Le Général Robert Rideau
Ancien Président de la FSALE et membre de l’AALED
Quarante années sous l’uniforme et une vingtaine d’années d’exercice de responsabilités au sein du monde combattant (Fédération des sociétés des anciens de la Légion étrangère et Fédération A. Maginot) me donnent un certain recul sur la Protection sociale telle qu’elle est vécue et pratiquée au sein de l’institution Défense.
Il est indéniable que la Protection sociale a pris une dimension nouvelle avec la professionnalisation des armées. À cela plusieurs raisons, non nécessairement liées, qui procèdent pour l’essentiel de la prise de conscience que le métier de soldat n’est pas un métier comme les autres. Il comporte contraintes, exigences et sujétions hors du commun :
• une exigence de disponibilité, qui tranche singulièrement avec ce qui est observé par ailleurs ;
• un impératif de jeunesse pour son exercice avec pour corollaire des carrières courtes pour le plus grand nombre et l’impérieuse nécessité de se préparer à une deuxième carrière ;
• un taux de renouvellement important (14 000 personnels par an pour la seule armée de Terre) qu’il faut maîtriser par une fidélisation à l’institution qui passe pour partie par une amélioration des conditions sociales, une prise en considération plus affirmée de la cellule familiale qui, contrairement à ce qui était le cas par le passé, ne saurait être considérée comme « partie intégrante du paquetage » ;
• une prise de risques physiques et psychologiques maîtrisée et assumée qui contraste singulièrement avec ce que l’on observe dans le reste de la société où le principe de précaution et le déni de la mort sont de règle.
Toutes ces raisons ont plaidé pour la mise en place d’un filet social spécifique au métier des armes. Il convient de noter que cette exigence toute naturelle de Protection sociale existait déjà dans les unités professionnelles d’avant 1996. Qu’elles aient fait école, c’est heureux. Le « Plan famille », sorti en 2018, sous le timbre de la ministre des Armées, s’en ait vraisemblablement inspiré faisant aussi suite à certaines recommandations du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM). Cependant, si ce premier filet de protection tout de proximité est nécessaire et traduit la considération en laquelle la Nation tient ses soldats, il serait notoirement insuffisant s’il n’était consolidé par une offre spécifique de mutuelles de santé, de produits de prévoyance voire de retraites complémentaires qui ont toutes pour dénominateur commun affiché la solidarité des membres d’une même communauté, celle de la Défense. À cela s’ajoute le tissu associatif, héritage de celui né durant l’entre-deux-guerres qui apporte à ses adhérents, au sortir de l’institution et sur la base de la solidarité d’armes, un indispensable complément (information et aides diverses notamment).
Ce dispositif serait satisfaisant s’il était un tant soit peu ordonné. Or, il n’en est rien. Tenter d’y voir clair relève d’un exercice de haute école. Les organismes officiels, ceux qui sont indépendants, référencés ou non, les associations partenaires ou non constituent une nébuleuse. Les alliances, certes nécessaires, nouées entre eux tout comme la nature des offres proposées parfois fort éloignées de leur raison sociale d’origine contribuent à opacifier l’ensemble. Enfin, pour une raison difficilement compréhensible, il existe des zones blanches de l’information sur tel ou tel produit que les « non-sachants » découvrent souvent au hasard d’une conversation.
Quelles pistes conviendrait-il d’explorer afin d’améliorer cette Protection sociale ? Assurément, poursuivre les fusions par domaine, à l’instar de ce qui a été réalisé par TEGO et UNEO, une nécessité en raison des effectifs contraints de la population des armées. Mais aussi faire en sorte qu’il y ait une forme de « retour sur investissement » collectif, qui pourrait prendre la forme d’un fonds (ou équivalent) alimenté par les dons des différents acteurs de la Protection sociale précédemment évoqués et dont le produit serait dédié à la communauté de Défense pour le financement d’actions collectives. Il est à noter que certaines initiatives vont déjà dans ce sens, mais en ordre dispersé, à l’évidence elles gagneraient à être mutualisées.