Tribune
Michel Picon
Président de l’UNAPL
Dans un contexte économique et politique instable, avec des tensions de recrutement importantes et des mutations sociétales et technologiques majeures, il est primordial de préserver un dialogue social de qualité pour accompagner et protéger employeurs et salariés.
En 2023, le dialogue social entre représentants de salariés et du patronat a été particulièrement productif. Alors que les instances parlementaires et l’ensemble des institutions françaises font face à une crise démocratique importante et inquiétante, et que le climat social demeure électrique, la qualité du dialogue social en France tend à nous rassurer. En témoigne la signature de quatre Accords nationaux interprofessionnels (ANI) au cours de l’année dernière, qui en dit long sur la capacité des partenaires sociaux à échanger, négocier et arriver à des compromis.
L’UNAPL, par l’intermédiaire de l’U2P, est signataire des quatre accords. Le premier ANI, signé en février, porte sur le partage de la valeur. Ce sujet est prioritaire pour l’UNAPL, car nous encourageons le partage de la valeur dans les TPE libérales. C’est un levier majeur d’attractivité et un marqueur de progrès social dont notre secteur ne peut se passer. Ce texte, qui a depuis été transposé dans une loi définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 22 novembre dernier, comporte pour l’UNAPL les garanties attendues pour les très petites entreprises (TPE de moins de 11 salariés) dont la grande majorité des professionnels libéraux fait partie. Pour les entreprises libérales, le recours aux dispositifs de partage de la valeur existants (épargne salariale, intéressement, participation, …) est ainsi encouragé et généralisé sans imposer de contraintes supplémentaires.
Un second ANI, qui s’inscrit dans le prolongement de l’accord santé au travail signé en 2021, porte sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT/MP) et a été signé au mois de mai. Cet accord va permettre d’améliorer la prévention en santé au travail et une meilleure réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cet accord a également renforcé le paritarisme avec une gouvernance équilibrée. La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) de la Cnam va être dotée d’un véritable conseil d’administration géré par les partenaires sociaux interprofessionnels (organisations d’employeurs et de salariés) dans le cadre d’une délégation de gestion de la Cnam et d’une convention d’objectifs et de moyens négociée avec l’État.
Le troisième ANI signé par l’U2P et pour lequel l’UNAPL s’est investie, est relatif à la transition écologique et au dialogue social. Les enjeux environnementaux figurent parmi les sujets incontournables des entreprises d’aujourd’hui, y compris dans les TPE libérales où certaines actions sont menées pour l’environnement. Cet accord, fruit d’une année de négociations, n’entraine pas de nouvelles obligations pour les entreprises mais fixe un certain nombre de bonnes pratiques environnementales, que cela soit en termes de ressources humaines, d’organisation et de production, de labélisation ou de gouvernance.
Enfin, le quatrième accord porte sur l’Assurance chômage, signé par 6 organisations au mois de novembre et module les règles de la convention d’assurances chômage. Il diminue notamment la contribution des entreprises. Contrairement à la précédente négociation de 2018, qui s’était terminée par un échec et un décret de carence, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, donnant ainsi la main au gouvernement pour 5 ans.
La reprise des discussions avec les partenaires sociaux en 2023, après une période cristallisée par la réforme des retraites, est à saluer pour l’UNAPL, qui est attachée aux valeurs de dialogue social. L’UNAPL partage avec l’U2P dont elle occupe la 1ère vice-présidence, la satisfaction d’être parvenue, avec les partenaires sociaux et malgré un climat social tendu, à la signature de ces trois accords.
L’UNAPL est également fière de voir que le dialogue social s’infuse aussi dans les territoires. Un nouvel avenant à l’accord professionnel détaillant les modalités de fonctionnement des Commissions paritaires régionales des professions libérales (CPR-PL) a été signé le 17 juillet dernier par l’ensemble des organisations syndicales de salariés et professionnelles d’employeurs représentatives dans le secteur des professions libérales. L’objectif ? Sécuriser l’avenir de ces structures et relancer le dialogue social dans les entreprises libérales. Les CPR-PL permettent d’offrir aux TPE libérales un espace de dialogue social sur des sujets transversaux comme l’emploi, la formation, les conditions de travail ou encore la santé au travail. Cette traduction du dialogue social en région est indispensable pour l’attractivité des TPE libérales.
Ces satisfactions et avancées ne doivent cependant pas occulter les freins qui subsistent pour les TPE à avoir la place qu’elles méritent au sein du modèle social français. La mesure actuelle de la représentativité des organisations professionnelles fait que la négociation est aujourd’hui monopolisée par les grandes entreprises. Les problématiques des TPE, qui ont des spécificités, doivent également être prises en compte dans les différentes réformes et transformations. L’UNAPL et l’U2P ont alerté à plusieurs reprises la Première ministre Elisabeth Borne sur ce point. Les conclusions de la mission flash confiée aux députés Didier Le Gac et Hadrien Clouet sur ce sujet, rendues en juillet, ont confirmé la nécessité de faire évoluer les règles afin de donner aux représentants des petites entreprises une place plus juste dans la négociation collective. Le Gouvernement, s’il veut préserver un dialogue social constructif et équilibré devra se saisir de cette problématique majeure.