psychiatrie les idées des acteurs
Les entreprises danoises travaillent continuellement pour être à la pointe des nouvelles technologies

Sophie Labrosse & Annette Bertelsen Arbes

Respectivement Senior Adviser Life Sciences à l’Ambassade du Danemark & Chargée des Affaires de Santé à l’Ambassade du Danemark

Le Danemark et la psychiatrie en quelques chiffres clefs

Avec ses environs 5,8 millions d’habitants divisés sur 5 régions, environ 25 % de la population au Danemark affichent des problèmes de santé mentale, dont 1,6 % par an sont hospitalisés pour des troubles psychiques. Depuis 2010, la fréquentation des services de la psychiatrie a augmenté de 30 %. C’est dans ce contexte qu’un nouveau plan « Dix ans pour la psychiatrie » se prépare afin de renforcer les efforts dans le domaine. Ce plan mettra l’accent sur la prévention de la santé mentale, la cohérence entre les acteurs régionaux et municipaux, les enfants et les jeunes, ainsi que sur les personnes qui souffrent à la fois d’une addiction et d’une maladie mentale.

Le traitement psychiatrique – une responsabilité partagée

Au Danemark, le traitement psychiatrique est principalement une tâche publique, et une responsabilité partagée. La prise en charge relève des compétences des régions, responsables des hôpitaux et des médecins généralistes, et des municipalités qui sont en charge de la psychiatrie sociale.

Trois principes de base régissent sa mise en œuvre : la qualité, la proximité et la cohérence du parcours. La coordination entre les régions et les municipalités est clef afin de créer un parcours de qualité.

Le programme OPUS montre par excellence l’approche de prévention et de coordination pluriprofessionnelle entre acteurs au niveau régional et municipal. Son point unique est la coordination d’un parcours de soins pluridisciplinaire à travers une personne de contact principal. Le programme se déroule sur au moins deux ans et inclut le suivi de la médication, l’entraînement des compétences sociales et une grande implication de la part des familles. Ce programme, initié en 1988 dans une seule région, cible de jeunes adultes schizophrènes après une première hospitalisation et a démontré son efficacité pour établir un mode de vie avec moins d’hospitalisations ou aggravation de la maladie. Aujourd’hui, OPUS est déployé sur tout le territoire par une trentaine d’équipes, ainsi que des centres d’urgences spécifiquement attribués à ce programme. L’importante digitalisation du parcours de soins au Danemark contribue au succès d’OPUS par la facilité des échanges entre professionnels.

Focus : La psychiatrie digitale

En effet, le domaine de la santé est déjà fortement digitalisé au Danemark, par le biais par exemple de dossiers médicaux partagés, l’accès à une plateforme nationale www.sundhed.dk pour les démarches santé, ainsi que la transmission automatique des ordonnances. Le Danemark est d’ailleurs le pays le plus connecté de l’Europe, selon l’Index pour l’économie et la société digitales, ce qui a grandement contribué à digitaliser également le domaine de la santé. En lien avec cela, les régions danoises ont mis en place un groupe de travail sur la psychiatrie numérique. Pour arriver à l’objectif principal de développer des outils numériques qui créent de la valeur pour les malades mentaux, une collaboration est nécessaire, notamment pour faire face aux défis liés à la formation des professionnels de santé, à la sécurité des données et à l’intégration dans les offres de traitement existantes.

Pionniers de la psychiatrie numérique

Le Danemark a de l’expérience avec la psychiatrie numérique. Dès 2013, le Centre de télépsychiatrie ouvre ses portes dans la Région Sud. C’est une unité unique en psychiatrie, où l’innovation numérique, l’intervention en clinique, et la recherche sont réunies sous un même toit. Aujourd’hui, ses services s’étendent au niveau national et travaillent de pair avec d’autres régions. Le centre développe des prises en charge, des outils et des protocoles, par exemple pour apprendre à interpréter les expressions d’un patient en téléconsultation. Le centre a été moteur sur la mise en route et l’acceptation de l’utilisation des appels vidéo en traitement ambulatoire. La collecte de données pour améliorer et développer de futurs traitements est également un aspect important de la digitalisation en psychiatrie en général. En outre, ce centre agit fortement dans le domaine de la prévention. Des sites tels que Mindhelper.dk destiné à informer les jeunes à travers le pays, ainsi que l’offre de traitement Internetpsykiatrien.dk, où les citoyens peuvent trouver un traitement de l’anxiété et de la dépression sur Internet, en sont un exemple. La digitalisation est d’ailleurs un secteur en développement continu. Plusieurs projets de recherche sur l’utilisation de la réalité virtuelle et des technologies de capteurs dans le traitement psychiatrique sont ainsi implantés en son sein.

Quelques coups de cœur

Les entreprises danoises travaillent continuellement pour être à la pointe des nouvelles technologies. Des collaborations public-privé permettent aux professionnels de la santé de tester de nouveaux moyens de traitement et aux entreprises d’adapter leurs solutions à l’usager. Actuellement, quelques régions danoises sont par exemple engagées dans un projet de recherche pour tester et optimiser un logiciel de lunettes de réalité virtuelle qui peut aider des patients souffrant de voix malveillantes.

Un autre aspect de collaborations public-privé au Danemark, c’est l’existence de fondations actionnaires, qui contribuent activement au financement de la recherche publique. En 2016, leur contribution atteignait l’équivalent du financement public de la recherche, dont l’objectif est 1 % du BNP, et depuis elle est en hausse constante. Dans le domaine de la psychiatrie, la fondation Lundbeck accorde chaque année plus de 67 millions d’euros à la recherche biomédicale, principalement axée sur le cerveau. La fondation développe également une plate-forme web éducative ouverte et accessible aux professionnels de la psychiatrie et de la neurologie du monde entier, qui offre des formations et des guides, basés sur les nouvelles connaissances scientifiques visant à optimiser la qualité des traitements, et les possibilités de partenariats entre les cliniques et le monde scientifique. C’est un autre exemple de l’importance accordée à la digitalisation, au partage des connaissances et à la pluridisciplinarité.