Pierre-Henri Haller
CADRE SUPÉRIEUR DE SANTÉ
KINÉSITHÉRAPEUTE AU PÔLE DE MÉDECINE PHYSIQUE ET DE RÉADAPTATION À L’AP-HM
S’interroger sur l’attractivité de la kinésithérapie hospitalière et la fidélisation des kinésithérapeutes salariés, c’est observer avec distance les paradoxes des statuts et des exercices, de la démographie et du sens au travail, causes et/ou conséquences des manques en établissements de santé.
En 2008, l’Observatoire National des Emplois et des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière avait identifié le kinésithérapeute salarié comme un métier sensible, non seulement du fait des difficultés de recrutement liées aux conditions statutaires, mais aussi et surtout en termes d’évolutions du métier : « l’évolution du niveau de rémunération des masseurs-kinésithérapeutes salariés semble être un facteur important pour l’attractivité des professionnels. Au-delà de cette question de salaire la problématique du recrutement pourrait être fortement influencée par (…) : la capacité des professionnels eux-mêmes à promouvoir et valoriser l’exercice salarial auprès des étudiants en formation initiale et continue, la capacité de la profession à développer une expertise et une qualité des soins kinésithérapiques objectivées par de véritables travaux de recherche ». (…)
L’étude observait par ailleurs que l’exercice en secteur salarié s’inscrivait dans trois évolutions : l’expertise dans des domaines très spécifiques à haute valeur ajoutée, la polyvalence pour répondre à des besoins généra- listes, et l’évaluation, orientation facilitant les parcours de soins. Ces trois évolutions pouvant être concomitantes pour chaque kinésithérapeute hos- pitalier.
La notion d’attractivité est ainsi une question ancienne et indissociable de la question statutaire mais ne peut la résumer. L’attractivité est la propriété physique d’attirance et au figuré ce qui présente un avantage ou un attrait. L’hôpital public, par ses soins d’excellence, par ses dimensions d’enseignement voire de recherche, constitue un mode d’exercice attractif en termes de diversité et de qualité d’activités. Mais si l’hôpital est magnétique et attractif en tant que tel, pourquoi certains hôpitaux le seraient-ils plus que d’autres pour les professionnels ?
Comme indiqué dans la monographie pré-citée, « la problématique du recrutement (des kinésithérapeutes) pourrait être fortement influencée par (…) la capacité des établissements à rendre lisible leurs missions de santé, les valeurs et le sens de ces missions, (… et) la capacité de l’encadrement de proximité à développer une véritable gestion (quotidienne et prévisionnelle) des compétences professionnelles en rééducation (…) ». Ne dit-on pas « on rejoint une entreprise, on quitte un manager ». Les évolutions du rapport au travail ont transformé les carrières et l’attachement aux institutions. Le travail en équipe et la variabilité des pathologies et des technologies constituent un atout de l’exercice salarié, si et seulement si, dans une triade activité – stratégie – performance, l’encadrement invite au sens au travail et à l’autonomie – responsabilisation des acteurs, manage les interactions avec le corps médical, et favorise la qualité de vie au travail et les perspectives d’évolutions professionnelles. Le cadre n’est pas celui qui fait mais celui qui crée les conditions pour que les «choses» se fassent. Pour cela il convoque l’Art de l’Équilibre, entre labeur et bonheur, exigence et bienveillance, confiance et reconnaissance, agilité et fragilité, Je et Nous, innovation et tradition, sens et finances, en absorbant l’incertitude pour diffuser la confiance.
Travailler ensemble ne va pas de soi. Favoriser la fidélisation dans un monde complexe et incertain, nécessite pour l’encadrement de faciliter les collaborations en accompagnant la coordination des activités et la coopération des acteurs. L’altérité au service du soin se construit par l’accompagnement de la connaissance et de la re-connaissance réciproque de ses acteurs. Ainsi l’interprofessionnalité est le pivot de la qualité de vie au travail, du « bien travailler ensemble » car soutenu par les valeurs du « bien vivre ensemble ». Il convient alors de :
• Faire connaître ces richesses aux étudiants ;
• Favoriser des recrutements doubles appétences/ compétences ;
• Soutenir le retour d’intérêt vers le salariat et des mobilités choisies ;
• Valoriser les acteurs par des exercices experts et des pratiques avancées.
« La contribution de chacun est source de valeurs partagées et de sens collectif, terreau fertile de la qualité de vie au travail », dans lequel le professionnel se sent connu et reconnu. Le cadre en est alors le chef d’orchestre dans un concert d’autonomies.