Tribune

Portrait d'Hervé Chapron et Michel Monier, Membres du CRAPS
L’État et l’Entreprise sont désormais confrontés au même défi, celui de réconcilier l’économique et le social, le capital et le travail.

Hervé CHAPRON & Michel MONIER
Membres du CRAPS, respectivement anciens Directeurs Généraux Adjoints de Pôle emploi et de l’Unédic et auteurs de «  Penser le social – 5 questions pour 2022  »

Episode 2 sur 8 de la série réalisée en partenariat avec le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)

Pendant la crise sanitaire, alors que l’État était plus Providence que jamais, l’Entreprise trouvait mieux que sa raison d’être : une utilité sociale allant jusqu’à se présenter comme un service public. L’action de l’État et celle des Entreprises convergeaient vers une cause commune de salut public : sauver les emplois et le tissu productif.

Les Trente piteuses et leur lot de délocalisations d’une part, la part croissante d’une économie de services désormais relayée par la nouvelle économie d’autre part, ont asséché son financement. La part de l’industrie ne cesse de décroître, l’économie numérique fortement capitalisée utilise peu de main d’œuvre, l’Entreprise de services crée des emplois à faibles revenus. Les politiques de l’emploi accentuent, par le biais des allégements de charges, la baisse du financement assis sur les salaires. L’émergence de l’entrepreneur individuel, les conséquences des évolutions technologiques, de la grande distribution sans caissière aux plateformes de livraison, rendent le modèle conçu en 1945 définitivement obsolète. La solution de fiscalisation déconnectant les assurances sociales du travail trouve ses limites dans un État à la fois surfiscalisé et surendetté.

Quand deux Français sur trois attendent de l’Entreprise qu’elle participe à créer du « mieux social », celle-ci, se faisant Entreprise à mission, veut désormais dépasser la recherche exclusive du profit pour impacter positivement la société.

L’État ne peut plus être Providence et l’Entreprise n’a pas à devenir Providence ! Lieu par excellence de socialisation, de convergence économico sociale, cette dernière ne doit-elle pas poursuivre sa mutation « d’entreprise à mission », statut transitoire, en « entreprise à contrat social » soucieuse des externalités négatives qu’elle peut générer ?

L’État et l’Entreprise sont désormais confrontés au même défi, celui de réconcilier l’économique et le social, le capital et le travail. Si le système de protection sociale est une ardente obligation, il est aussi « un stabilisateur essentiel pour le capitalisme ».

La protection sociale du XXIe siècle doit retrouver une logique professionnelle, donner leur part de responsabilité aux acteurs économiques et aux premiers d’entre eux, l’Entreprise, ses employeurs et ses salariés. La Providence, épuisée, doit laisser place à la Prévoyance, à la responsabilité appuyée par un solidarisme, cette formidable idée léguée par Léon Bourgeois1. Avec le solidarisme, l’État et les acteurs économiques et sociaux trouveront alors leur rôle et responsabilité dans « le monde d’après ».

1 Le solidarisme de Léon Bourgeois, un socialisme libéral ? – La Vie des idées (laviedesidees.fr).