Tribune
Stéphane PARDOUX
Directeur Général de l’ANAP
La perception de la performance d’un système de santé n’est définitivement plus la même qu’il y a 15 ans : l’ensemble du secteur s’accorde à dire que la performance doit désormais être multidimensionnelle, globale. Elle doit être organisationnelle, territoriale, sociale, environnementale, numérique… et in fine, économique. L’approche financière n’est plus et ne doit plus être le point d’entrée de notre système de santé, mais une résultante, un objectif vers lequel tendre.
Il y a, en réalité, deux manières d’appréhender cette performance globale.
La première, en aval, consiste à évaluer la performance d’un établissement de santé ou médico-social. La stabilité financière d’un établissement de santé suffit-elle à considérer qu’il est performant ? L’analyse strictement économique est-elle satisfaisante pour s’assurer de la bonne prise en charge d’un patient ou d’un usager ? Un budget au vert garantit-il réellement un meilleur fonctionnement systémique ? à l’Anap, nous considérons que de nombreux autres leviers doivent être pris en compte dans l’évaluation de la performance d’un établissement sanitaire ou médico-social. L’organisation interne, la politique d’attractivité, les avancées en termes de développement durable, la qualité des parcours de soins, et un usage habile du numérique doivent faire partie de l’évaluation de la performance d’un établissement.
Cette performance globale peut également être pensée en amont, comme facteur d’explication et d’amélioration du système de santé. Longtemps pensée comme « le nerf de la guerre », l’augmentation du budget d’un établissement ne peut, en aucun cas, résoudre tous ses problèmes structurels et organisationnels. Pour être plus performant, il faut activer tous les leviers possibles, en s’appuyant notamment sur les avancées technologiques : gestion des flux et des approvisionnements, simplification du parcours administratif du patient, etc.,
Au cœur de nos hôpitaux, l’IA devient une promesse
Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle, qui trouve une place bien particulière en santé. L’IA ouvre des possibilités infinies à tous les métiers et toutes les activités de la santé. Il existe désormais des logiciels de prédiction des capacités hospitalières à travers l’analyse des flux de passage aux urgences, d’occupation des lits, des risques de complication et de réhospitalisation. En parallèle, les technologies d’IA permettent d’automatiser les tâches administratives : codification des actes médicaux avant facturation : vérification d’une pièce d’identité en préadmission, traitement des factures… autant de missions répétitives mais essentielles au quotidien d’un hôpital. Leur automatisation permet de libérer du temps pour remobiliser les professionnels au cœur de leurs missions : le soin et l’accompagnement.
Le développement durable, d’une préoccupation lointaine à un facteur de performance
à court terme, les dirigeants des structures ont des sujets d’urgence immédiate à régler et la question de l’empreinte carbone peut leur sembler être une préoccupation lointaine, au-delà des nombreuses obligations réglementaires qui s’appliquent au secteur de la santé. Or, le développement durable pourrait – et devrait – être pensé comme un levier de management et un projet fédérateur pour les établissements. Réduire son empreinte environnementale, c’est mettre en cohérence le fonctionnement de l’établissement avec sa mission d’intérêt général et améliorer le service rendu aux patients et aux usagers. Par ailleurs, une démarche RSE constitue un véritable avantage concurrentiel pour se distinguer des autres acteurs de soins. Améliorer sa performance environnementale, c’est également implanter son établissement favorablement dans son territoire d’accueil en privilégiant les circuits courts, en réduisant l’impact sonore (véhicules électriques), en adoptant une gestion durable des déchets…
Fidélisation et attractivité de nos talents, un enjeu de taille pour l’avenir du secteur
Enfin, pour améliorer le système de santé, il faut miser sur nos professionnels et développer une véritable stratégie de ressources humaines qui réponde aux enjeux d’attractivité et de fidélisation et anticipe les évolutions des métiers. Une gestion optimale des talents s’avère d’autant plus nécessaire dans un contexte de tensions tel que le connaît le secteur. Il est indispensable d’encourager la créativité et l’engagement des équipes à travers de nouvelles dynamiques managériales. L’intelligence collective et le management collaboratif sont des leviers de performance pour les établissements qui, en répondant aux aspirations de leurs professionnels, favorisent leur engagement et améliorent la prise en charge des patients.
Même s’il reste bien spécifique, le domaine de la santé a tout à gagner à ouvrir ses œillères et à s’inspirer des autres secteurs pour se nourrir des bonnes pratiques managériales, environnementales, numériques qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs. Nous avons beaucoup à apprendre des autres : du système logistique perfectionné de la grande distribution à la transformation numérique réussie du secteur bancaire, lui aussi fortement réglementé.
Notre secteur a plus que jamais besoin de s’ouvrir et de se renouveler au bénéfice des professionnels et des usagers. L’Université d’été de l’Anap, qui aura lieu le 30 juin, sera une occasion d’interagir avec des intellectuels, innovateurs et professionnels de tous les horizons pour évoquer les enjeux stratégiques de la performance en santé.