Tribune

Si le développement de la prévention constituera demain l’un des piliers de notre système de santé, les aides-soignants y contribueront de manière essentielle

Pierre Thépot & Marine Lys

Directeur Général du Groupe Hospitalier Littoral Atlantique & Aide-Soignante dans un service de chirurgie au Centre Hospitalier de la Rochelle

Dans cet article sur la contribution d’un Groupe hospitalier à la politique de prévention, plusieurs actions pourraient être développées :

• Souligner l’action majeure de nos unités d’éducation thérapeutique.

• Donner la parole à notre équipe territoriale de santé publique – dont l’action d’accompagnement et de coordination (notamment avec nos outils digitaux de télésuivi) – est exemplaire.

• Évoquer enfin la mise en place d’un camion de santé publique qui sillonnera bientôt les routes de notre vaste territoire de santé…

J’ai plutôt choisi de mettre en lumière ces femmes et ces hommes qui, par leur action quotidienne, auprès des patients et des résidents, sont des acteurs essentiels de la prévention ; tout en restant hélas invisibles dans les publications sur ce sujet. Cet article est donc écrit à deux mains, avec Marine Lys, une aide-soignante du Groupe Hospitalier Littoral Atlantique ; engagée dans le « prendre soin » et dans la Recherche paramédicale ; qui va évoquer quelques exemples d’actions de prévention issues de sa pratique au quotidien.

« … Dans l’ombre de certaines idées précon- çues, l’aide-soignant agit bien au-delà d’un quotidien rythmé de soins de nursing auprès des patients. Il est doté de connaissances théoriques, de capacités relationnelles et de qualités d’adaptation en fonction des services ou secteurs dans lequel il exerce. Ce qui l’amène, de façon souvent invisible, à être un acteur à part entière de la prévention. Notamment afin d’éviter l’apparition, le développement ou l’aggravation de maladies ou d’incapacités des patients. Il est alors questions de préventions dans toutes ses composantes.

À chaque stade de la prévention et en fonction du service dans lequel il exerce, la place de l’aide-soignant est précieuse.

C’est tout d’abord, dans le rôle dans lequel nous le connaissons le mieux. L’anticipation de l’altération de l’état cutané. À domicile, au sein des institutions de long séjour… L’aide-soignant évalue et est acteur de la prévention de ce risque. Il agit par exemple dans la commande, la mise en place d’un matelas à air pour le patient. Il s’agit aussi d’installer une relation de confiance, pour déposer ses mains sur un corps inconnu. Effleurer son corps, ses points d’appui, l’ai- der à changer de position quand il ne peut plus le faire seul. Veiller à son bien-être. La relation soignant-soigné prend tout son sens ici.

Être aide-soignant, c’est aussi avoir un grand sens de l’observation et du ressenti. Il est six heures du matin dans un service de chirurgie, le moment des transmissions entre équipes, un patient sonne. Pour se rendre simplement aux toilettes. En réalité, je l’aperçois fatigué avec un teint blafard. Il est coutume à cette heure-là de rapidement regagner le changement d’équipes. Malgré l’absence de signes cliniques clairs, je rentre pour prendre ses constantes. Le patient perd connaissance. La situation devient une urgence vitale. Donner l’alerte, observer, vérifier les signes vitaux, le scoper, sans oublier de lui parler… Mise en place d’une oxygénation, aspiration… Autant de gestes qui sauvent, effectués dans l’ombre par l’aide-soignant, en lien avec son binôme infirmier.

En soins d’urgence, c’est également développer beaucoup de connaissances concernant les pathologies, les signes vitaux et savoir les décrypter. C’est, par exemple, le cas en réanimation, où les connaissances précises du patient lui permettent ainsi de repérer une modification des fonctions vitales. Parmi beaucoup de tâches à effectuer, un regard régulier vers les scopes lui permet d’analyser l’urgence de la situation qui se profile et d’anticiper le matériel dont le réanimateur aura besoin. Dans la prévention et l’organisation du champ d’intervention, l’aide-soignant agit et réfléchit de façon responsable dans ces gestes qui lui sont propres.

Enfin, une dernière forme de prévention par- mi d’autres, que rencontrent les aides-soignants : la perspective du retour à la maison, après une perte d’autonomie d’un patient. L’engagement pris par ces professionnels dans la rééducation et la réhabilitation. C’est utiliser de longues minutes, pour soutenir, aider, encourager, au lieu de faire à la place. Il s’agit d’aider ce patient, après de longs jours d’alitement, à retrouver son corps pour l’aider à mieux vivre la suite de sa vie après la phase aiguë. Pour commencer un bord de lit, lui faire ressentir la sensation de la verticalisation. L’aider à prendre appui pour s’installer dans un fauteuil. La marche, aujourd’hui, c’est trop difficile. Essayer, réi- térer, encore et encore… Il n’y a pas d’échec, uniquement de petites victoires jours après jours. Demain, ce sera ce premier pas, puis le second. Jusqu’au jour où ce patient arrive seul avec son déambulateur jusqu’à la porte de la chambre. Un échange de regards, de sourires avec ce lien indescriptible qui s’est créé entre eux… ».

L’aide-soignant est souvent nommé « premier maillon de la chaîne ». La réalité de cette fonction ne se réduit pas à cela. Le Groupe Hospitalier Littoral Atlantique a l’ambition de leur accorder une place de choix, car ils jouent un rôle essentiel ; notamment en termes de prévention.

Au sein du Groupe Hospitalier, nous préférons promouvoir à leur égard une juste reconnaissance de l’évolution de leurs pratiques au service de la prévention que de lutter contre ce que certains corporatismes qualifient de glissements tâches.

Cela se traduit notamment au travers de leur intégration au sein de la Commission des soins in- firmiers et de rééducation médicotechnique ainsi qu’à la Commission de la recherche paramédicale du groupe hospitalier.

Si le développement de la prévention constituera demain l’un des piliers de notre système de santé, les aides-soignants y contribueront de manière essentielle.