les ressources humaines du secteur de la santé, une réorganisation du parcours de soins et la digitalisation du système de santé.
Dans un esprit d’équité d’accès aux soins, notamment pour les populations les plus vulnérables, un « panier de soins évolutif » est en train d’être élaboré pour répondre favorablement aux besoins de la population.
La réforme de santé englobe également un effort indéniable de prévention et d’éducation à la santé, pour renforcer la résilience du système face aux crises sanitaires et promouvoir une meilleure santé. En somme, la réforme du système de santé au Maroc, en lien avec la généralisation de la CSU, représente un effort ambitieux pour recréer le paysage sanitaire du pays, tout en s’alignant sur les objectifs de développement durable.
En totale adéquation avec le nouveau Modèle de développement (NMD), lancé en 2020, plusieurs mesures ont été entreprises pour renforcer les capacités du système de santé, notamment :
– Un budget, alloué à la santé, augmenté de 30 % entre 2021 et 2022, pour atteindre 7 % du PIB d’ici 2025.
– La construction et la rénovation d’infrastructures hospitalières, en visant à établir un Centre hospitalier universitaire dans chacune des 12 régions.
– L’amélioration de la gouvernance et de la régulation du système de santé.
– Renforcement du rôle du Conseil national de la santé, instance de concertation et de dialogue.
– Développement de l’offre de soins, notamment les soins de santé primaires avec la construction de 3 000 nouvelles unités de proximité d’ici 2026.
– Modernisation et mise à niveau des hôpitaux publics avec un investissement sur 5 ans de 23 milliards de dirhams (2,1 milliards d’euros).
– Augmentation du nombre d’étudiants en médecine et en sciences infirmières de 30 % entre 2021 et 2022.
– Amélioration des conditions de travail et de la rémunération des personnels de santé.
– Formation continue et développement des compétences.
Cet élan d’engagement et de solidarité envers le peuple marocain, initié par notre souverain et mis en place par le gouvernement, ne saurait être sans l’engagement total et inconditionnel des acteurs privés et de la société civile, notamment à travers le partenariat public-privé (PPP).
Nous ne pouvons nier que le secteur privé des soins joue un rôle complémentaire et novateur dans la réforme du système de santé marocain. Le secteur privé de santé apporte une offre de soins plus étoffée et de qualité, ce qui permet de non seulement participer aux soins, mais aussi d’y faciliter l’accès par un déploiement géographique, à travers tout le royaume. Il supplée ainsi au système de santé publique, et surtout permet de l’alléger en désengorgeant les listes d’attente.
En effet, ce partenariat est une aubaine pour la réforme du système de santé. En mobilisant des ressources financières pour la construction et la rénovation d’infrastructures hospitalières et de santé publique, le secteur privé participe fortement à la mise en place des capacités nécessaires pour répondre aux besoins de la population, tout en favorisant l’accès aux soins sur tout le territoire marocain.
Le secteur privé met aussi à contribution son expertise pour faciliter l’accès aux soins et pour améliorer la gestion des services de santé, optimisant ainsi les processus de soins et augmentant la performance des établissements de soins, et contribue favorablement à la professionnalisation du système de santé national. Il faut aussi relever que ce PPP a été jusqu’à confier certaines missions de gestion et d’exploitation des services de santé au secteur privé. Cela permet de bénéficier de l’expertise du secteur privé, tout en garantissant un cadre de régulation par l’État.
En créant un cadre incitatif et sécurisé pour l’investissement privé dans le secteur de la santé, les PPP permettent de mobiliser des ressources complémentaires aux financements publics. Cela favorise l’innovation et l’émergence de solutions adaptées aux besoins locaux. En somme, le PPP est un outil pertinent pour accompagner la réforme du système de santé marocain dans le cadre de la généralisation de la CSU. En combinant les atouts des secteurs public et privé, il contribue à améliorer l’accès, la qualité et la durabilité des services de santé offerts à la population.
Enfin, le secteur privé de santé participe à l’effort de formation des professionnels de santé à travers des programmes de stages, la formation continue, et aussi dans le domaine de la prévention et de la recherche scientifique, leviers de souveraineté médicale.
À ce titre, il convient de rappeler la place accordée à la recherche scientifique, axe prioritaire de la réforme du système de santé marocain. Notamment à travers les programmes de prévention et de promotion de la santé, ciblant les principaux déterminants de santé (alimentation, activité physique, tabac, etc.), des incitations fiscales et financières pour encourager la recherche et l’innovation dans le domaine de la santé et un plan d’encouragement de la recherche en pharmacologie et dans l’industrie pharmaceutique nationale est en cours d’élaboration.
Depuis la pandémie de la Covid-19, le Maroc ne cesse de renforcer son positionnement dans l’économie du savoir et de la recherche scientifique. Cette orientation émane d’une efficience à développer des solutions aux défis sanitaires, mais aussi économiques et sociaux.
En adoptant la loi-cadre 51-17, le Maroc affiche son ambition d’intégrer la recherche dans le système éducatif et à promouvoir son développement. Cette intégration annonce forcément l’amélioration des infrastructures de recherche, un soutien aux efforts de recherche et de renforcer la coopération entre les différentes institutions.
Il en est de même de l’Intelligence artificielle (IA) qui est de plus en plus intégrée au Maroc de manière générale et dans le système de santé en particulier, où elle joue un rôle clé dans le diagnostic, le suivi des patients et la gestion des données de santé, facilitant ainsi l’accès aux soins et la personnalisation des traitements.
L’IA est également utilisée pour soutenir la recherche scientifique, en permettant l’analyse de grandes quantités de données et en facilitant la modélisation de scénarios complexes. Cela ouvre des perspectives pour des recherches plus approfondies et des innovations dans le domaine de la santé.
L’objectif est de renforcer la souveraineté sanitaire du Maroc en développant des solutions adaptées aux besoins de la population, en valorisant les compétences et les ressources nationales. Et la recherche scientifique et l’intelligence artificielle sont des leviers stratégiques pour tirer le système de santé vers son amélioration tout en favorisant la généralisation de la CSU.
En conclusion, la généralisation de la CSU au Maroc s’inscrit dans une dynamique de réforme globale du système de santé, portée par une volonté politique forte et un plan d’action ambitieux. Le secteur privé et la recherche scientifique sont des leviers essentiels pour relever ce défi majeur d’équité et de qualité des soins pour tous les citoyens.
Le volet des ressources humaines constitue lui aussi un axe prioritaire de la généralisation de la CSU au Maroc, en reconnaissant la nécessité d’y investir massivement.
En effet, le Maroc a décidé d’investir dans la formation et le recrutement de professionnels de santé, en réponse à la demande croissante en soins. À cet effet, une réforme de la formation initiale des médecins a été adoptée et des mesures de fidélisation et de rétention des professionnels de soins ont été adoptées.
Un point d’honneur a aussi été mis sur la formation continue pour faire accéder les professionnels de santé à un savoir plus pointu et surtout en constante mouvance liée à l’évolution des pratiques de soins et la révolution de l’IA.
En parallèle, des mesures de valorisation et de reconnaissance des professionnels de santé ont été adoptées pour leur offrir de meilleures conditions de travail, des incitations financières et une reconnaissance des compétences et des contributions des professionnels de santé dans le cadre de la CSU.
Bien que le projet de la généralisation de la CSU au Maroc ait été activé et mis en place avec une feuille de route très courte, ses ambitions touchent plusieurs domaines et acteurs. Cette réalisation, à quelques mois de l’échéance de décembre 2025, est une performance qui dénote de la réalisation des systèmes qui y contribuent, de l’approche globale et inclusive dans laquelle elle s’inscrit, et surtout de l’esprit solidaire et engagé d’un peuple qui aspire à son épanouissement.
Il est indéniable que les impacts de ce projet sont importants et nécessitent de faire face à plusieurs défis, identifiés ou à venir. Toutefois, sous l’égide d’un roi visionnaire, avec la résilience et la solidarité de toutes les sphères, économiques, sociales et politiques, le projet de la généralisation de la CSU s’inscrit dans la voix de la performance sans rien lâcher à l’humain et au social.