DOSSIER
Dossier réalisé avec la participation amicale du CNEH
La constitution des GHT, une réforme pourquoi faire à bas bruits mais bien réelle.
En 2015, la consommation de soins et biens médicaux atteignait 194,6 milliards d’euros. 90,8 milliards d’euros étaient consacrés aux dépenses hospitalières (70,1 pour le secteur public et 20,7 pour le secteur privé). Ces dépenses représentent près de 47 % de la consommation totale de soins médicaux. Les dépenses du seul secteur public hospitalier, quant à elles, représentent 36% de cette consommation totale.
Le secteur public hospitalier avec près de 1000 structures hospitalières publiques, dotées chacune d’une pleine autonomie juridique en qualité d’établissement public, la France présente un ratio nombre d’établissements / nombre d’habitants très élevé en Europe.
En France l’offre de soins en matière de plateaux techniques est trop dispersée avec une hospitalisation complète vraisemblablement surdimensionnée pour faire face aux besoins réels de la population française puisque le taux d’occupation moyen est de 70% en France alors que la moyenne de l’OCDE est de 80%, celui de l’Allemagne est de 80%, de l’Angleterre de 82% et de la Suisse de 90%. L’Angleterre possède 2.8 lits d’hospitalisation pour 1000 habitants alors que la France en compte 6.2 lits pour 1000 habitants en 2012. Le bon sens voudrait que l’on restructure l’offre de soins en fonction des besoins réels de la population et de l’évolution du progrès médical. La nécessité s’impose à tout le monde de regrouper les plateaux techniques. Le maintien de petites structures dispersées, peu performantes est souvent responsable d’une inégalité d’accès aux soins. En effet les patients modestes qui n’ont pas les moyens de se déplacer, seront pris en charge dans ces structures où la qualité des soins n’est pas garantie. Une étude française publiée récemment dans une revue internationale montre qu’il y a encore des équipes chirurgicales qui opèrent moins de 10 cancers du poumon par an avec un risque de décès en postopératoire multiplié par 1.5.
Le nombre de plateaux techniques est trop important en France en regard des besoins réels de la population. Ils obligent de maintenir du personnel soignant et des médecins qui sont parfois sous utilisés. Pour certains établissements, cela passe par le recrutement des fameux médecins mercenaires qui coutent une fortune à l’établissement. L’autre effet pervers peu évoqué, c’est le sentiment d’isolement de certains praticiens responsable d’une démotivation pour leur métier
Depuis 20 ans donc, la recomposition voire la rationalisation de l’offre publique de soins a été une préoccupation constante de tous les gouvernements successifs. Elle a pu prendre différentes formes, selon des modèles de plus en plus intégrés.
Depuis l’une des ordonnances « Juppé » du 24 avril 1996, l’hôpital public a connu de profondes mutations :
• Régionalisation de la gouvernance de l’offre de soins avec la création en 1996 des Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH) devenues en 2009 les Agences Régionales de Santé (ARS) ;
• Introduction de la tarification à l’activité qui s’est substituée à un financement par dotation globale ;
• Développement d’une culture qualité et gestion des risques ;
• Evolution des modes de gouvernance des établissements publics que sont les hôpitaux publics.
Ces évolutions ont permis d’engager une adaptation du système hospitalier français aux contraintes économiques du pays et aux modifications intervenues dans les modes de prise en charge des patients, à l’aune par exemple de l’activité ambulatoire.
Aujourd’hui, plusieurs axes doivent permettre de poursuivre cette adaptation voire d’opérer une transformation du système hospitalier. Parmi ceux-ci figure une vision territoriale nouvelle de l’organisation hospitalière.
Depuis 20 ans, transcendant les alternances politiques, 3 textes (ordonnance du 24 avril 1996, loi Hôpital, patients, santé et territoire dite « loi HPST » du 21 juillet 2009 et loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016) ont porté l’objectif d’une réforme territoriale de l’offre hospitalière publique.
Aux 3 textes précédemment relevés ont correspondu des dispositions législatives puis règlementaires de recomposition / rationalisation de l’offre publique de soins :
• 1996 : création des communautés d’établissements de santé (abrogé en 2009) ;
• 2009 : création des communautés hospitalière de territoire (abrogé en 2016) ;
• 2016 : création des groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui constitue le dispositif aujourd’hui en vigueur de recomposition / rationalisation de l’offre publique de soins.
Près d’un an après l’entrée en vigueur du dispositif, l’on constate qu’il s’agit d’une recomposition / rationalisation à bas bruits (en tout cas pour l’opinion publique) du tissu hospitalier public. A bas bruits, mais bien réelle.
Tout en respectant l’autonomie juridique de chaque établissement public de santé, ont été constitués depuis 2016, 135 GHT, à savoir … une nouvelle carte hospitalière, avec en germe la recomposition / rationalisation de l’offre publique de soins.
Qu’est-ce qu’un GHT ? Chaque établissement public de santé a l’obligation d’adhérer à un GHT et à un seul. Seuls une vingtaine d’établissements ont obtenu une dérogation. Le dispositif est donc global. L’obligation est effective et sera pleinement opérationnelle le 1er janvier 2018.
Tendanciellement, le GHT s’étend sur un périmètre géographique qui correspond peu ou prou à un département et regroupant en moyenne 8 hôpitaux publics.
Le GHT n’est pas doté de la personnalité morale ce qui le distingue tout à la fois, dans la sphère hospitalière, d’une fusion d’hôpitaux et, hors la sphère hospitalière, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le législateur a entendu compenser cette absence de personnalité morale par la dévolution à l’un des établissements du GHT, le plus important, le caractère d’établissement dit support. Il revient à cet établissement, pour le compte des autres, de mener tout à la fois réflexion stratégique et rationalisations opérationnelles dans des champs définis par le législateur.
Le directeur de l’établissement support est doté de prérogatives nouvelles en particulier par rapport aux autres directeurs d’établissements du GHT afin de disposer des moyens pour l’action.
Surtout, et c’est bien là l’essentiel voulu par le législateur, un projet médical partagé de l’ensemble des établissements constitue le cœur du GHT, en ce sens que ce projet doit structurer l’offre de soins publique dans le périmètre du GHT. A terme, le projet médical du territoire a vocation à recomposer / rationaliser l’offre de soins publique sur ce territoire. L’activité de soins est le cœur de métier des établissements publics de santé, le projet médical partagé est donc le cœur du réacteur GHT. Les projets médicaux partagés doivent être finalisés au courant de cet été 2017.
Un an après leur création, quelles premières interrogations peut-on tirer de la constitution des GHT ? Temps 1 : les GHT ont été créés, il y a un an, à l’été 2016. La volonté de recomposition / rationalisation de l’offre publique de soins a emporté l’adhésion (réelle ou certes quelque peu contrainte) de l’ensemble des acteurs hospitaliers publics. En tout cas, elle a réduit, au moins en apparence, ceux des établissements publics hospitaliers qui se vivaient tels de potentiels villages gaulois. Au moment où les pouvoirs publics vantent les mérites de la nouvelle organisation au niveau des territoires de l’offre hospitalière t comment une bonne idée soumise à la pensée jacobine et dévoyée par les enjeux de pouvoir se transforme en une réorganisation administrative et qui oublie à la fois le malade et les acteurs ?
La DGOS annonce régulièrement des formations spécifiques destinées aux directeurs pour la gestion des GHT appliquant un vieux réflexe pavlovien de l’administration centrale de créer une strate supplémentaire pour un projet qui était censé améliorer le fonctionnement entre les hôpitaux. Nous évoluons inévitablement vers une situation où les contraintes réglementaires vont prendre le pas sur les différents projets médicaux essentiels au bon fonctionnement d’un projet de territoire. La création d’un GHT n’aura aucun effet opérationnel si elle n’obtient pas l’adhésion forte des acteurs concernés et ne répond pas aux besoins des malades.
Le dispositif actuel apparait imparfait dans le sens où il génère une insécurité juridique pour les acteurs. Qui sera responsable de quoi au 1er janvier 2018 ? Cela devrait poser à nouveau, à terme, l’octroi de la personnalité juridique au GHT soit directement, si les esprits sont mûrs, par fusion des établissements (la totalité des membres ne fait plus qu’un) soit indirectement par création d’une structure de type EPCI (la totalité des membres + 1).
Un autre point essentiel : pourquoi avoir exclu les établissements privés des GHT ? Dans de nombreuses villes ils participent activement à l’offre de soins et pratiquent une médecine de qualité. Il est inconvenable de mettre en place une organisation territoriale sans proposer aux établissements privés de participer à cette offre de soins. L’argent du contribuable va continuer de financer des doublons dans la même ville alors que pour les besoins de la population un seul plateau technique serait suffisant.
A aucun moment dans la mise en place des GHT, n’est évoquée la place du médecin généraliste dans la permanence des soins. Le modèle qui est proposé, préfère ne pas modifier les services d’urgence plutôt que de repenser la permanence des soins en mettant au centre le médecin généraliste.
La mise en place des GHT montre que la France souffre de trois maux :
• La défiance : contre la confiance il faut leur donner des marges de liberté ce sont les contrats de pole et la délégation de gestion et l’autonomie hospitalière ;
• La complexité : contre celle-ci il faut simplifier et donc libérer les hôpitaux des règles publiques comme des marchés publics ;
• Les corporatismes : contre ceux-ci il faut libérer des statuts et autoriser les contrats, et ainsi permettre pour les établissements volontaires d’expérimenter des GHT sur des projets innovants en les autorisant à déroger aux règles actuelles. L’attractivité de l’hôpital ne se résume pas uniquement à l’aspect financier mais à la possibilité de pouvoir travailler dans des équipes suffisamment nombreuses et d’accéder à des plateaux de haut technologique par l’intermédiaire des coopérations inter-hospitalières.
Ce que nous proposons. Une démarche contractuelle qui permette aux établissements volontaires d’expérimenter ces nouvelles organisations. La convention constitutive de cet établissement de territoire précisera les modalités juridiques et expérimentera des modalités modernes de gestion.
Une démarche fédérative qui regroupe sans nier la reconnaissance des établissements. Chaque établissement sera représenté au sein des instances de l’établissement de territoire en fonction de la convention constitutive. Cette organisation évitera la création d’une strate administrative supplémentaire.
Une démarche économique qui vise à réduire les frais de gestion des établissements notamment administratifs et logistiques. Les services administrations et logistiques seront fusionnés sous la forme d’un budget de prestations associant le privé.
Une démarche évaluative sera réalisée par l’ARS au bout de deux ans de fonctionnement.