INTERVIEW
Aujourd’hui, l’AIM représente 61 organisations issues de 28 pays en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique-Latine et en Europe

Abdelaziz Alaoui

Président de la CMIM
Vice-Président de l’AIM en charge de l’Afrique et Moyen-Orient

Quelles sont les particularités du système de santé au Maroc ? Au sein de celui-ci quel est le rôle des mutuelles ?

Tout d’abord, il faut noter que le système de santé au Maroc est caractérisé par une offre de services multiple regroupant :

• Un secteur public comprenant des structures de soins relevant du Ministère de la Santé, des services de santé des Forces Armées Royales et des services de santé relevant des collectivités locales ;

• Un secteur privé à but lucratif et un autre à but non lucratif.

En effet, le secteur public est doté de 2 792 Etablissements de Soins de Santé Primaire (ESSP), 150 hôpitaux de niveau district en autonomies financières (hôpitaux dits « SEGMA») et 5 Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Ce secteur dispose de plus de 75% de la capacité litière du pays.

Quant au secteur privé à but lucratif, qui malheureusement est fortement concentré dans les grandes villes, se compose de plus de 450 cliniques privées, des cabinets médicaux et dentaires, des laboratoires d’analyse et plus de 10 000 pharmacies officine. à ceci s’ajoute le secteur privé à but non lucratif avec 13 polycliniques de la CNSS, des structures de soins relevant des mutuelles, de l’OCP et de l’ONE, des fondations, des ligues et du croissant rouge.

En ce qui concerne le financement du système de santé au Maroc, il faut retenir que la part des dépenses totales de santé rapportées au PIB a augmenté entre 2007 et 2014, passant de 5,5% en 2007 à 5,9% en 2014, avec un pic à 6.2% en 2012. Il est vrai que le Maroc a gagné en classement par rapport à d’autres pays mais la taille de financement de son système reste faible.

En se penchant sur la structure du financement de la santé au Maroc, qui malgré l’accroissement des allocations dédiées au Ministère de la Santé, reste, selon les comptes de la santé de 2010, majoritairement financé par les dépenses directes des ménages (54%) contre 25% par l’état et 19% par l’assurance maladie obligatoire (AMO). Cette dernière qui a démarré en août 2005 suite à l’adoption en 2002 de la loi n°65-00 portant le code de la couverture médicale de base (CMB) avec la perspective d’atteindre une couverture médicale universelle.

En effet, avant l’avènement de la l’AMO, le Maroc ne connaissait pas de régime d’assurance maladie obligatoire mais un certain nombre d’organismes qui offraient une assurance facultative, à savoir :

• Les sociétés mutualistes qui sont des groupements de droit privé à but non lucratif menant des actions de prévoyance, de solidarité et d’entraide avec :

Pour les fonctionnaires du secteur public, on retrouve principalement :

• La Mutuelle de la Police (1919) ;

• La Mutuelle des Douanes et des Impôts Indirects (1928) ;

• La Mutuelle Générale du Personnel des Administrations Publiques du Maroc (1946) ;

• La Mutuelle Générale de l’Education Nationale (1963) ;

• La Mutuelle du Personnel de l’Office d’Exploitation des Ports (1995) ;

Pour les salariés du secteur privé dont la caisse la plus importante est la Caisse Mutualiste Interprofessionnelle Marocaine (CMIM) :

• Les caisses internes : créées par certains établissements publics. Il s’agit de structures propres aux personnels de grandes entreprises publiques ;

• Les entreprises d’assurances privées qui proposent des contrats individuels ou de groupe.

A partir de 2005, deux caisses d’assurance maladie ont été mandatées pour gérer l’AMO en l’occurrence la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale (CNOPS) et la Caisse Nationale de sécurité Sociale (CNSS).

La CNOPS qui est une fédération de 8 mutuelles déjà existantes assure la gestion de l’AMO pour les fonctionnaires de l’état et les étudiants. Ces 8 mutuelles ont vu leur mission basculer vers la liquidation des dossiers maladies suite à une convention de délégation de service signée avec la CNOPS. Dans un autre volet ces dernières assurent un service d’assurance complémentaire à l’AMO de base.

La CNSS assure pour sa part la gestion de l’AMO pour les salariés du secteur privé et bientôt pour la population non salarié connue comme indépendante ou du secteur libéral.

Quelles sont, selon vous, les actions à mettre en place sur le moyen et le long terme pour développer une couverture maladie à l’ensemble de la population ?

Il est important de signaler que, selon l’OMS la couverture universelle est définie à travers deux éléments :

• S’assurer que tout le monde a accès aux services de santé nécessaires et de qualité suffisante pour produire l’effet voulu ;

• S’assurer que personne ne subit des problèmes financiers (des coûts catastrophiques) dus aux paiements pour les soins.

Ce droit, comme stipulé dans l’article 31 de la constitution de 2011, est un droit fondamental dont toute institution doit œuvrer à l’attendre et à le sauvegarder.

Certes, aujourd’hui, 57% de la population marocaine dispose d’une couverture médicale (AMO, RAMED, assurances privées et caisses internes), le reste de la population sera couverte à travers la mise en œuvre de la loi relative à l’assurance maladie des indépendants (AMI) qui a été votée en juin 2017 et celle des ascendants mais certains défis nécessitant des actions afin de les surmonter, à savoir :

• Pour l’AMI : la population cible est de 11 millions caractérisée par son hétérogénéité ce qui implique le démarrage par les catégories socioprofessionnelles les plus organisées avant d’aborder la population relevant du secteur informel ;

• Pour le RAMED : la création d’un organisme gestionnaire indépendant ;

• Réduire l’iniquité de l’offre de soins à travers :

• La mise à niveau des hôpitaux publics ;

• La carte sanitaire en vue d’une répartition équitable de l’offre de soins sur le territoire marocain et une meilleure accessibilité de toute la population aux soins ;

• Plus d’investissement dans le secteur de la santé (via l’application de la loi n° 131-13) ;

• Le partenariat public – privé.

Quel est le positionnement de la CMIM pour contribuer à cette démarche au Maroc et plus globalement sur le continent africain ?

La CMIM est la seule mutuelle interprofessionnelle au Maroc. Créée en 1977, la CMIM compte aujourd’hui plus de 120 000 bénéficiaires. Elle offre à ses adhérents un large panier de soins et un système de tiers payant dans différents centres et établissements conventionnés dans toutes les villes du Royaume (plus de 1100 établissements conventionnés).

Nous œuvrons pour le développement de la couverture maladie dans le monde et en particulier dans la région Afrique et Moyen-Orient à travers ma position en tant que Vice-Président de l’Association Internationale de la Mutualité « AIM », chargé de cette région. Aujourd’hui, l’AIM représente 61 organisations issues de 28 pays en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique-Latine et en Europe. L’AIM, c’est aussi une plateforme d’échange entre ses membres. Le secrétariat organise divers groupes de travail durant lesquels les membres partagent leurs expériences et élaborent des positions communes.

L’Afrique porte aujourd’hui le plus lourd fardeau de la maladie dans le monde avec un taux de couverture santé de moins de 10% de la population, une espérance de vie de moins de 50 ans et un taux de mortalité de plus de 100 décès pour mille. Cette situation requiert une stratégie, une politique à la hauteur des enjeux humains et humanitaires en question et des actions urgentes et d’envergure pour pallier cet état de fait dramatique en Afrique en vue d’assurer une couverture maladie universelle. Les sociétés mutuelles constituent une réponse ou la réponse pour une couverture médicale universelle dans les pays africains.le système de santé au Maroc